Par M. Ingolf Diener, Maître de conférences, Directeur du Centre d’Études de Recherches et d’Actions Solidaires avec l’Afrique (CERASA) à l’Université Paris VIII
Aujourd’hui, plus personne en France ne confondra
« Namibie » et « amibe ». L’ancien Sud-Ouest africain, colonie allemande reprise par l’Afrique du Sud sous mandat de la SDN puis soumise à l’apartheid, avait beau figurer à l’ordre du jour onusien plus que tout autre pays, il était le coin oublié de l’Afrique. Jusqu’à son indépendance en mars 1990, arrachée au bout d’un quart de siècle de lutte de libération. A l’an XVI, la Namibie est une destination touristique prisée. Dans les rues et bistrots de la capitale, le français ne fait plus figure d’idiome exotique.
Dans l’Afrique australe, terre de colonisations de peuplement européennes, la libération namibienne a facilité la fin des guerres instrumentalisées à l’échelle régionale et mondiale. La chute de l’apartheid en Afrique du Sud en 1994 en a gommé la ligne de front ; la fin de la guerre civile en Angola en 2002 l’a, de fait, installé dans la communauté de développement (SADC). Dynamique ou réconciliations nationales, projets de construction de la nation, démocratie à la fois comme base et but du développement d’un côté, et coopérations trans-étatiques sont censés se renforcer mutuellement.
L’Etat de droit namibien fonctionne. Les institutions politiques nationale, régionale et locale élues se renouvèlent régulièrement. Après trois mandats consécutifs de Sam Nujoma, la Namibie vient d’éviter le piège de la présidence à vie. Certes, le nouveau chef de l’Etat Pohamba reconduit l’hégémonie de la Swapo, ex-mouvement de libération nationale devenu parti au pouvoir et bénéficiant d’une majorité des trois quarts environ. Mais l’opposition se fait entendre, la presse indépendante n’est pas aux ordres, les contradictions dans la société namibienne s’affichent.
La plus grande est la même qu’en Afrique du Sud : les disparités socio-économiques héritées de l’apartheid se déracialisent mais persistent, voire se creusent. Les deux pays post-apartheid tiennent, avec le Brésil, le record mondial d’inégalité distributive : coefficient Gini 0,7 comparé au 0,3 dans les pays du Nord, chômage à 40%, 70% des Namibiens en-dessous du seuil de pauvreté. Ayant investi cette pyramide par le haut, la nouvelle élite politique prône de la réduire grâce aux fruits du développement de demain tout en se servant dès aujourd’hui, y compris par la corruption. Interpellé, le pouvoir a recouru aux reflexes de mouvement en exil et en guerre, pratiquant l’auto-célébration, se faisant manichéen et menaçant envers homosexuels, Blancs, journalistes et autres éléments « antipatriotiques ». Est-ce que le président Pohamba saura instaurer une nouvelle culture politique ? Ses premiers gestes et son ferme engagement à combattre la corruption sont encourageants. Le Premier ministre Nahas Angula envisage un revenu de base pour tous (Basic Income Grant – BIG).
Encore ministre de l’éducation, Nahas Angula était venu apprendre le français à l’Université de Besançon. Les premiers Namibiens l’ont appris jeunes, exilés en pays africains francophones. Aujourd’hui, la Namibie l’enseigne elle-même pour développer ses échanges avec le monde francophone. Dans le domaine universitaire, un Groupement d’intérêt universitaire pourrait être mis en œuvre de mon point de vue. Mettant en rapport avec l’Université de Namibie ceux des enseignants-chercheurs français dans les différentes disciplines qui s’intéressent à la Namibie, mais qui se trouvent dispersés sur la carte universitaire, il proposerait aux Namibiens un réseau de partenaires potentiels et faciliterait du côté français la gestion des accords.
Publications sur la Namibie :
– Namibie. Une Histoire, un Devenir. Karthala, Paris 2001, 400 pages. Présentation de Claude Meillassoux.
– La Namibie Contemporaine. Les Premiers Jalons d’une Société Post-Apartheid. Karthala/Unesco/IFRA, Paris 1999 417 pages (en co-direction avec Olivier Graefe). Cet ouvrage a été publié également en Namibie en langue anglaise sous le titre : Contemporary Namibia. First Landmarks of A Post-Apartheid Society. Gamsberg Macmillan Publishers / IFRA, Windhoek 2001, 397 pages. |