Lundi 22 Avril 2019  
 

N°124 - Quatrième trimestre 2018

La lettre diplometque
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2013 : « année de l’engagement à poursuivre l’édification d’un avenir partagé »

Par M. Bernard Cazeneuve,
Ministre Délégué chargé des Affaires européennes, Co-Secrétaire général pour la Coopération franco-allemande

La légende raconte qu’Emmanuel Kant n’aurait, de toute sa vie, renoncé à sa rituelle promenade vespérale qu’à deux occasions : à la lecture du Contrat social, et à l’annonce de la Révolution française. On imagine le philosophe de Königsberg découvrant les premières lignes de la pensée de Rousseau. On l’imagine, mûrissant les premières thèses de Vers la Paix perpétuelle, guettant, dans la presse du jour, les échos lointains d’une histoire française qui finirait par entraîner l’Europe tout entière.
Depuis toujours, les intelligences de la France et de l’Allemagne résonnent à l’unisson. Depuis toujours nos deux nations, par leurs philosophes, leurs écrivains, leurs peintres et leurs compositeurs, s’écoutent, se nourrissent, s’élèvent l’une par l’autre. La géographie du monde a fait bien des États voisins. Rares cependant sont ceux qui ont bâti une relation aussi intense que celle qui unit les deux rives du Rhin.
À la veille de la commémoration du traité de l’Élysée, la France et l’Allemagne s’apprêtent aujourd’hui à célébrer leurs noces d’or. L’amitié qui les lie a naturellement des racines bien plus profondes ; mais le 22 janvier 2013 sera l’occasion de rappeler un moment important : celui du passage de la réconciliation à un engagement définitif, indestructible pour la paix.
Le demi-siècle qui nous sépare désormais de la rencontre d’Adenauer et de Gaulle a vu cette paix s’épanouir à travers toutes sortes d’initiatives de coopération qui n’ont cessé de rapprocher nos peuples. Si cette année franco-allemande nous offre l’occasion de revenir sur ces belles réussites, elle nous invite également à leur imprimer un nouvel élan, en intensifiant davantage encore la coopération franco-allemande sous ses multiples aspects, de l’économie aux questions sociales, de l’industrie à l’énergie, de la culture à la formation professionnelle, à l’enseignement, à la recherche, aux questions de défense. Car les effets de l’amitié entre nos deux pays excèdent largement nos frontières. C’est l’ensemble de l’Europe qui bénéficie de l’élan que porte le couple franco-allemand. Si l’Union ne se limite évidemment pas à nos deux pays, il reste aujourd’hui encore difficile d’imaginer une initiative européenne qui ne s’appuie pas sur un accord des deux partenaires.
Sans être exclusive, la relation franco-allemande est au cœur de la construction européenne. Certes, les discussions peuvent être longues et laborieuses. Mais lorsque l’Allemagne et la France avancent main dans la main pour faire progresser l’Europe, elles aboutissent toujours à un compromis positif. Cette dans cette transparence de la relation franco-allemande, dans cet échange permanent de vues parfois divergentes, mais toujours mues par une authentique volonté politique, que tient l’essence de notre amitié. C’est cette dynamique qui nous permet d’apporter des réponses structurelles et pérennes à la crise de la zone euro. C’est elle qui nous permet, surtout, et plus encore en cette période de crise, de donner à la construction européenne une nouvelle perspective et une nouvelle ambition.
Pas plus que les vingt-sept pays européens, la France et l’Allemagne ne constituent une seule et même société artificiellement divisée par les contingences de l’histoire. Kant lui-même en son temps avait su voir non seulement l’illusion, mais le danger qu’il y aurait eu à vouloir unir, en un utopique « État mondial », des sociétés si riches de leurs singularités. L’Union européenne ne saurait prétendre gommer les différences, aplanir les esprits, uniformiser les mœurs. Elle ambitionne tout au contraire d’intégrer ces identités, de les promouvoir en même temps que de les dépasser par la construction d’une véritable conscience européenne. Cette ambition, le traité de l’Élysée, avec les nombreux dispositifs qu’il aura permis de mettre en œuvre tout au long d’un demi-siècle en faveur du rapprochement de nos administrations et de nos sociétés, a contribué à en faire une réalité pour nos deux pays. Il reste à faire de même pour notre Union. L’Allemagne et la France y travaillent sans relâche, et je ne doute pas, comme l’ensemble des éminents contributeurs qui s’expriment dans ces pages, qu’elles y parviendront brillamment. Année du souvenir d’une réconciliation voulue par les Pères fondateurs, 2013 devra aussi être celle de l’engagement à poursuivre l’édification d’un avenir partagé, dans l’esprit d’amitié qui caractérise la relation franco-allemande et avec l’ambition de faire progresser l’Union européenne. C’est ainsi que l’Europe s’imposera dans la conscience de ses peuples telle que ses Pères fondateurs l’imaginaient : œuvre de paix, espérance à l’horizon des citoyens européens, projet indispensable pour conforter la place de l’Europe dans le monde ; œuvre de reconnaissance de l’autre et de destins liés ; évidence intérieure.    

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