Lundi 22 Avril 2019  
 

N°124 - Quatrième trimestre 2018

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La Musique autrement : un itinéraire hors des sentiers battus

Par S.E.M. Miguel Angel Estrella, Ambassadeur, Délégué permanent d’Argentine auprès de l’UNESCO

 

Mes nouvelles responsabilités d’Ambassadeur d’Argentine auprès de l’UNESCO, n’ont pas diminué mes activités d’artiste social, ma présence aux côtés de ma famille et mes heures de travail au piano, qui restent pour moi du domaine vital.

Ces nouvelles responsabilités m’ouvrent des terrains d’action qui me permettent de prendre chaque jour davantage, la mesure des attentes culturelles, liées au développement et à une meilleure qualité de vie des populations les plus pauvres de notre continent sud-américain que je côtoie.

Je suis ambassadeur d’Argentine auprès de l’UNESCO depuis un peu plus d’un an et dans cet espace où je me trouve, qui relie l’équipe gouvernementale de Buenos Aires à la Délégation argentine de l’UNESCO à Paris, mon objectif prioritaire est d’intensifier une coopération Nord-Sud destinée aux secteurs sociaux les plus pauvres, en leur apportant une aide sur le plan de la Santé, de l’Education, du Sport, de la Culture et particulièrement de la pratique artistique, du Développement en général, tout en suscitant une prise en charge responsable des habitants.

Mon idée est de créer, depuis mon Ambas-sade à l’UNESCO, une sorte de « Coordi-nation internationale et multidisciplinaire de coopération avec l’Argentine », pour la reconstruction de mon pays.

Parmi les programmes que j’ai mis en route, celui que nous appelons « La Voix des Sans Voix » est destiné aux artistes pauvres de l’Amérique du sud, une sorte d’accompagnement culturel dans le Mercosur élargi.

Un autre, « Villa 31 », peut être considéré comme une expérience pilote dans deux bidonvilles et destinée à s’étendre plus tard à tout le territoire national argentin.

Par ailleurs, le « Centre de Formation des Musiciens Sociaux » déjà ouvert depuis trois ans à Tilcara permet à des jeunes talentueux issus de milieux très pauvres, d’accéder au titre de « promoteurs sociaux culturels en art » et d’animer avec compétence les ateliers musicaux des zones très défavorisées, créées par l’ONG Musique Espérance que j’ai fondé en 1981.

 

La Voix des Sans Voix

Ce programme cherche à promouvoir et à préserver les moyens d’expression que sont la musique et la danse, et qui font partie intégrante du patrimoine culturel traditionnel latino-américain et caribéen. Il s’agit, en effet, de rendre à chaque culture son identité artistique et musicale. Dans ce but, j’ai commencé par faire une lecture de la carte selon un découpage par régions culturelles dont chacune regrouperait plusieurs pays d’Amérique du Sud.

« La Voix des Sans Voix » s’est fixée pour objectif d’atteindre, grâce à la musique, aux chants et aux danses qui sont vecteurs d’espoir, tous les villages de notre région, jusqu’aux plus isolés. L’UNESCO me semble le lieu symbolique idéal pour présenter les expressions artistiques issues de la longue histoire des peuples. Ainsi seraient lavées les trop nombreuses injustices vécues depuis des siècles.

Dès juillet 2005, dans chacune de ces « régions culturelles », on organisera une présélection des interprètes qui participeront dans un premier temps à des tournées locales, dans leur région. De là sortiront les finalistes sélectionnés en vue de la présentation de « La Voix des Sans Voix » qui aura lieu à l’UNESCO, à Paris, le 10 décembre 2006. Je songe aussi à réunir sur la scène des représentants des cultures enracinées dans une tradition authentique de la Communauté européenne pour une sorte de rencontre des cultures profondes des deux mondes.

Ce programme entend mettre en pratique en Amérique du sud, la Convention pour la Sauvegarde du Patrimoine culturel immatériel (Paris, 17 octobre 2003), la Déclaration universelle de l’UNESCO sur la diversité culturelle (Paris, novembre 2001) et la Recommanda-tion sur la Sauvegarde de la culture traditionnelle et populaire (Paris, 15 novembre 1989), toutes adoptées au sein de l’UNESCO.

 

Villa 31

C’est le nom d‘un bidonville dans un quartier pauvre de Buenos Aires doté d’une profonde histoire.

La base du projet est la création d’une « Maison de l’Amitié » au sein même de la Villa 31.

Ce Centre comprendrait plusieurs « piliers » :

– Education : soutien scolaire, alphabétisation pour adultes, réunions d’information sous forme de dialogues simples avec la communauté…

– Santé : premiers soins dentaires, petite chirurgie, unité maternelle et infantile …

– Pratique artistique : atelier théâtre, dessin, peinture, musique, danse.

– Sport : conçu comme une activité source d’épanouissement et de plénitude, dans un esprit de fraternité et de respect de l’autre.

– Diversité culturelle dans toutes les zones d’activité : partage des traditions et des cultures diverses représentées entre autres par les populations immigrées vivant en Argentine, Bolivie, Paraguay, Perou.

Des équipes de Musique Espérance sont déjà présentes à la Villa 31, elles animent des ateliers musicaux et organisent des concerts.

 

Centre Andin pour l’Education et la Culture – Formation de Promoteurs socio-musicaux

Dans les locaux de Musique Espérance, au cœur de la Cordillère des Andes, une première promotion de 30 jeunes, tous issus de régions très pauvres et en majorité d’origine indienne, vient de terminer le cycle des trois ans d’étude (deux ans d’enseignement théorique et pratique, six mois de stage sur le terrain).

Au cours de la formation, on apprend :

– à discerner et à respecter les sources traditionnelles de la culture locale,

– à mettre en œuvre des ateliers musicaux au sein desquels, à partir de ce patrimoine musical, chaque participant pourra s’exprimer en toute liberté.

Au programme des cours :

Formation musicale et artistique – solides connaissances pédagogiques, historiques, sociales anthropologiques – Adaptation personnelle à divers types de milieux sociaux – développement de la créativité pour susciter des activités au sein de différents groupes sociaux. – développement de l’esprit de service, du sens social…

 

L’Orchestre pour la Paix

Longtemps mûri lors de mes tournées de concert au Moyen-Orient, ce vieux rêve a pris corps en décembre 2000.

43 jeunes musiciens de grand talent pour moitié d’origines arabe et israélienne, sont devenus aujourd’hui une famille. Leur qualité musicale et le rayonnement de leur témoignage ont touché de nombreux publics très divers. Dans les salles de concerts des grandes villes, toujours combles, ou dans les banlieues les plus défavorisées où souvent se sont engagés des dialogues passionnants avec le public, l’enthousiasme a été impressionnant. Le 4 décembre 2004, c’est à l’UNESCO que l’Orchestre pour la Paix achevait sa 4ème tournée.

Je suis de plus en plus convaincu, grâce à mes contacts multiples sur le terrain, qu’à travers des conditions matérielles précaires, se vit – en marge des circuits commerciaux, et souvent à notre insu – une émouvante activité artistique liée aux sources traditionnelles les plus authentiques de haut niveau humain et culturel.

Il me semble que donner en Europe, une voix à des artistes qui défendent ardemment leur culture, ouvrirait une chance exceptionnelle d’échanges enrichissants pour tous.

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