Lundi 22 Avril 2019  
 

N°124 - Quatrième trimestre 2018

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     Argentine
 

Regards sur l’architecture, l’urbanisme et l’environnement à Buenos Aires

Par Mme Graciela Schneier-Madanes*

 

Parmi toutes les villes, Buenos Aires fait figure de « laboratoire urbain », capable de conjuguer quelques-unes des expressions majeures de la modernité avec les pires manifestations du sous-développement.

Ville européenne dans un pays latino-américain, la capitale de l’Argentine a su intégrer dans une synthèse originale les diverses cultures de l’immigration européenne avec celles des immigrants venus de l’intérieur du pays et d’Amérique latine.

A la fois ville-port et centre économique de l’Argentine, Buenos Aires a vu son patrimoine architectural et urbain façonné par de multiples influences au fil des siècles. Tracée en damier autour d’une place centrale (la place de Mai) par le colonisateur espagnol au XVIème siècle, elle a fait, au fil des temps, des emprunts à différentes villes européennes. Au tournant du XXème siècle, l’influence de Paris est visible dans le caractère monumental de grands bâtiments et palais style Beaux Arts (dont de nombreux « italianisés ») ainsi que les avenues « à la Haussmann ». L’architecture industrielle anglaise apparaît dans la plupart des infrastructures de transport – port, chemins de fer et gares, tramways et métro (1913) – d’électricité, de gaz, de téléphone, d’eau… Et ceci jusqu’aux années 30 où le modèle nord-américain (gratte-ciels et voitures) s’impose… Dans les années 50, Buenos Aires métropole, partage avec ses sœurs latino-américaines, la croissance accélérée et un urbanisme « fait à la main » grâce au travail de milliers d’auto-constructeurs qui ont étendu son tissu à l’infini…

L’alternance entre périodes de prospérité et de déclin, associée à une grande instabilité politique ont empêché – malgré de multiples tentatives de réforme – la mise en œuvre d’une véritable politique métropolitaine… Encore aujourd’hui, la gestion de cette ville relève d’une mosaïque institutionnelle, avec au centre, la ville de Buenos Aires proprement dite (3 millions d’habitants), devenue autonome en 1996, et tout autour, une conurbation de communes relevant de l’autorité de la province de Buenos Aires (9 millions d’habitants).

Tiraillée entre globalisation et identité locale, frappé par une crise économique profonde, cette ville-laboratoire manifeste aujourd’hui une extraordinaire capacité de renouvellement qui revêt trois dimensions principales :  

– Une redéfinition des missions respectives de la société civile et du politique : celle-ci est écartelée entre une globalisation rapide… et une gestion locale qui reste encore largement en devenir…

– La préservation du patrimoine représente une valeur émergente : la valorisation du patrimoine, tant culturel qu’urbain ou architectural, avec la valorisation de l’identité locale (le tourisme aidant) touche le centre historique de la cité mais aussi les quartiers des classes moyennes et populaires.

– La rareté croissante du « naturel » et sa prise en charge par le marché : née aux confins de la pampa et du rio de la Plata, la ville a toujours cru au caractère inépuisable de ses ressources (terre, air, eau, grains, bétail). Elle n’en est que plus durement confrontée aujourd’hui aux enjeux de la préservation de son environnement : reconstitution de la réserve écologique sur la côte, lutte contre le gaspillage de l’eau, dépollution du fleuve souillé par le déversement accru des eaux usées, préservation de l’espace envahi par la multiplication des country clubs…

Non vraiment ! Cette ville-laboratoire n’a pas fini de faire partager au monde ses expériences et ses découvertes !

 

Bibliographie :

– Schneier-Madanes, G, Buenos Aires, port de l’extrême Europe, Autrement, Paris, 1987.

– Schneier-Madanes, G, Buenos Aires, portrait de ville, IFA Institut Français d’Architecture, Paris, 1996.

– Schneier-Madanes, G, Buenos Aires aborde son estuaire, L’architecture d’aujourd’hui, n°332, janvier-février, Paris, 2001.

 

*Mme Graciela Schneier-Madanes est architecte-géographe, Directeur de recherche CNRS au CREDAL / IHEAL. Elle dirige le « rés-EAU-ville », groupement de recherche du CNRS et elle est Vice-Présidente de l’Association Franco-Transplatina. Auteur de nombreux ouvrages et articles spécialisés, elle enseigne à l’Institut des Hautes Etudes de l’Amérique Latine

           

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