Lundi 22 Avril 2019  
 

N°124 - Quatrième trimestre 2018

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     Emirats arabes unis
 

Emirats arabes unis : un gigantesque chantier

Figurant au premier rang des meilleures destinations pour l’investissement étranger au Moyen-Orient, les Emirats arabes unis ont le vent en poupe. 2004 est d’ores et déjà classée parmi les années dorées, avec une croissance du PIB sans précédent de 16,7%. Avec un baril de brut au-dessus de 30 dollars, leur position financière est confortée comme celle des autres pays producteurs de pétrole. Disparu le 2 novembre 2004, Cheikh Zayed laisse à son fils et successeur Cheikh Khalifah un pays stable et qui, en l’espace de trois décennies, s’est imposé comme l’un des pôles majeurs de croissance de la région.

Face à Abu Dhabi, clé de voûte de l’essor économique émirien grâce à des réserves plaçant la fédération au troisième rang des pays producteurs de pétrole, l’émirat de Dubaï symbolise les efforts entrepris pour diversifier les ressources économiques du pays. L’or noir ne compte plus d’ailleurs que pour 7% de son PIB, selon la Chambre de Commerce de Dubaï. Les projets de toutes sortes foisonnent aujourd’hui dans la « Cité des marchands », dont la municipalité a accordé 21 293 permis de construire en 2003, chiffre en augmentation pour 2004. Idéalement placée à moins de sept heures de vols de l’Europe, de l’Asie et de l’Afrique du Sud, Dubaï met les bouchées doubles pour s’imposer comme le centre incontestable des affaires au Moyen-Orient. En 2001, l’émirat était responsable de 83% des échanges totaux des Emirats arabes unis, hors pétrole et gaz. Neuf des quinze zones franches en activité dans le pays sont situées à Dubaï, dont les plus importantes sont Jebel Ali, l’aéroport de Dubaï, l’Internet City et la Media City. Les compagnies étrangères qui s’y implantent se voient offrir des concessions spéciales comprenant notamment l’exemption de l’obligation d’avoir des associés majoritaires locaux. Dubaï a largement bâti sa stature de plaque tournante régionale sur ces zones et sur sa fiscalité « zéro » que font aussi valoir les autres émirats de la fédération. De nombreuses entreprises ont ainsi transféré leurs centres de distribution régionaux, voire leurs sièges pour le Moyen-Orient à Jebel Ali, une des bases logistique les plus performantes au monde.

L’implication de Dubaï dans le développement du secteur touristique émirien n’est d’ailleurs pas étrangère à cette ambition. En plus de l’essor de l’ensemble des services qu’il génère, celui-ci participe largement à la volonté de rendre le pays attractif aux étrangers, en offrant la vitrine d’un mode de vie de grande qualité, ouvert à toutes les cultures. En pleine explosion, le secteur touristique a généré 17% du PIB émirien en 2003. En 2004, l’émirat a accueilli près de 5 millions de touristes. Mais Dubaï voit plus grand et prévoit d’accueillir en 2010, 15 millions de visiteurs. Outre la quarantaine d’hôtels qui doivent être érigés d’ici la fin 2008, les autorités émiriennes ont engagé des projets pharaoniques à l’image du Palms (page de droite), le World Development ou le Dubaïland, le plus grand projet touristique de la région.

Les Emirats arabes unis ont également ouvert la voie à la construction d’une société de l’information et du savoir, tournée vers les nouvelles technologies de communications, avec l’inauguration en octobre 1999 de l’« Internet City », première zone franche au monde centrée sur le commerce électronique, les télécommunications et les services à distance. Avec l’ouverture de la « Media City » en 2001, celle-ci aspire à devenir un centre régional et international de services aux médias, faisant déjà concurrence aux deux autres zones franches audiovisuelles du monde arabe qui sont installées en Egypte et en Jordanie. Dubaï rêve également de s’imposer comme une place financière de premier plan avec le projet lancé en 2004 du Dubai International Financial Centre (DFCI), conçu comme une zone franche et doté d’une bourse de haute technologie. Cette infrastructure financière pourrait ainsi permettre aux Emiriens de rapatrier leurs placements financiers effectués à l’étranger, mais aussi aux étrangers de diversifier leurs investissements.

Cette politique volontariste de diversification économique répond à la nécessité de réduire la dépendance de l’économie émirienne à l’égard de la rente pétrolière. Même si théoriquement le pétrole ne compte plus que pour un tiers du PIB, la récession de 1998 a montré que la fluctuation des prix du pétrole pouvait affecter l’ensemble des secteurs d’activité. Les exportations de la fédération sont d’ailleurs encore composées à 45% par les hydrocarbures. En outre, le décalage de développement entre Abu Dhabi et les autres émirats, à l’exception de Dubaï, demeure encore important bien que la capitale émirienne poursuive avec constance sa stratégie de redistribution des revenus pétroliers et de valorisation du secteur industriel. Il serait toutefois faux d’exagérer ce tableau, Fujaïrah et Sharjah disposant de ports dynamiques, ce dernier possédant même des réserves de gaz substantielles et d’une base manufacturière. Ras Al Khaimah, Umm Al Qaiwain et Ajman ont également leurs atouts et chacun d’eux possède une zone franche. Enfin, si c’est encore loin d’être le cas au vu de la hausse de ses activités exportatrices, l’affaiblissement de Dubaï comme un géant de la réexportation pourrait commencer à s’esquisser à mesure que s’ouvrent les marchés traditionnellement courtisés par les traders doubaïotes comme l’Iran ou l’Inde. Pour l’heure, selon Xavier Thuriot, Président-Directeur général Moyen- Orient chez Thales international, Dubaï peut jouer un rôle clé pour le retour des groupes français sur le marché irakien à l’instar des portes qu’il ouvre déjà pour accéder aux marchés iranien et pakistanais1.

Ce fort dynamisme de l’économie émirienne s’accompagne également d’une volonté des autorités émiriennes d’attirer les investissements étrangers et surtout les transferts de technologie, comme l’a souligné le Président de la Chambre de commerce et d’industrie d’Abu Dhabi, Saeed Saif Al-Suweidi, à l’occasion de la visite aux Emirats arabes unis du Ministre délégué au Commerce extérieur français, François Loos, en mai 2004. « Les méga-projets en cours, comme celui de l’Abu Dhabi Industrial City, ouvrent d’immenses opportunités pour les entreprises françaises désireuses d’accroître leurs investissements sur le marché émirien », ajoutant qu’il fallait désormais dépasser les opérations d’import-export. Présent aux Emirats arabes unis depuis 1939 et premier investisseur français, Total illustre à cet égard un partenariat fructueux conduit avec la compagnie nationale ADNOC, pour l’exploitation du champ gazier d’Abu Al Bukhoosh (page de gauche). Le groupe pétrolier français est également partie prenante de la stratégie énergétique émirienne au travers du projet Dolphin, cœur du grand projet de distribution du gaz aux Emirats arabes unis en provenance du Qatar. Il s’est également illustré avec la reprise de l’usine de production électrique et de dessalement d’eau de mer de Taweelah A1, au moment où la fédération a commencé la privatisation progressive de ses capacités de production électrique pour faire face à l’accroissement de la demande énergétique. Inaugurée en mai 2004, Sidem en a rénové les unités de dessalement et a réalisé l’extension de ses capacités. Dans le secteur de l’eau, les Emirats ont également sollicité le savoir-faire de Degrémont, filiale du groupe Suez, qui a installé à Fujairah l’usine de dessalement d’eau de mer la plus grande du monde utilisant une technologie hybride associant l’osmose inverse à une unité thermique (capacité de 63 millions de m3/an). Fin 2003, Veolia Water a obtenu un contrat pour la construction d’une nouvelle usine de dessalement sur le site de Taweelah, en joint-venture avec Mitsui. Dans le secteur de la construction Dubaï a fait appel à l’expérience des Aéroports de Paris (ADP) pour la construction d’un troisième terminal et d’une nouvelle aérogare dont l’ouverture est prévue pour 2007, en signant un contrat de 1,4 milliard de dollars en mai 2001. Dans un tout autre registre, Schlum-berger a récemment engagé une coopération avec une université émirienne, l’Abu Dhabi Men’s College (ADMC) de Higher Colleges of Technology, pour la formation de ses étudiants aux techniques d’exploration et d’extraction d’hydrocarbures, ouvrant la voie à l’embauche des meilleurs d’entre eux. Cette question de la formation est d’autant plus aiguë, que la fédération ayant fait appel massivement à la main d’œuvre étrangère, les entreprises étrangères rencontrent parfois des problèmes de recrutement et de communication interne.

S’ils sont pour l’essentiel concentrés dans le secteur des hydrocarbures et le secteur bancaire2, les investissements français ont commencé à se diversifier en s’appuyant notamment sur les zones franches. Choisi comme base régionale dans les secteurs des produits de luxe, du matériel électrique ou encore de l’énergie, Dubaï accueille près d’une centaine d’entreprises françaises, dont une trentaine dans la zone franche de Jebel Ali, soit plus de la moitié du total des implantations françaises aux Emirats arabes unis. Représentant 22% du total de ces entités, le secteur des biens de consommation arrive en tête devant le secteur des services et de l’industrie manufacturière3.   La percée des groupes français dans la grande distribution est particulièrement notable. En 2005, le groupe Casino doit ouvrir sa première enseigne Géant au sein du Gardens Shopping Mall, tandis que Carrefour va inaugurer son 9ème magasin dans le Mall of Emirates. Il faut aussi souligner la création de sociétés mixtes franco-émiriennes, résultant des obligations contractées en matière d’offsets par les entreprises françaises d’armement dans le cadre des contrats signés depuis le début des années 90. Dassault a ainsi investi avec un partenaire local, United technical partner, pour la création du Gulf Business Center, fournisseur de conseil et d’infrastructures de base (bureau, équipement…) aux entreprises étrangères voulant s’implanter à Abu Dhabi. Le constructeur aéronautique français a également participé au lancement de l’International Fish Farming Company (ASMAK) dans le domaine de l’aquaculture en mai 1999 et du National Horticulture Center (Franserres).

Si les Emirats arabes unis se situent au second rang des débouchés de la France au Proche et Moyen-Orient, les entreprises françaises n’occupent encore qu’une place modeste sur le marché émirien, en dépit des opportunités qu’offre ce dernier et du partenariat stratégique scellé par le Président Jacques Chirac et le Cheikh Zayed en 1997. Des possibilités semblent néanmoins se dégager au vu de l’optimisme manifesté par certaines des 70 entreprises, dont une dizaine de PME/PMI, présentes lors de la 11ème édition de l’Abu Dhabi International Petroleum Exhibition and Conference (ADIPEC), un des plus importants événements internationaux du secteur, qui s’est déroulé en octobre 2004. A cette occasion, la France s’est d’ailleurs vue récompensée du « Meilleur pavillon-pays » et le groupe Total celui du « Meilleur Stand ». Des incitations à la découverte du marché émirien sont par ailleurs données à l’échelle des régions, notamment par les Chambres de Commerce et d’Industrie d’Abbeville Picardie-Maritime, de Marseille-Provence ou de Limoge qui a ouvert un bureau commercial à Dubaï en mars 2004. La France a toutefois consolidé sa position de quatrième partenaire commercial des Emirats arabes unis, derrière le Japon, l’Allemagne et la Grande-Bretagne, grâce à l’importante commande passée par la compagnie doubaïote Emirates Airlines auprès du constructeur aéronautique européen, Airbus (voir ci-dessus). D’une manière générale, le renforcement de la présence française sur le marché émirien devrait être favorisé par la poursuite de l’ouverture progressive de l’économie locale – hors zones franches -, notamment sous l’impulsion du processus d’intégration du Conseil de Coopération du Golfe.  C.H.

 

1 – Colloque Sénat-UBIFRANCE, 13 mai 2004.

2 – A titre d’exemple, la Société Générale détient 20% du capital de l’United Arab Bank.

3 – DREE, l’Emirat de Dubaï en chiffres, janvier 2004.

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