Lundi 22 Avril 2019  
 

N°124 - Quatrième trimestre 2018

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     Monténégro
 

La dynastie Petrovitch Njegosh : un pont entre le Monténégro et la France

Par S.A. Nicolas Petrovitch Njegos,
Prince héritier du Monténégro

 

Le Monténégro, comme beaucoup d’autres petits pays, a souvent été la monnaie d’échange des jeux géopolitiques des grandes puissances. Il y a près d’un siècle, le Royaume du Monténégro, petit État héroïque des Balkans qui avait su résister durant près de 500 ans à l’empire Ottoman, fut « rayé » de la carte, immolé sur l’hôtel de la « realpolitik ».
À l’issue de la Première guerre mondiale, ma famille, l’une des plus anciennes et des plus illustres dynasties des Balkans, a été, avec le Monténégro, sacrifiée sur l’autel de la création de la Yougoslavie. Tragique résultat pour un roi qui a fait participer le Monténégro à la Première guerre mondiale aux côtés des Alliés.
Ma famille et le gouvernement royal sont contraints de quitter le pays en 1915 devant l’armée austro-hongroise. Après un passage en Italie, le Roi et le gouvernement en exil seront accueillis et financés par la France et l’Angleterre. Ceci va durer le temps nécessaire à l’armée serbe d’achever l’annexion du Monténégro à la Serbie, en éliminant les noyaux de résistance, sous le regard complaisant des troupes françaises.
Le plus cruel pour le Roi Nikola, qui avait régné 58 ans, bataillé souvent à un contre dix pour défendre ses montagnes et repousser les armées ottomanes, gagné les guerres balkaniques et perdu ses dernières forces aux côtés des Alliés, c’est qu’il fut trahi et abandonné par ses plus proches alliés et par sa propre famille. En effet, le Roi Alexandre de Serbie était son petit-fils et la France représentait pour lui le pays des lumières et de la culture, le pays où il faisait ses études au lycée Louis-le-Grand, lorsqu’après l’assassinat du Prince Danilo, son oncle, il fut appelé à l’âge de 20 ans à régner.
Malgré leurs efforts, le Roi Nikola et son Gouvernement en exil, ne réussirent pas à obtenir des grandes puissances l’organisation d’un référendum qui aurait pu permettre aux citoyens du Monténégro de choisir démocratiquement leur destin. Ce n’est que 85 années après la mort du Roi Nikola, que son vœu fut exaucé, qu’un référendum fut organisé sous le contrôle de l’Europe et que le Monténégro redevint un État.
Pendant ce temps, ma famille réduite à l’exil va disparaître petit à petit de la vie politique et du gotha. Le Roi Nikola meurt à Antibes en 1921 et son fils ainé Danilo II transmit ses droits à son neveu, Mihailo Petrovitch Njegosh. C’est ainsi, que mon père devient, à l’âge de treize ans, le dernier Roi en titre, le Roi d’un pays qui n’existait plus ; un pays manquant pour un Roi en exil.
C’est en 1941 qu’il épouse ma mère, Geneviève Prigent, rencontrée en Bretagne. Je suis né de cette union en 1944 à Saint-Nicolas du Pelem, dans les Côtes d’Armor. J’ai donc passé la plus grande partie de ma vie entre Paris et la Bretagne.  
C’est ainsi qu’aujourd’hui, le Prince héritier du Monténégro est également un citoyen français, élevé par une mère républicaine, résistante et engagé dans la protection de l’environnement. Même si cette double identité n’a pas été toujours facile à vivre, je suis fier de ce double héritage du cœur et de l’esprit, qui me met dans une position privilégiée pour  développer les liens entre la France et le Monténégro.
Le Monténégro, je l’ai découvert surtout en 1989, à l’occasion du retour au pays, des corps du Roi Nikola, de la Reine Milena et des Princesses Vjera et Xenia. C’est là que j’ai pleinement senti l’importance que les Monténégrins donnaient à leur histoire et à leur dynastie. Ce fut un tournant dans ma vie, je me suis senti lié à ce pays, non plus seulement à travers l’histoire, mais également à travers son présent, et concerné par son avenir. Et ce fut le sens de mon engagement durant le conflit, à travers les actions en faveurs de la paix, des droits de l’Homme, et à travers la Biennale d’Art contemporain de Cetinje, dont je suis le fondateur.
C’est également à travers ces actions que j’ai pu retisser des liens entre ma famille et la France qu’un passé douloureux avait rompus. En effet, plusieurs de ces actions ont été soutenues par la France à plusieurs niveaux. Et je suis heureux d’avoir pu, durant toute cette période sombre, contribuer à intéresser de nouveau les Français au Monténégro qui fut tellement proche de la France dans le passé.
Aujourd’hui, le Monténégro est redevenu indépendant, il y a une Ambassade de France à Podgorica, une Ambassade du Monténégro à Paris, et je pense beaucoup de chantiers en perspective, sur lesquels mes deux pays peuvent collaborer ; en particulier dans les domaines du développement durable, de la maîtrise de l’énergie, de l’intégration européenne mais aussi dans les domaines artistiques et culturels.
En juillet 2011, le Parlement du Monténégro a réparé l’injustice faite à la famille Petrovitch Njegosh par une loi sur le statut des héritiers de la dynastie. Cette loi donne à notre famille la possibilité d’être présente au Monténégro et de participer à son développement à travers une fondation.
Comme Prince du Monténégro et comme architecte français, j’ai le profond désir que cette Fondation contribue à développer des solidarités et des projets innovants entre les deux pays.
Dans le cadre de la préparation des programmes d’action de la Fondation, j’ai déjà initié des partenariats avec l’Institut européen d’Écologie de Metz ainsi qu’avec le Conseil général de Moselle autour du projet « Doma Futura ». J’aimerais également réactiver d’anciens contacts avec plusieurs villes, en particulier Montpellier où ma grande-tante, la Reine Hélène d’Italie, est enterrée.
Si j’ai un message plus particulier à faire passer ici ou plutôt des vœux à formuler, cela serait que la France soit le parrain du Monténégro dans le processus d’admission à l’Union européenne et que le Monténégro s’oriente véritablement vers la construction d’un État écologique.
L’Europe est indéniablement le chemin et la destinée monténégrine, mais je pense que le Monténégro peut et doit, aussi, offrir à l’Europe un champ d’exploration pour des projets de développement durable et de coopération régionale.
Le Monténégro sur le chemin de l’Europe, et dans un climat de confiance rétablie à l’intérieur comme avec ses voisins,  doit réussir à unir les gens, derrière une vision commune  d’un avenir meilleur. Mon engagement, c’est celui de participer à ce défi, de redonner de l’espoir en une société plus juste et plus équitable, à travers les activités de la Fondation Petrovitch Njegosh.
Au-delà du symbole que représente ma famille, qui a le pouvoir de relier le Monténégro d’aujourd’hui à son passé glorieux, j’ai personnellement le désir de participer à la reconstruction des valeurs traditionnelles et au développement harmonieux de mon  pays. C’est en ce sens que je souhaite impliquer mes enfants, Altinaï et Boris, dans ces actions, afin qu’ils puissent à leur tour assurer la continuité de la présence des
Petrovitch Njegosh au Monténégro, mais aussi consolider le pont entre nos deux pays que peut représenter notre famille.   

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