Lundi 22 Avril 2019  
 

N°124 - Quatrième trimestre 2018

La lettre diplometque
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Un devoir de mémoire : la célébration du 50ème anniversaire du Traité de l’Elysée

Par le Pr. Jacques Barrat,
Professeur émérite à l’Université de Paris II Panthéon-Assas

Le 22 janvier 1963, le Général de Gaulle et le Chancelier Adenauer signaient le traité dit de l’Élysée qui scellait définitivement la réconciliation franco-allemande après tant d’années de méfiance réciproque et de trois guerres fratricides. L’homme de la France libre avait déclaré à cette occasion « vive l’amitié franco-allemande » puis avait dit à Ludwigsburg à la jeunesse allemande « qu’elle pouvait être fière ». L’Allemagne n’était plus ce pays vaincu, honteux, interdit de politique étrangère, parce qu’il avait généré des SS, la Gestapo et mis en place des camps d’extermination. Dix-huit ans après la fin de la Seconde Guerre mondiale, le libérateur de la France rendait ainsi à l’Allemagne sa dignité de grande nation et extirpait définitivement les derniers relents et suspicions de nazisme chez notre voisin d’outre-Rhin.

Une année consacrée à l’amitié franco-allemande
Cinquante ans plus tard, le 6 février 2012, à l’occasion de la tenue du 14ème Conseil des ministres franco-allemands, les deux Secrétaires généraux pour la coopération franco-allemande recevaient mandat de préparer, dans le cadre de la célébration du cinquantenaire de la signature du traité de l’Élysée, « une année consacrée à l’amitié franco-allemande qui aura notamment vocation à mobiliser les jeunes générations tout au long de l’année scolaire ». La période de célébration devrait s’organiser autour de trois temps forts :
– le 22 septembre 2012 à Ludwigsburg, à l’occasion de la célébration du 50ème anniversaire du discours qu’avait adressé le Général de Gaulle à la jeunesse allemande dans cette ville.
– le 22 janvier 2013 à Berlin, pour la célébration du 50ème anniversaire de la signature du traité de l’Élysée.
– le 5 juillet 2013 à Paris, à l’occasion du cinquantenaire de la création de l’Office franco-allemand pour la Jeunesse.

Un couple désormais inséparable
Le moins qu’on puisse dire est que, depuis 50 ans, la diversité et l’intensité de la coopération franco-allemande ont été tout à fait exceptionnelles. Ses résultats sont positifs et constructifs au-delà de toute espérance. Aujourd’hui, non seulement la France et l’Allemagne ont des relations commerciales extrêmement fortes (premier client, premier fournisseur) mais encore une véritable complicité s’est peu à peu fabriquée, fortifiée sur les bases de la réconciliation historique initiée par Charles de Gaulle et Konrad Adenauer. Le traité signé par les deux hommes répondait de fait en ce début des années 1960, à trois objectifs :
« – Sceller symboliquement la réconciliation franco-allemande.
– Créer entre les deux peuples, et en particulier leurs je-
unesses, une véritable amitié.
– Favoriser ainsi la construction de l’Europe unie, qui est le but des deux peuples. »
Le traité de l’Elysée mettait dans les fais en place un calendrier assez contraignant de rencontres à tous les niveaux afin d’habituer les dirigeants des deux pays à des « réflexes permanents de coopération ». Par la suite, les dispositions de ce traité allaient être prolongées, précisées, ou remises en forme par le biais de l’instauration de nouvelles structures de coopération. C’est ainsi qu’en 1988-1989, à l’occasion du 25ème anniversaire du traité, le Conseil économique et financier, le Conseil franco-allemand de l’Environnement et le Conseil franco-allemand de Défense et de Sécurité ont vu le jour. C’est dans ce cadre militaire qu’allait être créée la Brigade franco-allemande qui allait déboucher sur l’Eurocorps en 1993. C’est enfin le processus dit de « Blaesheim » qui permet de réunir pratiquement tous les deux mois le président de la République française, le chancelier allemand ainsi que leurs ministres des Affaires étrangères.
Plus encore, les sociétés civiles des deux pays étaient encouragées à mieux se connaître et à mieux coopérer. On sait l’importance et les réussites de l’Office franco-allemand pour la Jeunesse, la portée symbolique du Prix de Gaulle-Adenauer tout comme le succès remporté par la chaîne de télévision ARTE depuis sa création en 1990.
La célébration du 50ème anniversaire du Traité de l’Elysée porte témoignage de la réalité du développement d’une amitié sincère entre deux nations jadis rivales et antagonistes. Il est évident que, comme le dit si bien le slogan qui a été choisi par les deux gouvernements, « l’amitié franco-allemande, ça change la vie ». En effet, non seulement la réconciliation franco-allemande a aidé à établir une coopération exemplaire, d’ailleurs peut-être unique dans le monde d’aujourd’hui, mais elle a été également le moteur de la construction européenne, tant par la volonté d’agir qu’elle a dégagée que par l’ensemble des dispositions pratiques qu’elle a aidé à mettre en place.

Une vision commune malgré quelques divergences
Il est notable en effet que la France et l’Allemagne, en dépit de quelques divergences, apparues ces derniers temps, ont la même vision d’avenir à l’horizon 2020.
C’est vrai pour ce qui concerne le modèle de croissance forte et continue qui est proposé et qui sera seul générateur d’emplois, de progrès social et de développement durable.
C’est vrai pour ce qui concerne le fonctionnement et l’efficacité de l’ONU dont une réforme en profondeur est nécessaire, sinon indispensable.
C’est vrai pour ce qui concerne le rôle et l’action pratique du G20, de sorte d’éviter le retour de crises financières telles que celle que nous avons connue en 2008.
C’est vrai lorsqu’il s’agit d’énergie, de climat, et de biodiversité. C’est vrai lorsqu’il s’agit de faire franchir des seuils décisifs à l’innovation, la recherche et la réforme des systèmes éducatifs.
C’est vrai lorsqu’il s’agit de rapprocher les citoyens des deux pays et de mieux faire accepter les différences culturelles.
C’est moins vrai dans le domaine de la rigueur budgétaire et des positions à adopter vis-à-vis de certains pays de l’Europe du Sud. C’est principalement sur ces questions que la position assez tranchée de la France jusqu’à la fin de l’été 2012, a quelque peu agacé nos voisins allemands. Mais il semblerait que le retour français vers plus de réalisme, de pragmatisme et de rigueur ait fait en sorte d’apaiser, du moins momentanément, les tensions.

Des raisons d’espérer
Pour toutes ces raisons, le cinquantenaire du Traité de l’Elysée n’est pas seulement un anniversaire. C’est aussi le témoignage de la continuation du bien aller des relations franco-allemandes et la reconnaissance du rôle majeur qu’elles ont joué dans la construction parfois difficile de l’Union européenne, tout comme de l’importance de l’axe Paris-Berlin dans le contexte diplomatique complexe de la mondialisation. C’est, enfin, le témoignage d’une solidarité et d’une concordance de vues entre nos deux pays sur le moyen et le long termes, dans pratiquement tous les domaines que rien, heureusement, ne semble pouvoir entamer de manière durable.
Jean-Marc Ayrault, à l’occasion de sa première visite officielle à Berlin le 15 novembre 2012, a déclaré « Les relations franco-allemandes sont absolument nécessaires. Elles constituent notre héritage politique, et nous avons la responsabilité de les entretenir et de les renforcer ».
La Chancelière allemande, pour sa part, est allée dans le même sens : « Nous réaffirmons très explicitement notre volonté de poursuivre ces relations de nature amicale et intensive. Mais nous avons également discuté de l’importance de bonnes relations entre la France et l’Allemagne pour l’évolution de notre Europe et de notre Union européenne ».
De même, à en croire Angela Merkel, certaines questions financières épineuses à l’ordre du jour du Conseil européen extraordinaire de novembre 2012 ne devraient pas poser trop de problèmes « L’Allemagne et la France aspirent à coopérer très étroitement en la matière. Nous deux pays veulent un résultat. Nous avons des intérêts divergents, mais nous voulons donner l’exemple en montrant que ces divergences peuvent être surmontées ».
Le message envoyé par la Chancelière allemande au Président de la République française est à la fois fort et porteur d’optimisme « Nous voulons une France forte, de la même manière que la France souhaite une Allemagne forte, afin de constituer une Europe forte. […] Je souhaite de tout cœur un grand succès à ce qui démarre actuellement en France ».   

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