Par M. Igor Luksic Premier Ministre du Monténégro
Nous devrions tous être vainqueurs si nous pouvons créer un monde où peuvent vivre les petits États » a écrit l’économiste Friedrich Hayek dans son plus célèbre ouvrage*. S’il avait vécu à notre époque, il aurait certainement eu plaisir à constater qu’il n’y a pas de chapitre dans l’histoire du Monténégro qui ne révèle d’aussi grandes opportunités en ce sens qu’aujourd’hui. Dans notre passé, les périodes d’indépendance et les aspirations à la liberté ont toujours été étouffées par des superpuissances menaçantes, des circonstances historiques malencontreuses ou nos propres tentatives de construire des unions d’États sans résoudre les conflits sociaux et culturels sous-jacents. Désormais, de tels dangers n’existent plus. Sous les auspices du droit international, l’État souverain et démocratique du Monténégro est devenu depuis six ans déjà un membre à part entière du cercle des pays libres, dont la société s’est révélée capable de s’adapter aux nouveaux défis et dont l’économie est marquée par les succès notables de sa transition et des perspectives d’avenir immenses et prometteuses. Définir le principal objectif du gouvernement monténégrin n’est pas une tâche ardue : il consiste à créer l’avenir européen de paix et de prospérité auquel la société monténégrine aspire et qu’elle mérite. Nous, les Monténégrins, voulons un pays où le succès est une question d’ambition, de compétence, de savoir et d’assiduité. Nous voulons un pays où les droits de la personne sont respectés à la fois en tant qu’individu ou que membre de la communauté à laquelle il ou elle a choisi d’appartenir. Nous voulons être des citoyens européens disposant de la liberté de voyager, d’étudier, d’entreprendre et de travailler n’importe où sur le continent européen. Le Monténégro a saisi l’occasion du récent rétablissement de son indépendance pour renforcer les relations avec ses voisins, trouver sa place au sein de la communauté internationale et identifier de nouveaux objectifs pour la nouvelle ère qui s’est ouverte depuis 2006. Le principal fondement de notre politique étrangère est que nous sommes ouverts à la coopération et à l’entente, dans tous les domaines, sans exclusive, car c’est de cette manière que nous pourrons assurer à notre pays une position idéale dans les différents cadres de négociations et que nos partenaires seront à l’écoute de nos intérêts les plus importants, comme par exemple, le processus d’adhésion à l’Union européenne (UE). Notre grande marche vers l’Europe a reçu une nouvelle impulsion après la réussite du référendum sur l’indépendance. En 2007, le Conseil européen avait adopté le Partenariat européen pour le Monténégro et, la même année, nous avions signé l’Accord de stabilisation et d’association, avant que notre pays ne pose sa candidature officielle d’adhésion. En l’espace de deux ans, nous avons obtenu la levée de l’obligation de visa dans l’espace Schengen. En décembre 2010, le Monténégro s’est vu attribuer le statut de candidat, et il semble qu’à l’heure actuelle, des négociations d’adhésion pourraient être lancées dès cet été. Bien entendu, le tableau que je vous brosse pourrait paraître idéaliste si nous n’admettions pas qu’il reste encore beaucoup de travail à accomplir et des débats difficiles à engager. L’un des domaines clés que l’UE n’oublie jamais de mentionner est la lutte contre la corruption et le crime organisé. Mais même dans ce domaine, la Commission européenne reconnaît que notre gouvernement réalise d’importants progrès, avec la mise en place d’un solide cadre juridique et de pouvoirs accrus pour les autorités, leur permettant d’afficher une position plus ferme dans la lutte contre ces fléaux. Ce furent donc précisément ces avancées qui nous ont permis de poursuivre notre parcours européen. Aussi, nous espérons que la persévérance de nos efforts sera récompensée par l’heureuse décision d’ouvrir officiellement les négociations d’adhésion en juin 2012, ce qui constituerait un signal significatif non seulement pour le Monténégro, mais aussi pour l’ensemble de la région des Balkans occidentaux. Les accomplissements du Monténégro au cours de ces dernières années montrent, en termes de politique étrangère et au plan économique, que notre pays est sur la bonne voie, que son processus d’intégration et son développement sont portés par une profonde dynamique. Le gouvernement agit au nom d’une large majorité de Monténégrins lorsqu’il appelle à adhérer à l’UE le plus vite possible. Notre participation au Plan d’action pour l’adhésion de l’OTAN (Organisation du Traité Atlantique-Nord) augure également d’un processus d’intégration dans de bonnes et rapides conditions, tandis que l’opinion publique semble manifester un changement favorable à cette perspective. En fait, l’utilité du partenariat Nord-Atlantique est devenue évidente pour des gens qui y étaient en général indifférents, par exemple en matière de soutien face à des catastrophes comme récemment lors de la succession de pénibles épreuves d’inondations et de fortes tombées de neige que nous avons connue. Le processus d’intégration constitue une grande opportunité, mais elle sera inévitablement manquée si le gouvernement échoue à mettre en place des politiques qui préparent la société et l’économie en particulier à un changement qui est sur le point de se concrétiser. L’économie monténégrine a déjà trouvé sa place dans la mondialisation, comme étant celle d’un pays ayant une longue histoire d’échanges commerciaux libres avec l’Europe, et désormais comme celle d’un nouveau membre de l’Organisation mondiale du Commerce (OMC). J’ajouterais que les salaires moyens y sont plus élevés que dans d’autres pays. De plus, le dernier rapport de la Banque Mondiale sur la pratique des affaires classe le Monténégro au 56ème rang sur 183 pays, ce qui le positionne bien au-dessus d’un bon nombre de pays membres de l’UE, sachant que nous tablons sur une nouvelle progression à l’occasion du prochain rapport. Le plus grand défi aujourd’hui en matière de politique économique est de maintenir les finances publiques sur une trajectoire soutenable et de ne pas suivre l’UE dans la crise de la dette qu’elle affronte à l’heure actuelle. Nous pouvons compter sur les expériences passées que nous avons acquises avec une solide politique fiscale, lors des premières années d’indépendance, lorsque nous avons dû rembourser d’un seul coup la plus grande partie de notre dette, en réussissant quand même à dégager un surplus budgétaire. D’ailleurs, même si la crise induite par un coût plus élevé de la dette demeure à son plus haut niveau cette année, notre dette reste en dessous de 45% du PIB et a tendance à décroître, tandis que notre déficit budgétaire devrait revenir sous le seuil des critères de Maastricht, à hauteur de 1,25%. En effet, nous avons laissé l’État croître hors de contrôle et nos dépenses publiques ont atteint 42,6% du PIB, soit cinq points de moins qu’en 2010. Néanmoins, la dette ne représente qu’un aspect du problème, tout comme une politique fiscale ne peut se révéler suffisamment efficace qu’avec la mise en œuvre de réformes structurelles et d’une nouvelle dynamique créatrice d’emplois, de croissance économique et, bien sûr, de recettes fiscales. De manière rassurante, si l’on porte notre attention sur les grands projets qui sont déjà en cours d’exécution ou à un stade de planification avancé (comme la plateforme touristique de Porto Montenegro, les investissements dans le secteur de l’énergie, le réseau de câbles sous-marin avec l’Italie et bien d’autres encore), il apparaît que les investisseurs considèrent toujours le Monténégro comme l’un des meilleurs choix où engager leurs capitaux. Les années post-indépendance du Monténégro ont été bien plus riches en événements que nous n’aurions pu l’espérer. En fait, nous aurions mérité quelques années supplémentaires de consolidation sereine avant d’avoir à affronter une crise économique de cette amplitude. Mais la société monténégrine a su relever ces défis, qu’il l’ont d’ailleurs endurcie, et nous cueillerons certainement les fruits d’une telle expérience au cours des paisibles et abondantes années qui, nous l’espérons, s’ouvriront prochainement pour le Monténégro et l’UE. |