Par S.E.M. Julius Georg Luy, Représentant permanent de l’Allemagne auprès du Conseil de l’Europe
Six ans à peine après la fin de la Deuxième Guerre mondiale, le Conseil de l’Europe ouvrait ses portes à la République Fédérale d’Allemagne, pourtant limitée dans sa souveraineté, et lui octroyait ainsi une nouvelle entrée sur la scène internationale. Malgré le passé récent et les blessures encore fraîches, l’Allemagne pouvait ainsi s’intégrer dans une Europe qui avait tiré les leçons de l’Histoire et qui était déterminée à fonder un avenir européen commun, empreint des principes des droits de l’Homme, de la démocratie et de l’État de droit. Quel programme et quel heureux contraste avec les affres imposés aux peuples en Europe jusqu’alors, avec cette atroce dictature nazie ou ces guerres intra-européennes sans relâche ! Le Conseil de l’Europe, première organisation politique intergouvernementale en Europe, ne correspond pas à la vision de ses pères fondateurs – dont Winston Churchill – et à celle de l’Allemagne en 1951, à savoir à la place de moteur central de l’intégration et du développement politique en Europe. Toutefois, aujourd’hui le Conseil de l’Europe offre à ses citoyens la participation politique, la garantie des droits individuels et la protection légale contre leur propre gouvernement, réalités et valeurs sans pareil sur aucun autre continent et auxquelles aspirent les citoyens du monde entier, nonobstant la crise actuelle dans l’Europe des 27. Le Conseil de l’Europe cherche à faire de l’Europe un espace commun légal où les droits de l’Homme, la démocratie et l’État de droit s’appliquent d’une façon aussi homogène que possible. Le Conseil de l’Europe définit, établit et maintient des standards légaux et politiques à travers ses quelques 210 conventions, qui sont autant de facteurs déterminants de son activité avec, au cœur la Convention européenne des Droits de l’Homme. Grâce à la Cour européenne des Droits de l’Homme, au Commissaire européen pour les Droits de l’Homme, à la Commission de Venise (Commission européenne pour la Démocratie par le Droit), mais aussi au Comité des Ministres, à l’Assemblée parlementaire, au Congrès des pouvoirs locaux et régionaux, et au Secrétaire général – pour ne nommer que quelques-unes de ses institutions – le Conseil de l’Europe met en œuvre un système étendu de décision, de contrôle et de révision constante et instaure un dialogue structuré continu entre les États de Europe (excepté la République du Kosovo et le Bélarus qui, pour des raisons différentes, n’ont pas encore pu devenir membres de l’organisation). Pour l’Allemagne, le système de protection des droits de l’Homme avec en son centre la Cour européenne des Droits de l’Homme, à laquelle les citoyens européens peuvent s’adresser individuellement en cas de violations nationales, est un acquis indispensable et de première priorité. Le chiffre impressionnant d’individus en Europe qui mettent leurs espoirs en Strasbourg, souligne la nécessité de cette protection judiciaire unique, mais défie également et déjà depuis quelques temps les capacités de la Cour. C’est pourquoi l’Allemagne s’est activement engagée, avec ses partenaires, dans le processus de réforme entamé en 2010, et dernièrement à Brighton (2012), pour rendre la Cour capable de mieux gérer le flot de plaintes entrantes. En effet, le nombre de plaintes individuelles se monte actuellement à environ 140000. Néanmoins, une réforme de la Cour ne suffit pas à elle seule à réduire cette vague. Il appartient aux États membres de donner de façon prompte la suite qui s’impose aux jugements de la Cour, et d’éviter ainsi le dépôt de nouvelles plaintes. Le suivi fidèle des engagements pris par les États membres dans les conventions du Conseil de l’Europe est donc une autre priorité principale de l’Allemagne au sein du Conseil de l’Europe. Rendre fonctionnels les multiples mécanismes d’un « monitoring » efficace, maintenir leur impact opérationnel et, si nécessaire, réaliser des mesures d’encouragement et d’assistance aux États membres concernés est essentiel pour le maintien du système du Conseil de l’Europe. L’Union européenne domine la vie publique et médiatique en Europe. Cependant, en tant que membre fondateur de l’Union européenne, l’Allemagne considère que le Conseil de l’Europe n’a pas seulement vocation de rôle complémentaire, avec une mission géographiquement plus étendue et thématiquement plus focalisée que l’Union européenne. Au Palais de l’Europe, l’Allemagne est tout d’abord membre du Conseil de l’Europe (sans bien sûr ignorer son appartenance à l’Union européenne !). Et c’est pourquoi l’Allemagne tient beaucoup à ce que l’Union européenne – comme c’est prévu dans le Traité de Lisbonne – rejoigne dès que possible le système unique de protection du Conseil de l’Europe, comblant par là-même une lacune légale patente, regrettée pas uniquement par les États membres de l’Union européenne. Le Conseil de l’Europe, avec son caractère intergouvernemental, son Assemblée parlementaire, qui a la possibilité d’adresser des questions politiques sans les limites et entraves des responsabilités gouvernementales, mais aussi avec un vaste réseau d’institutions, de groupes de rapporteurs et de travail, d’experts et de représentants des sociétés civiles de l’Europe, offre un champ d’action incommensurable. Et c’est ici que se trouve le rôle et l’activité majeurs de la Représentation permanente de la République Fédérale d’Allemagne. Elle représente les intérêts et les positions de l’Allemagne auprès de l’organisation et de ses institutions. Elle explique également le développement, les besoins et les particularités du Conseil de l’Europe à Berlin, aux « Länder » et à ses partenaires. Elle coordonne sur place – toujours en étroite coopération avec Berlin – la diversité des vues, des intérêts et des acteurs allemands qui, dans leur ensemble, forment la présence allemande au Conseil de l’Europe. À côté des aspects multilatéraux dominants, il y a par ailleurs des aspects bilatéraux en faveur de la présence allemande au Palais de l’Europe. Le Conseil de l’Europe est sis à Strasbourg, à quelques minutes seulement de la frontière franco-allemande. Les relations étroites entretenues entre l’Allemagne et la France, la facilité transfrontalière et la coopération régionale des deux pays symbolisent pour beaucoup d’autres États membres « l’Europe nouvelle » sous un angle visible et palpable. L’ampleur de cette dimension bilatérale et le rôle d’interface se trouveront grandis lorsqu’à partir du 1er janvier 2013, la Représentation permanente et le Consulat général d’Allemagne à Strasbourg seront gérés par un Chef de Mission unique pour une synergie décuplée ! |