Par M. Philippe Lane*, Conseiller de coopération et d’action culturelle de l’Ambassade de France, Directeur de l’Institut Français de Jordanie
La France et la Jordanie entretiennent des relations d’amitié depuis la création du Royaume. La France a, en effet, ouvert un Institut Français dans le quartier intellectuel de Jabal Webdeh, dès 1963. Aujourd’hui, ces échanges culturels s’appuient essentiellement sur trois structures : l’Institut Français de Jordanie, le lycée français d’Amman et l’Institut Français du Proche-Orient. À quoi il est important d’ajouter une coopération juridique et judiciaire dynamique, ainsi qu’une coopération audiovisuelle qui se développe.
Le français, deuxième langue étrangère en Jordanie La langue française est la deuxième langue étrangère enseignée en Jordanie, l’anglais ayant un statut de langue seconde et faisant l’objet d’un apprentissage obligatoire dès le primaire (1ère langue étrangère). Dans l’enseignement secondaire, le secteur privé, très majoritairement confessionnel, est traditionnellement attaché à l’enseignement du français dès le primaire, notamment pour répondre à une demande sociale et d’image : 31 066 élèves sont concernés, dans 80 écoles. Dans le secteur public, l’introduction du français dans le cadre du diplôme de fin d’études secondaires comme matière optionnelle, n’a pas encore favorisé sa progression. Dans le secteur éducatif, il convient de mentionner l’action du lycée français d’Amman (LFA), dont les effectifs sont en progression. En 2014, l’établissement a achevé la rénovation de l’école primaire afin d’en accroître son attractivité, notamment auprès des familles jordaniennes. Le LFA est le seul établissement en Jordanie à dispenser un enseignement intégralement francophone et conforme aux programmes français. Il constitue à la fois un lieu de scolarisation et un acteur de la coopération éducative. En effet, un enjeu prioritaire pour cette année scolaire 2014-2015 est l’attractivité du LFA, grâce à une politique d’information et de communication auprès du public jordanien, notamment en s’appuyant sur la rénovation complète du site primaire. La mise en place du trilinguisme (français, anglais, arabe), dès le niveau pré-élémentaire est un argument pour la scolarisation de nouveaux publics.
L’Institut Français de Jordanie a célébré ses 50 ans L’action de l’IFJ, qui a fêté ses 50 ans en 2013, est complémentaire de celle du LFA. Les priorités de l’Institut Français de Jordanie (IFJ) sont l’attractivité de l’apprentissage de la langue française et la programmation d’événements culturels, la cible prioritaire de l’ensemble de la programmation de l’IFJ étant la jeunesse. L’attractivité de l’apprentissage de la langue française suppose le développement de l’offre de cours, notamment de spécialités, et des certifications hors les murs (universités et écoles privées ; partenariat avec le lycée français d’Amman), le développement de la démarche qualité (amélioration des évaluations de la satisfaction de la clientèle, investissement dans l’accompagnement et la formation continue des enseignants et la formation de jeunes enseignants), le ciblage des jeunes publics (développement des cours de français, offre de produits numériques attractifs de diffusion de la langue française (plateforme Culturethèque, notamment). Dans le domaine culturel, l’IFJ joue un rôle important par son investissement artistique dans le secteur de l’image, articulé autour de temps forts que sont les festivals (Festival du film franco-arabe et Festival de l’image, notamment), dans celui des musiques actuelles, ou encore les domaines de la gastronomie (Opération « Goût de France/Good France ») et du climat (COP 21 en décembre 2015). Si la coopération dans le domaine cinématographique est une activité prioritaire (plateforme IFCinéma), d’autres secteurs culturels sont également abordés : mise en valeur du tourisme par la musique, diffusion de films ou encore d’expositions photos sur le patrimoine. Deux activités complémentaires méritent d’être soulignées pour l’année 2015 : la participation à l’opération gastronomique « Goût de France/Good France » en mars-avril et l’organisation d’un séminaire sur la Jordanie contemporaine, à l’Institut du Monde arabe.
Une coopération qui se prolonge dans les sciences, l’audiovisuel et la justice Ajoutons également que la coopération française en Jordanie dans le domaine des sciences humaines et sociales repose principalement sur l’Institut français du Proche-Orient (IFPO). Ce dernier conduit des projets de recherche d’excellence, collectifs et individuels, à la fois interdisciplinaires et comparatifs, de l’Antiquité aux périodes contemporaines, sur l’ensemble de la région. L’archéologie et l’histoire de l’Antiquité, les études médiévales et modernes, les études sur le monde contemporain sont les trois principaux axes de recherches de l’IFPO. Enfin, deux secteurs d’activités méritent d’être mentionnés : une coopération juridique et judiciaire dynamique, et une coopération audiovisuelle qui se développe. La France et la Jordanie entretiennent depuis de nombreuses années des relations régulières et approfondies de coopération dans le domaine juridique et judiciaire. La qualité de cette coopération procède d’abord de la proximité de leurs systèmes juridiques issus de la même tradition. La Jordanie connaît en effet un système de droit qui, à l’exception des questions relevant du statut des personnes et du droit de la famille, est fortement influencé par les principes du droit romano-germanique, du Code Napoléon et du Code d’instruction criminelle français, hérités et adaptés de la législation turque au XIXème siècle et de la législation égyptienne des années 1950. Elle est aussi le fruit de la nomination depuis 2007 à Amman de magistrats, désignés comme attachés régionaux de coopération, et dont les actions ont renforcé notablement l’intensité des échanges avec leurs partenaires judiciaires jordaniens, tant dans un cadre bilatéral que multilatéral. La France étant également le seul pays de l’Union européenne en Jordanie à mener directement et de manière permanente une coopération dans le domaine de la gouvernance et de l’État de droit, son droit et son expertise n’en sont que plus connus et appréciés par les juristes locaux. Enfin, il est important de mentionner l’action dans le domaine audiovisuel, menée avec le concours de l’Attaché audiovisuel régional, basé à Beyrouth. Il s’agit en effet d’accompagner les actions menées avec le concours de la Jordan Radio TV et la Royal Film Commission, dans les secteurs de la radio-télévision et de l’audiovisuel. Suite à l’accord signé entre France Medias Monde et la Jordanian Radio TV, et en prévision de l’accord qui sera signé au cours du premier semestre 2015, entre la Royal Film Commission et le Centre national du Cinéma et de l’Image animée (CNC), il s’agit d’accompagner la mise en place de ces conventions, ainsi que celle avec l’Université Talal Abu-Ghazaleh, dans le domaine de la radio. Un partenariat s’ouvre également avec la chaîne privée Roya TV, dans le domaine de la formation de journalistes et de jeunes professionnels du cinéma.
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* Philippe Lane est l’auteur de French Scientific and Cultural Diplomacy, paru aux Editions Liverpool University Press, en 2013. |