Par M. Jean-Michel Fourgous, Député des Yvelines, Président du Groupe d’amitié France-Argentine à l’Assemblée nationale
Il y a vingt-cinq ans de cela, le célèbre auteur argentin Jorge Luis Borges, dénonçant la dictature qui sévissait dans son pays, écrivait cette phrase lourde de sens :
« Comment puis-je rester silencieux lorsque mon peuple est condamné à l’exil intérieur ? »
En guise de préambule, quelques jours après le triste anniversaire, celui du coup d’Etat (le 24 mars 1976) organisé par la junte militaire constituée par Videla, Massera, et Agosti, le groupe d’amitié France–Argentine, tient à exprimer sa joie de voir la démocratie prendre racine en Argentine.
L’Argentine, pays continent aux milles richesses, est pour la France un partenaire privilégié. Depuis 1816, date de l’indépendance de l’Argentine, nos deux pays ont toujours entretenu une relation de respect mutuel et d’amitié profonde. Et même pendant les heures les plus sombres de l’histoire argentine, la force de ce lien ne s’est jamais démentie.
Si l’amitié entre nos deux peuple n’a jamais faiblie, c’est avant tout grâce à une longue tradition d’échanges, à la fois culturels et politiques, y compris au plus haut niveau du pouvoir exécutif, comme l’atteste la visite du Président argentin, M. Nestor Kirchner en janvier 2005 et les visites de Messieurs de Villepin et Muselier en Argentine durant l’année 2004.
Depuis la restauration de la démocratie en Argentine (1983) et l’élection de Raúl Alfonsín, la coopération parlementaire est restée quelque peu en retrait. C’est cette carence que notre groupe d’amitié a vocation à combler.
Un groupe d’amitié est un groupe de parlementaires destiné à « créer ou resserrer des liens d’amitié avec des parlements étrangers » et comme l’ensemble des membres du groupe, que j’ai l’honneur de présider, je prends ce rôle très à cœur.
Grâce au courage des Argentins, de la profonde crise qui a secoué l’Argentine de 2001 à 2003, et dont l’impact continue à se faire ressentir, une nouvelle Argentine émerge peu à peu. Un nouveau pouvoir et une nouvelle politique prennent forme. Ce géant de l’Amérique latine s’éveille à nouveau. En tant que partenaire et ami, le rôle de la France, et en particulier celui de ses parlementaires, est de favoriser ce renouveau en multipliant les échanges avec nos collègues Argentins.
La politique menée par le gouvernement Kirchner depuis son arrivée au pouvoir en mai 2003, laisse apparaître ses premiers effets bénéfiques. Mais, ne nous leurrons pas, la nécessaire mutation du pays, le retour à la croissance et l’amélioration des conditions de vie des citoyens passent par un indispensable programme de réformes structurelles. Alors que le taux de chômage atteint 16% de la population, et que la moitié des Argentins vivent en dessous du seuil de pauvreté, la priorité des priorités reste le sursaut économique. En Argentine comme en France, le principal ennemi, c’est le chômage ; le premier acquis social, les conditions qui permettent la création et le retour à l’emploi.
Le rôle de notre groupe d’amitié est d’aider à la mise au point de ces reformes en proposant aux parlementaires argentins l’échange des points de vue et la comparaison objective des mécanismes institutionnels et des cadres juridiques nécessaires au retour de la croissance durable.
C’est dans cette optique que j’ai récemment reçu M. Juan Carlos Moran député de la province de Buenos Aires, avec lequel j’ai abordé de nombreux sujets et à qui j’ai présenté certaines réussites françaises, réussites qui pourraient, selon moi, être facilement transposables en Argentine.
En tant que président du groupe Générations Entreprise1, groupe qui réunit plus de 100 députés chefs d’entreprise sur des thématiques macroéconomiques, j’ai notamment abordé le sujet des réformes économiques, en particulier les mesures visant à faciliter le retour des investisseurs étrangers, et notamment des entreprises françaises. Discussion que nous espérons continuer au cours de l’année 2005, dans le cadre d’un voyage en Argentine.
Mais au-delà de ce rôle protocolaire, nous nous efforçons de dresser des ponts entre nos deux rives, en mettant en relation les différents acteurs socio-économiques nationaux. Que ce soit des étudiants, des associations ou des acteurs économiques locaux, tous ont vocation à participer au miracle argentin et c’est un grand honneur, là encore, que d’apporter notre pierre à l’édifice.
En conclusion, laissez-moi insister sur le caractère impérieux de cette coopération parlementaire. Nombreux sont les chantiers qui attendent les parlementaires argentins. La refonte du système fiscal, la restructuration du système bancaire, la renégociation de la dette publique obligataire en défaut (d’un montant de 90 milliards de dollars US) ne sont que quelques exemples parmi tant d’autres. Rétablir la confiance des citoyens argentins et des opérateurs internationaux ne sera possible qu’en restaurant un cadre juridique et économique stable. Dans cette délicate phase de transition que traverse l’Argentine, l’Assemblée nationale française, en tant que garante de l’Etat de droit de l’une des plus vieilles démocraties au monde, ne peut que l’accompagner.
1 – Créé en juin 2002 à l’initiative de M. Jean-Michel Fourgous et M. Olivier Dassault, Génération Entreprise est un groupe de 100 députés issus du monde de l’entreprise qui souhaitent mettre leur expérience au service des décideurs économiques et politiques. C’est un groupe de proposition et de sensibilisation sur des problématiques liées à l’innovation, la croissance et l’emploi. |