Entretien avec M. Yiorgos Lillikas, Ministre du Commerce, de l’Industrie et du Tourisme de la République de Chypre
La Lettre Diplomatique : Compte tenu de la dépendance de l’économie chypriote à l’égard du secteur touristique, votre gouvernement a choisi de favoriser l’émergence d’une économie fondée sur les services à haute valeur ajoutée et sur le savoir. Quels sont les grands axes de cette « nouvelle politique industrielle » ? Comment les autorités chypriotes entendent-elles stimuler l’afflux d’investissements étrangers, en particulier pour compenser le démantèlement, presque achevé, du secteur offshore ?
Yiorgos Lillikas : Notre gouvernement, conscient de l’importance du secteur des services professionnels, prend des mesures nécessaires pour renforcer son expansion. L’existence d’un secteur de services fort et dynamique est la condition pour la création d’une économie saine et compétitive pleinement intégrée à l’environnement international. De cette manière, nous pourrons continuer à maintenir et à promouvoir la position de Chypre comme un centre d’affaires régional doté d’une puissance financière.
Le Ministère du Commerce, de l’Industrie et du Tourisme assure la promotion de programmes d’exportation vers des marchés sélectionnés avec une grande attention, par le biais de ces dix centres commerciaux. Les activités du Ministère sont pluridisciplinaires et visent principalement à la promotion et à l’exportation des services offerts par Chypre, à l’identification de nouveaux marchés étrangers qui correspondent à chaque sous-secteur et enfin l’élaboration d’une stratégie basée sur le court et long terme afin de pénétrer de nouveaux marchés.
Actuellement, le Ministère effectue une évaluation de plusieurs initiatives politiques en tenant compte des propositions du secteur privé et des recommandations d’experts. La nouvelle politique à pour but de promouvoir davantage le secteur des services et d’apporter une assistance appropriée pour son développement.
Chypre offre plusieurs avantages aux investisseurs étrangers qui choisissent l’île, pour établir leurs centres d’opérations régionaux. Les avantages compétitifs qu’offre Chypre proviennent de son emplacement géographique, de son régime fiscal, de son environnement macro-économique stable, d’un niveau d’éducation élevé associé à un faible niveau de rémunération des jeunes diplômés, d’une réglementation légale moderne, de secteurs bancaire et financier très développés, d’excellentes infrastructures avec des réseaux de transport et de communication très avancés, ainsi que de la connaissance de la langue anglaise par un grand nombre d’habitants.
Les investissements étrangers figurent parmi les priorités de la politique pour le développement de Chypre. Le Gouvernement a pris un certain nombre de mesures parmi
lesquelles nous pouvons noter la récente libéralisation de la politique des investissements étrangers, la simplification des procédures administratives, des incitations de la part du gouvernement sous forme de système de subventions applicable aux Chypriotes comme aux étrangers, la réforme du régime d’imposition favorable ou encore l’ouverture du « Foreign Investors Service Centre », qui guide et soutient financièrement les investisseurs étrangers.
De plus, le gouvernement accorde une grande importance à la promotion de Chypre en tant que centre régional de recherche & développement et à l’attraction des investisseurs étrangers spécialisés dans les industries de haute technologie, dans les produits et services à forte valeur ajoutée, qui, en fin de compte, contribueront au transfert de cette technologie et de cette connaissance. Plusieurs initiatives contribuent à cette politique comme « l’Ecole d’Ingénieur » à l’Université de Chypre, le Centre de Recherche en coopération avec le, « Harvard School of Public Health », les « Business Incubators », mais également le Parc Technologique de Chypre.
Chypre propose une gamme de services professionnels, qui correspondent parfaitement aux normes européennes et qui sont exportés avec succès. Les sous-secteurs à la croissance la plus forte et auxquels nous accordons une grande importance sont les télécommunications, l’audit, le juridique, les services de création, les services bancaires, l’éducation, les services de conseil, le médical, le paramédical, les logiciels et l’information technologique, ainsi que les études de marchés.
L.L.D.: Liés par des relations historiques, Chypre et la France partagent des relations économiques encore modestes. A l’aune de la visite de l’ancien Ministre délégué au Commerce extérieur François Loos à Chypre en septembre 2004, quelle nouvelle impulsion l’adhésion de Chypre à l’UE peut-elle donner à l’intensification des échanges économiques franco-chypriotes et dans quels secteurs d’activités plus précisément ? La réactivation de la Chambre de commerce franco-chypriote le 2 décembre 2004 répond-elle à un intérêt croissant et mutuel des acteurs économiques des deux pays ?
Y.L. : L’entrée de Chypre dans l’Union européenne a suscité en France un vif intérêt, qui se traduit, dans un premier temps, par un afflux touristique plus important, ainsi que par l’augmentation du nombre de demandes de renseignements concernant l’achat des maisons de vacances par des parti-culiers. Quant aux milieux économique et financier français, ils s’orientent désormais vers les nouvelles opportunités
d’investissement à Chypre.
La France est traditionnellement un de nos fournisseurs les plus importants, tous produits confondus. Les exportations françaises vers Chypre ont marqué une augmentation au cours des dernières années. De fait, elles ont enregistré une hausse de l’ordre de 42% l’année dernière. Nos exportations de produits agroalimentaires vers la France ont considérablement progressé depuis 2004, atteignant un niveau satisfaisant, grâce à la suppression des droits de douane pour l’ensemble des produits agricoles.
Toutefois, nos relations avec la France ne se limitent pas au seul commerce de produits. Elles concernent également d’autres formes de partenariat. Chypre, situé au seuil du Moyen-Orient, peut servir de véritable plate-forme d’affaires pour les sociétés françaises souhaitant approvisionner les pays voisins. Un autre secteur à exploiter est celui des sociétés du type « start-up », à mettre en place dans nos incubateurs. Notre gouvernement offre un certain nombre d’avantages susceptibles de séduire les fabricants français de produits innovants de haute technologie. Un environnement favorable, associé à un fort développement économique, ainsi qu’à un faible impôt sur les sociétés, devrait stimuler les sociétés françaises désireuses d’étendre leurs activités à Chypre et dans l’ensemble de la région.
La Chambre de commerce franco-chypriote aidera à renforcer les excellentes relations commerciales entre les deux pays, en organisant entre autres, et plus souvent qu’aupa-ravant, des missions commerciales entre les deux pays.
L.L.D. : Projet phare de la « nouvelle politique industrielle » de Chypre, la création d’un parc technologique sur l’île doit s’inspirer du technopôle de Sophia-Antipolis, dans le sud de la France. En dehors de la convention de coopération conclue en 2003 entre la Chambre de Commerce et d’Industrie de Nice et le gouvernement chypriote, ce projet pourrait-il favoriser le développement d’une coopération scientifique et technologique franco-chypriote plus soutenue ?
Y.L. : La coopération entre la Chambre de Commerce et d’Industrie de Nice et le Ministère du Commerce, de l’Industrie et du Tourisme de Chypre était basé sur un accord conclu entre la Chambre de Commerce et d’Industrie de Chypre et son équivalent à Nice. Une coopération scientifique franco-chypriote plus approfondie serait bénéfique pour les deux parties. Elle contribuerait à la fondation du Parc Scientifique et Technologique et à la promotion de la recherche et du développement technologique à Chypre.
J’espère que les centres de recherche français, les universités et les grandes entreprises qui investissent dans la recherche, montreront un intérêt à l’égard du Parc technologique et chercheront une coopération, ce qui s’est déjà produit avec des centres de recherche et des universités américaines.
|