Lundi 22 Avril 2019  
 

N°124 - Quatrième trimestre 2018

La lettre diplometque
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     Soudan
 

Les atouts de la reconstruction

Avec les célébrations du cinquantième anniversaire de l’indépendance le 1er janvier dernier, le Soudan a en quelque sorte inauguré l’an I de sa transition politique et économique. Signe de cette dynamique retrouvée, Khartoum accueille le Sommet de l’Union africaine, puis celui de la Ligue arabe et la conférence ministérielle des pays ACP. La paix reste pourtant fragile au Soudan où le drame du Darfour se poursuit et des tensions persistent dans l’Est. Mais cette instabilité n’entrave pas le redémarrage de l’économie soudanaise. La croissance du PIB est passée de 6,5% en 2004 à 8,5% en 2005. A l’image de l’inflation, maîtrisée sous la barre des 10% (alors qu’elle s’élevait à 130% en 2000), la santé macro-économique du pays a été assainie. La dette extérieure de 26 milliards de dollars, jugée insoutenable par le FMI, reste le plus grave problème économique du pays. Calculé sur la base d’une production par jour de 500 000 barils et des prix du brut de 40-45 dollars, le budget pour l’année 2006 table sur une croissance de 9%. A Juba, siège du Parlement du Sud-Soudan, le nouveau gouvernement autonome envisage un budget annuel de deux milliards de dollars et multiplie les initiatives pour attirer les investisseurs, en offrant notamment une exemption de taxes pour les cinq premières années.1

Avec des réserves prouvées estimées à 563 millions de barils, sans compter les zones à explorer dans le Nord et l’Est du pays, le Soudan, et particulièrement le Sud-Soudan, a en effet de quoi séduire. L’industrie pétrolière soudanaise se classe parmi les trois premières du continent. Le pétrole est acheminé des gisements situés pour la plupart dans les régions du centre et du sud vers les raffineries d’El Obeid,   de Khartoum et de Port-Soudan. Depuis la signature des accords de paix le 9 janvier 2005, les projets pour accroître les capacités de production et d’exportation se multiplient. Les grandes compagnies asiatiques, notamment l’indienne ONGC Videsh, la chinoise CNPC et la malaisienne Petronas, dominent ce marché que le Sudan Act interdit encore aux groupes américains. Le groupe français Total a repris ses activités d’exploration suspendues en 1985, dans sa concession de Bor Basin au Sud-Est, la plus importante du pays. Depuis 2004, la production n’a cessé de croître passant de 250 000 barils par jour en 2002 à plus de 400 000 fin 2005. Le nouvel oléoduc reliant Khartoum et la Mer Rouge ainsi que les travaux entrepris pour porter la capacité des raffineries de Khartoum et de Port-Soudan à 100 000 barils par jour, contribuent à élever la production, en attendant l’ambitieux projets de la CNPC. Représentant près de 3 milliards de dollars, soit le plus important investissement étranger, la mise en production du champ de Muglad devrait dégager 500 000 barils par jour. La compagnie chinoise a également prévu de construire une raffinerie capable de traiter 2,5 millions de tonnes par an, ainsi qu’un oléoduc de 1 500 km vers un terminal sur la Mer Rouge, pour l’exportation. Drainés pour une bonne part par l’industrie pétrolière, les flux d’investissement directs étrangers ont significativement dépassé 1,5 milliards de dollars, plaçant le Soudan dans les tout premiers récipiendaires en Afrique. Les autorités soudanaises comptent atteindre un million de barils par jour d’ici la fin de l’année. Les exportations pétrolières constituent aujourd’hui plus de 75% des recettes externes et 43% des revenus de l’Etat. Elles ont atteint 370 millions de dollars en 2005.

L’accroissement de la production de pétrole arrive à point pour financer les besoins de la reconstruction. L’extension des moyens de communication aux régions les plus reculées est impérative pour consolider l’unité retrouvée du pays. La construction de routes dans le Sud et l’Ouest du pays a déjà démarré. En matière de production d’énergie, le groupe français Alstom a remporté en novembre 2003, un contrat d’une commande de plus de 250 millions d’euros pour la fourniture du système électromécanique du barrage de Merowe sur le Nil. Prévu pour 2008, l’achèvement des travaux de ce barrage, sur la quatrième cataracte du Nil, permettrait de doubler les capacités d’énergie du pays. La France est également bien représentée dans le secteur énergétique à travers Electricité de France (EDF) qui fournit des prestations d’ingénierie pour le renforcement du réseau de transports de Khartoum. Le Soudan projette en outre de construire de nouveaux ports et de moderniser son réseau ferroviaire.

Avec les infrastructures, l’agriculture est l’autre priorité du gouvernement soudanais. Promis à devenir le « panier » du monde arabe dans les années 60, le Soudan est quarante ans plus tard en situation d’urgence humanitaire. Il possède pourtant tout le potentiel pour devenir un grand exportateur agricole, notamment dans le Sud, riche en terres fertiles. Il figure ainsi parmi les premiers producteurs mondiaux de gomme arabique et de sucre. La sucrerie de Kenana, une des cinq du pays, est à cet égard le plus grand complexe d’Afrique et du monde arabe, le cinquième à l’échelle mondiale. Deux entreprises françaises suivent d’ailleurs des projets d’appels d’offre pour deux sucreries. Le Soudan se classe également au second rang des pays d’élevage et des pays producteur de poulets derrière l’Egypte, en Afrique. Si le poids de l’agriculture dans l’économie soudanaise tend cependant à diminuer depuis que le pays est passé en 2000 d’une économie traditionnellement agricole à une économie prenant en compte la donne pétrolière, ce secteur continue toutefois de générer 40% du PIB et d’employer les deux tiers de la population.

Doté en plus du pétrole, de chrome, cuivre, mica, fer, plomb, zinc, diamant et uranium, le sol soudanais, trop longtemps objet de convoitise, peut devenir un formidable atout pour le développement du pays. La reprise des échanges commerciaux avec les autres pays de la région et le renforcement de son partenariat économique avec la Chine2 témoignent également des opportunités qui s’offrent au Soudan pour se poser en plateforme du commerce régional, retrouvant ainsi le rôle que lui à conférer l’histoire, à cheval entre le monde subsaharien et le monde arabe.  C.H.    

 

1 – RFI, Gabriel Khan, 2/01/06.

2 – Entre 2000 et 2004, le commerce entre la Chine et l’Afrique a triplé. 7% des importations chinoises de pétrole proviennent du Soudan.

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