Pour la première fois les 3 et 4 décembre prochains, le Mali accueillera le Sommet Afrique-France. Près de 3 000 personnalités, diplomates, journalistes et une soixantaine de chefs d’Etat et de gouvernement sont attendus au Palais de la Culture de Bamako. Lors de la cérémonie d’ouverture, une jeune femme africaine doit livrer à la prestigieuse assemblée, les conclusions du Forum de la jeunesse africaine qui s’est tenu quelques jours plus tôt dans la capitale malienne. Sortant des sentiers battus des thèmes traditionnels du forum de dialogue franco-africain institué en 1976, le Mali a en effet décidé de centrer les débats de ce 23ème Sommet Afrique-France sur le thème « la jeunesse africaine : sa vitalité, sa créativité et ses aspirations ». Thème transversal, pour le moins ambitieux, embrassant parmi d’autres, les questions de l’éducation, de la formation, de l’emploi, de la fuite des cerveaux, ou encore de l’insertion sociale. Thème au centre des problématiques de développement d’un continent dont près de 55% de la population à moins de 25 ans.
Enclavé au cœur d’une Afrique de l’Ouest ravagée par une décennie de conflits, le Mali est parvenu à préserver la paix sociale et à enraciner la démocratie depuis la révolution du 26 mars 1991. Scellé par le choix de l’alternance politique lors de l’élection présidentielle d’avril 2002, l’ancrage de la démocratie s’est traduit, sous le mandat du Président « sans parti » Amadou Toumani Touré, par la mise en place d’un système de gouvernement fondé sur le consensus et inaugurant un concept politique nouveau de « démocratie consensuelle »1. Cet acquis démocratique qui définit l’« exception malienne », ne s’est pourtant pas encore traduit sur le plan du développement. Potentiellement riche, le Mali est le premier producteur de coton et troisième producteur d’or d’Afrique subsaharienne, mais il reflète aussi les enjeux majeurs du développement et de l’éradication de la pauvreté dans le continent africain : pays de 16 millions d’habitants, 49,2% de sa population est âgé de moins de 15 ans, l’espérance de vie est de 48,5 ans, la mortalité infantile atteint 11,3% et le taux d’alphabétisation n’est que de 19%.
Le gouvernement malien a donc fait de l’« industrialisation rapide et soutenue », l’« élément fondamental de la politique économique du pays pendant les cinq ans à venir ». L’objectif est d’accroître la contribution du secteur industriel à la croissance et de faire passer le pays du statut d’exportateur de matières premières à celui d’exportateur de produits semi-finis. Le Mali souffre encore trop de sa vulnérabilité à la conjoncture internationale. S’il fait vivre plus de trois millions de personnes, seul 1 à 2% de la production totale de coton est ainsi transformée sur place. En 2004, en dépit d’une production record de 617 000 tonnes de coton qui en fait le premier pays producteur de coton d’Afrique, la situation économique malienne était encore fragilisée par la forte chute des prix de cette matière depuis 2001 et par la concurrence de la production subventionnée des pays industrialisés. Le coton, devant l’or et le bétail, est l’un des pilliers du Mali.
Défini au sein du plan d’action 2004-2007, ce véritable tournant industriel devra s’appuyer sur la transformation du coton, de l’or et la production de sucre.2 Dans cette perspective, les autorités maliennes, ont mis en œuvre une politique d’incitation aux investisseurs étrangers, incontournables partenaires de la modernisation de l’économie malienne. Ces efforts ont été récompensés avec l’attribution de la notation B à long et à court terme, par le cabinet de notation Standard & Poor’s, en 2004. Elles ont également à cœur d’inverser la tendance à une forte baisse des flux d’investissements étrangers depuis 2003, n’atteignant alors plus que 26 millions de dollars contre 100 millions dollars par an de 2000 à 2002, selon la BCEAO. Ce ralentissement est d’ailleurs imputable au ralentissement du processus de privatisation, dont la seconde phase concerne les grandes entreprises publiques maliennes, à fort capital symbolique, comme l’huilerie Huicoma, la banque BIM, la CMDT qui contrôle l’ensemble de la filière coton, pour laquelle le groupe français Dagris s’est d’ailleurs montré intéressé, et la Sotelma, l’opérateur malien de téléphonie fixe.
Sur le plan administratif, le gouvernement a réalisé une révision profonde du code de l’investissement qui s’accompagne d’une amélioration du cadre fiscal des affaires. Pendant les huit premières années de leur activité, les investisseurs sont ainsi exonérés d’impôt sur le bénéfice, et pendant trois années supplémentaires si ils utilisent des matières premières locales (coton, fruits et légumes). L’installation du matériel d’équipement nécessaire à une implantation au Mali est également exonérée de droits de douanes. Un guichet unique a en outre été mis en place pour alléger les lenteurs administratives pour la création d’entreprise. Outre ces avantages fiscaux, le gouvernement malien cherche à améliorer l’environnement général des affaires. Dans un pays où le secteur informel représente aux alentours de 80% de l’économie, le Ministère malien de l’Industrie et du Commerce cherche à accentuer sa politique de lutte contre la fraude et d’amélioration des règles de concurrence du marché. Depuis 2002, une ambitieuse politique des transports et des communications a également été mise en place, visant à transformer l’obstacle de l’enclavement géographique en atout, pour profiter pleinement de l’intégration régionale au sein de l’UEMOA et de la CEDEAO. Sa mise en œuvre s’est d’ailleurs accélérée avec le basculement de la Côte d’Ivoire dans la guerre civile, près de 60% de ses échanges extérieurs transitant par l’axe Bamako-Abidjan. La capitale malienne cherche désormais à renforcer ses infrastructures de communication avec les autres ports de la région, Dakar, Lomé, Conakry… Enfin, le récent retrait de Saur International, ancienne filiale du groupe français Bouygues, de la compagnie d’Etat Electricité du Mali (EDM) pourrait changer la donne de la politique énergétique du gouvernement, en lui donnant notamment
les moyens d’agir sur le coût élevé de l’énergie, véritable entrave à l’investissement.
Tous ces efforts visent également à favoriser l’essor de pans entiers de l’économie malienne encore délaissés, comme le secteur agro-industriel. Créé en 2004, le Conseil présidentiel pour l’investissement (CPI) a ainsi préconisé dans son premier rapport, rendu publique en mars 2005, « d’élaborer un plan cohérent de développement vers une économie agro-industrielle », liant étroitement la revalorisation du secteur agricole et le développement des secteurs des mines et du tourisme.3 A titre d’exemple, le Mali qui produit en moyenne 425 000 tonnes de riz par an, pourrait s’affirmer comme le grenier à riz de l’Afrique de l’Ouest, avec 2,2 millions d’hectares de terres irrigables. Une réforme de l’Office du Niger et du système de production de riz, a ainsi été lancé en ce sens. Récemment initié par le projet-phare d’industrie sucrière à Markala, dont le groupe français Schaffer a obtenu la maîtrise d’œuvre, le développement du secteur sucrier pourrait également placer le Mali au deuxième rang des pays producteurs en Afrique. Autre secteur porteur pour un pays dont les produits pétroliers restent le premier produit d’importation (17,6% du total de la facture en 2003), la prospection pétrolière connaît un renouveau, avec le lancement des activités d’exploration du consortium australien Baraka Mali Venture.4
En marge du Sommet Afrique-France, le Mali dispose ainsi d’une occasion pour faire valoir tout ce potentiel économique, non seulement auprès des entrepreneurs français qui génèrent en moyenne près des deux tiers des investissements étrangers chaque année, mais aussi à l’échelle internationale. C.H. |