Lundi 22 Avril 2019  
 

N°124 - Quatrième trimestre 2018

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2015, une année charnière pour Singapour

Entretien avec M. Lawrence Wong,
Ministre du Développement national, ancien Ministre de la Culture, de la Communauté et de la Jeunesse de la République de Singapour

La Lettre Diplomatique : Monsieur le Ministre, marquant le 50ème anniversaire de son indépendance, l’année 2015 représente également un tournant pour Singapour avec la disparition, le 23 mars, du père fondateur de la Cité-État, l’ancien Premier Ministre M. Lee Kwan-Yew. Quel regard portez-vous sur son héritage ? Fort des profondes transformations qu’il a initiées, quels facteurs font, selon vous, de votre pays, un modèle unique de développement économique et de cohésion sociale ?

M. Lawrence Wong : M. Lee Kwan-Yew ne disposait pas de beaucoup de moyens quand Singapour est devenu indépendant. Mais, il est parvenu à faire l’impossible. Les contraintes sont alors devenues des opportunités. Par exemple, la diversité de notre société est devenue une force, M. Lee et nos pères fondateurs ayant unifié la nation avec la vision d’un peuple uni sans distinction de race, de langue ou de religion. Cette caractéristique figure au cœur de notre engagement national. Étant une petite nation, nous avons également été contraints à être autosuffisants et cette réalité a amené notre ethos à travailler dur pour offrir un avenir meilleur à nos familles et à notre société.
Singapour incarne ces valeurs et ces principes, sur lesquelles il a été fondé. Elles ont guidé nos avancées au cours de ces 50 dernières années et elles continueront à former une large part de ce qui guidera nos avancées au cours des 50 prochaines années.

L.L.D. :  Trois thèmes ont marqué les célébrations du 50ème anniversaire de l’indépendance de Singapour : le patrimoine, la culture et le futur. À l’image de l’inauguration de la National Gallery en novembre 2015, à travers quels autres projets ces thèmes ont-ils été mis en lumière ? Quelles valeurs ce Jubilé a-t-il aspiré à promouvoir, notamment à l’attention des générations futures ?  
    
L.W. : Le 50ème anniversaire de l’indépendance de Singapour a constitué pour nous une occasion de réfléchir sur l’héritage de nos pères fondateurs et sur la construction de notre futur à partir de ce leg. À travers ces célébrations, nous avons voulu aussi réaffirmer nos liens avec nos compatriotes singapouriens et consolider notre identité singapourienne.
Tout au long de l’année 2015, plusieurs célébrations nationales, ainsi que de nombreux événements ont été initiés et organisés par les Singapouriens. Par le biais de ces manifestations, nous espérons offrir des opportunités à tout le monde de rélféchir au passé, de célébrer le présent et de regarder vers le futur en tant que nation.
En dehors de la National Gallery, nous avons également investi dans la transformation de l’environnement au sein du Civic District, quartier étant connu comme le lieu historique de la naissance du Singapour moderne. En novembre 2015, nous avons inauguré la nouvelle Promenade du Jubilé – un chemin qui traverse le Civic District, mettant en lumière notre histoire, nos accomplissements et nos aspirations pour le futur. Nous installerons également des réalisations artistiques autour de ce chemin pour ajouter de la couleur et du charme au paysage urbain de Singapour. Cet aménagement s’inscrit, plus largement, dans le cadre de notre volonté d’ouvrir l’accès à un art de qualité à tout le monde et partout à Singapour.

L.L.D. : Singapour et la France ont également célèbré en 2015 le 50ème anniversaire de leur indépendance à travers le Festival Singapour en France et l’organisation de plus de 30 événements dans de nombreuses villes françaises. Fort de la diversité des domaines couverts par le Festival, des arts plastiques à la photographie en passant par l’architecture, la musique ou la gastronomie, quelle image de Singapour avez-vous souhaité transmettre au public français ? Comment lui a-t-il permis de définir une identité singapourienne ?

L.W. : Beaucoup de personnes à l’étranger peuvent avoir de Singapour l’image d’un centre d’affaires et financier performant et moderne. Mais, Singapour est bien plus que cela. Nous sommes peut-être une nation souveraine relativement jeune, mais nous puisons notre riche diversité culturelle des trois ethnies majeures qui la composent (chinoise, malaisienne et indienne), ainsi que de plusieurs autres minorités : eurasienne, arménienne, juive, parsie et arabe. Au sein de cette diversité culturelle, émerge, en effet, une identité singapourienne plus spécifique qui s’exprime à travers l’art. Par exemple, l’Orchestre chinois de Singapour ne joue pas seulement de la musique chinoise ; il est aussi riche des influences des cultures musicales malaisienne, indienne et même européenne. Elles développent progressivement une identité musicale caractéristique de Singapour et qui lui est propre.

L.L.D. : Le Festival Singapour en France aspirait à présenter le meilleur de la création contemporaine et de la culture singapouriennes. Pouvez-vous évoquer pour nous les disciplines et  les artistes les plus emblématiques de ce savoir-faire ?
 
L.W. : Compte tenu de la diversité de notre société multiculturelle, et de la façon dont nos artistes s’en inspirent, il serait difficile de décrire une « touche singapourienne ». Mais il faudrait, peut-être, regarder de plus près le travail de Ong Keng Sen, The Incredible Adventures of Border Crossers, «Les aventures incroyables des frontaliers». Il ne s’agit pas simplement de ce que racontent des artistes sur l’histoire des migrations de Singapour, mais aussi du regroupement de nombreux jeunes créateurs venant du monde entier. Nous avons vu des artistes se rassembler pour s’engager dans cette production. Celle-ci a une dimension tout autant locale que globale, tout en sachant d’où nous venons. Après avoir participé au Festival, j’espère que la population française aura pu voir et expérimenter la riche diversité culturelle de Singapour.

L.L.D. : Des Singapouriens comme M. Darrell Ang, ancien Directeur musical de l’Orchestre symphonique de Bretagne ou le chef André Chiang font vivre la culture de votre pays en France. Considérant l’ouverture de la Pinacothèque de Paris à Singapour, comment décririez-vous les liens culturels franco-singapouriens ? Quels nouveaux vecteurs d’échanges bilatéraux souhaiteriez-vous voir émerger à l’issue du Festival Singapour en France, notamment dans les domaines associant les hautes technologies de l’information et de la communication (TIC) ?  

L.W. : Singapour et la France partagent des relations culturelles étroites. Nous espérons construire sur ces relations des partenariats encore plus étoffés et créer davantage d’opportunités pour nos artistes d’apprendre les uns des autres. Les échanges qui se sont développés dans le cadre de l’actuel festival entre nos deux pays constituent d’importantes plateformes en ce sens.
Et, ce tout particulièrement dans les domaines liés aux TIC où je peux identifier plusieurs opportunités de collaboration. Il y a beacoup d’artistes tant à Singapour qu’en France qui s’intéressent, par exemple, aux arts numériques et à l’animation. Nous pouvons également explorer de manière plus approfondie l’utilisation des TIC dans les domaines de la culture et du patrimoine.

L.L.D : Bien des liens avaient été noués entre Singapour et la France avant l’établissement de leurs relations diplomatiques en 1965. Alors que votre pays est devenu la deuxième terre d’accueil de la communauté française en Asie derrière la Chine, comment décririez-vous les spécificités de leurs interactions ? En quoi les deux pays sont-ils des « partenaires privilégiés » ?  

L.W. : En fait, les relations entre Singapur et la France sont plus anciennes que ce que les gens imaginent. Peu savent que deux naturalistes français, Pierre-Médard Diard et Alfred Duvaucel, ont accompagné Sir Stamford Raffles lorsqu’il a fondé Singapour. Ils avaient alors découvert et documenté l’existence de nouveaux spécimens de la flore et de la faune. Et, depuis lors, notre amitié a fleuri.
Singapour est heureux d’accueillir la plus grande communauté française en Asie du Sud-Est. Celle-ci s’est bien intégrée à notre société et apporte du dynamisme et de la couleur à notre ville cosmopolite. Je suis particulièrement satisfait de notre collaboration croissante dans le domaine des arts et de la culutre. Le Festival Singapour en France illustre ainsi les nombreux et précieux liens noués entre de nombreux artistes français et singapouriens, ainsi qu’entre les institutions culturelles de nos deux pays dans un large panel de domaines.
Au-delà de la cutllure et des arts, Singapour et la France sont également des partenaires étroits dans d’autres domaines comme l’éducation et la recherche, la défense et le commerce. En 2012, la France est devenue le deuxième pays après les États-Unis avec lequel Singapour a signé un partenariat stratégique. Cet accord réaffirme les valeurs que nous partageons et nos convergences de vues sur les questions internationales. Il renforce également notre souhait de resserer encore davantage les liens entre l’Asie et l’Europe.

L.L.D. : Au-delà du Festival Singapour en France, votre pays était également présent en 2015 à la Biennale de Venise et au Festival de Londres, tandis qu’il a accueilli la 28ème édition des Jeux d’Asie du Sud-Est. Comment définiriez-vous vos priorités en matière de diplomatie culturelle ? Quelles sont vos attentes à l’égard des retombées de ces manifestations pour le rayonnement de votre pays ?

L.W. : La diplomatie culturelle constitue une part importante de notre engagement avec d’autres pays. À travers de tels échanges, nous renforçons les liens entre les populations et nous créons également des opportunités pour les artistes singapouriens d’atteindre de nouveaux publics.
En 2014, mon ministère s’est engagé par le biais d’un soutien supplémentaire d’un montant de 20 millions de dollars singapouriens sur cinq ans, à encourager des initiatives dans le domaine de la diplomatie culturelle en direction d’autres pays. Cet engagement figure en tête des aides existantes et d’autres formes d’appui financier que nous offrons pour permettre aux professionnels des arts et du patrimoine de s’ouvrir des opportunités d’exposition et de formation à l’étranger. Dans ce but, nous avons conclu des accords d’échanges de long terme avec plusieurs pays, et nous cherchons à mettre en place des échanges encore plus fructueux avec nos partenaires internationaux.   

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