Lundi 22 Avril 2019  
 

N°124 - Quatrième trimestre 2018

La lettre diplometque
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     Chypre
 

Trois enjeux majeurs de la diplomatie chypriote

Entretien avec M. Georgios Iacovou, Ministre des Affaires étrangères de la République de Chypre

 

La Lettre Diplomatique : Monsieur le Ministre, le Président Tassos Papadopoulos a été élu en février 2003, succédant à M. Glafcos Cléridès, à la tête du pays depuis 1993. Survenant à un moment clé de l’histoire de l’île, avec la reprise des négociations entre les deux communautés chypriotes et à la veille de l’adhésion de Chypre à l’Union européenne (UE), comment analysez-vous la volonté de changement politique exprimée alors par la communauté chypriote-grecque ?

 

Georgios Iacovou : En février 2003, le peuple chypriote, exerçant le droit suprême d’expression   de sa volonté démocratique, a élu M. Tassos Papadopoulos à la fonction de président de la République de Chypre. Le Président Papadopoulos, soutenu par les partis politiques AKEL, P.S. EDEK et le Mouvement des Ecologistes, a remporté 51,51% des voix dès le premier tour de scrutin, obtenant ainsi la majorité requise. Comme dans tous les autres pays démocratiques, l’élection des dirigeants politiques par le peuple se fonde sur le programme de politique intérieure aussi bien que de politique étrangère proposé par les forces politiques.

 

L.L.D. : Siège de la Cocovinu, la Commission de contrôle, de vérification et d’inspection de l’ONU chargée de l’Irak avant l’intervention américaine, Chypre est fortement engagée au sein de la communauté internationale pour la lutte contre la prolifération d’armes de destruction massives. A travers quelles autres initiatives, votre pays traduit-il cet engagement ?

 

G.I. : La République de Chypre, comme tous ses partenaires de l’UE, s’est engagée dans la non-prolifération des armes de destruction massive et a signé un certain nombre d’accords internationaux de désarmement et de non-prolifération.

Bien que n’étant pas membre de régimes de contrôle à l’exportation tels que le Régime de contrôle des technologies propres aux missiles et l’Accord de Wassenaar, Chypre s’est fortement engagée à appliquer les règles en vigueur dans les   pays membres de ces accords et cela parce qu’elle partage les buts et les principes du contrôle à l’exportation.

En 2002, Chypre a rejoint le Groupe des fournisseurs nucléaires et le Groupe australien, unissant ainsi ses forces avec celles d’autres membres de la communauté internationale afin de servir la cause de la prévention du transfert illicite et de la prolifération des armes de destruction massive et des biens et technologies à double usage connexes.

Les autorités compétentes de la République de Chypre coopèrent dans un effort constant en vue de limiter et de prévenir la prolifération des armes de destruction massive. En particulier, le Ministère des Affaires étrangères est chargé de la politique d’ensemble de contrôle à l’exportation, tandis que le Ministère du Commerce, de l’Industrie et du Tourisme est chargé de l’octroi des licences d’exportation, et le Département des Douanes et des taxes est responsable de l’application effective du contrôle à l’exportation.

 

L.L.D. : Compte tenu de la position géostratégique de Chypre, comment percevez-vous l’émergence d’un nouveau contexte au Proche-Orient, avec l’élection de M. Mahmoud Abbas à la tête de l’Autorité palestinienne et le retrait des troupes syriennes du Liban ? Comment Chypre peut-elle tirer partie de ses atouts dans la perspective d’une stabilisation de la région et de son essor économique ? Plus précisément, quelle place votre pays peut-il occuper dans le processus de reconstruction de l’Irak ?

 

G.I. : Chypre, comme tous les Etats membres de l’Union, a salué l’élection démocratique de Mahmoud Abbas à la présidence de l’Autorité palestinienne après le décès du chef historique des Palestiniens, Yasser Arafat, estimant que cette évolution donnerait un nouvel élan au processus de paix au Moyen-Orient, qui se trouvait dans une impasse. L’Accord de Sharm El-Sheikh, en février dernier, a confirmé ces attentes. Nous recherchons à présent l’implication essentielle et l’appui de la communauté internationale et notamment ceux du Quartet sur le Moyen-Orient, afin de réaliser le retrait sans heurts d’Israël de la Bande de Gaza et des régions de la Rive occidentale nord, en août prochain et, par la suite, le retour des deux parties aux négociations sur la Feuille de Route, visant à un règlement pacifique de la question palestinienne.

Ce scénario, en association avec le retrait de la Syrie du Liban, crée un contexte de circonstances pour l’obtention d’un règlement global de la question du Moyen-Orient. Cependant, cela présuppose aussi la réapparition au devant de la scène de la dimension syrienne et libanaise du processus de paix. Le but commun de la paix et de la stabilité régionales ne saurait se réaliser sans traiter de façon efficace cette question, dont le règlement doit se fonder sur les résolutions pertinentes du Conseil de Sécurité de l’ONU.

De la   même façon que pour l’œuvre de reconstruction politique, économique et sociale de l’Irak, pour laquelle Chypre soutient sans réserve le rôle coordinateur central de l’ONU, Chypre est en mesure de servir de pont entre l’Europe et le Moyen-Orient. Mettant à profit au maximum les excellentes relations que Chypre entretient traditionnellement avec le monde arabe et Israël, son but n’est autre que la création d’une relation de communication et de coopération réciproques entre ces Etats et l’Union européenne, qui contribuera au but ultime de la promotion de la paix, de la coopération et de la prospérité des peuples de la région.

 

L.L.D. : Concernant la question chypriote, l’amorce d’un processus de négociations a été marqué par l’ouverture de points de passage sur la ligne verte au printemps 2003 et le développement d’échanges entre les deux parties de l’île. Quel impact ces initiatives ont-elles eu, de votre point de vue, sur la perception réciproque des deux communautés ? En quoi l’élection M. Mehmet Ali Talat à la tête de la communauté chypriote turque le 17 avril dernier peut-elle changer la donne des négociations en vue d’une réunification de l’île ?

 

G.I. : En avril 2003, la partie turque a décidé de lever partiellement l’interdiction à la liberté de circulation à Chypre. Cette décision a été accueillie favorablement par le Gouvernement de la République de Chypre comme un pas vers le rétablissement du droit à la libre circulation des citoyens de Chypre. La partie turque continue cependant d’exiger la présentation d’un passeport ou d’une carte d’identité aux points de passage et d’émettre un « visa d’entrée » dans son effort en vue de revaloriser le régime d’occupation. En outre, le régime d’occupation n’a pas consenti à la demande du Gouvernement concernant l’ouverture de points de passage supplémentaires dans des régions où les contacts entre les membres des deux communautés seraient tout particulièrement facilités, dans le domaine commercial aussi bien que dans le domaine social. Malgré cela, la levée même partielle de l’interdiction de circulation a démontré que les deux communautés à Chypre pouvaient vivre harmonieusement, puisque depuis le mois d’avril 2003 jusqu’à ce jour, 7 250 000 passages ont été enregistrés, sans problème particulier. Par ailleurs, des milliers de Chypriotes turcs se rendent quotidiennement dans la partie sous contrôle du gouvernement pour y travailler ; fait qui renforce le potentiel économique des Chypriotes turcs, mais aussi les liens entre les Chypriotes grecs et les Chypriotes turcs.

Le scrutin organisé le 17 avril dans la zone occupée a désigné M. Mehmet Ali Talat comme dirigeant de la communauté chypriote turque. Le retrait de M. Rauf Denktash de ce poste ne peut être qualifié que de positif puisqu’il constituait, de 1974 à ce jour, l’obstacle essentiel à l’effort mis en œuvre pour obtenir un règlement de la question chypriote.

Malheureusement, comme il l’a prouvé par son attitude et sa politique depuis le jour où il a assumé le rôle de dirigeant des Chypriotes turcs, M. Talat a abandonné ses positions précédentes et s’identifie pleinement aux positions et aux intérêts du Gouvernement turc à Chypre. Auparavant, en tant que chef de l’opposition chypriote turque dans les régions occupées, M. Talat avait des positions claires concernant le désarmement total de Chypre, le retrait des colons et la réunification de l’île dans le cadre d’une fédération bicommunautaire et bizonale. Les positions qu’il a formulé après avoir endossé le rôle de chef des Chypriotes turcs, ne vont pas seulement à l’encontre de ce qui précède, mais sont identiques en de nombreux points, notamment en ce qui concerne l’effort pour la reconnaissance et la revalorisation du régime d’occupation, aux positions des précédents dirigeants des Chypriotes turcs.   

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