Par M. Pierre-Yves Le Borgn’, Député des Français de l’étranger, Président du Groupe d’amitié France-Allemagne à l’Assemblée nationale
Le comité norvégien Nobel, dans son choix d’attribuer son prix du même nom pour la paix à l’Union européenne, a fait un choix courageux. Ce, autant au niveau national puisque les eurosceptiques norvégiens sont nombreux, que surtout au niveau européen et international, dans une période où l’Union européenne apparaît pour les peuples européens plus comme une entité économique à la gouverne indécise que comme un acteur stabilisateur et pacificateur. Ce prix Nobel couronne cependant une histoire de plus de 50 ans et un projet historique commencé bien avant le traité de Rome, par des pionniers qu’ont pu être Victor Hugo, Coudenhove-Kalergi, Aristide Briand ou Winston Churchill pour ne citer qu’eux. C’est également la célébration d’un projet qui n’aurait jamais pu trouver son plein développement sans le ferment de paix profondément ancré, voir scellé par la nécessité et la volonté d’une réconciliation totale entre la France et l’Allemagne. L’essence pacifique de l’Union européenne naît véritablement à Versailles lorsque Konrad Adenauer et le Général de Gaulle signèrent, il y a maintenant cinquante ans, le traité dit de l’Elysée. Ces cinquante ans d’apprentissage de vie en commun et d’amitié sont à l’évidence le socle granitique de la réunification européenne de la fin du 20ème siècle. Cinquante années de relations franco-allemandes sont donc passées aux abords des berges du Rhin. Cinquante années riches, dynamiques et surtout pionnières où les fondements d’un nouveau modus vivendi européen ont été posés. Que serait l’espace de libre circulation des personnes en Europe par exemple, s’il n’était pas d’abord né d’une coopération renforcée entre la France et l’Allemagne ? Ces libertés fondamentales et fondatrices de la société européenne du début du millénaire sont bien souvent des acquis de la relation franco-allemande qui a donc façonné l’image de l’Europe politique moderne. Une très célèbre citation de Metternich dit que lorsque Paris s’enrhume, l’Europe prend froid. Cette dernière n’a évidemment plus la même actualité qu’au XVIIIème siècle. Dire cependant que lorsque Paris et Berlin ne travaillent plus en harmonie, l’Europe prend froid est à l’inverse beaucoup plus vrai. Les soubresauts de la crise de la dette européenne sont un exemple concret du manque de confiance du monde financier envers ce leadership naturel franco-allemand qui avait jusque alors guidé l’intégration européenne. Doit-on dire, à la veille de ces noces d’or entre la France et l’Allemagne ,que la relation privilégiée avec le voisin d’outre-Rhin n’est plus ? Non, assurément non, elle a simplement changé de nature, tout en atteignant un niveau d’intégration inégalé dans l’histoire de deux États-nations. Au regard de la multiplicité des échanges, et cela à tous les niveaux de nos sociétés, la relation franco-allemande est d’abord une success-story historique. Cependant, pour reprendre cette image du couple, que l’on affecte de donner en France, cette relation est devenue paresseuse et des efforts sont de nouveau à consentir pour que la relation tienne le choc au-delà des premières difficultés. Depuis juin 2012, je suis député de la septième circonscription qui couvre l’Allemagne et l’Europe centrale et balkanique. J’assume pour la nouvelle mandature parlementaire les fonctions de président du Groupe d’amitié franco-allemand à l’Assemblée nationale. Ayant étudié au Collège d’Europe et travaillé longtemps en Allemagne, je suis d’abord un partisan d’un partenariat franco-allemand « d’action ». Ma mission, en tant que Président du Groupe d’amitié franco-allemand à l’Assemblée nationale, va justement être de remettre du concret dans cette relation et, par ma position privilégiée étant plusieurs jours par semaines en Allemagne, d’apporter une expertise de terrain dans tous les projets qui concernent nos deux pays. Il y a bien une véritable nécessité de sortir d’un discours uniquement idéologisé et qui conserve la relation franco-allemande sous une bulle de verre. Bien au contraire, nous devons la frotter aux réalités de la relation humaine et politique avec l’outre-Rhin et la nourrir de projets concrets avant de pouvoir en tirer un bilan philosophique. Assurément, ce travail de fond est le plus difficile, mais c’est bien le quotidien d’un couple vénérable, qui est de ré-enchanter, avec de petites attentions concrètes, un quotidien qui paraît serein, apaisé et stable. |