Par M. Frédéric Ogée, Professeur d’Études anglophones, Vice-Président des Relations internationales de l’Université Paris-Diderot (Paris 7)
Le 16 mars 2012, l’Université Paris Diderot a décerné un Doctorat Honoris Causa à S.A. l’Emir Dr. Sultan Bin Mohammed Al Qasimi, membre du Conseil suprême des Émirats Arabes Unis et dirigeant de l’Émirat de Sharjah. La cérémonie s’est déroulée dans le cadre extraordinaire du Musée des Moulages de l’Hôpital Saint-Louis, lieu de naissance de la dermatologie moderne, en présence du Recteur Chancelier des Université de Paris, Patrick Gérard, de S.E.M. Mohammed Meer Abdalla Al Raeesi, Ambassadeur des Émirats Arabes Unis en France, des présidents des Universités Paris Diderot, M. Vincent Berger et de Sharjah, M. Samy Mahmood, et du Directeur de l’Inserm, M. André Syrota. L’Université Paris Diderot, connue pour sa pluridisciplinarité et l’excellence de sa recherche dans les trois grands domaines de la connaissance – santé, sciences dures, sciences humaines et sociales – a souhaité distinguer le dirigeant de l’Émirat de Sharjah pour son action exemplaire et de longue haleine en faveur du développement de l’éducation, de l’enseignement supérieur et de la culture, dans cette partie méconnue des Émirats Arabes Unis, à une quinzaine de kilomètres des extravagances de Dubaï. À Sharjah, l’Émir a créé toute une série d’institutions importantes, comme le Musée de la Science, le Musée d’Art islamique et contemporain, ou la Bibliothèque publique. Il est aussi à l’origine de trois manifestations de renommée internationale : une Biennale d’art contemporain, un Salon du livre, et un Festival de théâtre. Dans le domaine universitaire, l’Émir a permis la construction, dans les années 1990, de l’University City, vaste campus d’une douzaine d’hectares, qui a accueilli d’abord l’Université Américaine de Sharjah, sur le modèle d’établissements semblables au Caire ou à Beyrouth, puis l’Université de Sharjah, offrant un éventail de disciplines beaucoup plus large, et destinée à permettre l’éclosion de programmes et de structures de recherche, de manière assez pionnière dans cette région. À la suite de la signature à Paris en 2008 d’un accord cadre de coopération, en présence de l’Émir, l’Université de Sharjah et l’Université Paris Diderot ont entrepris une série de rencontres destinées à promouvoir leurs échanges et à accroître leur collaboration scientifique bilatérale. Elles ont ainsi tissé des liens importants, en particulier dans le domaine de la formation et de la recherche médicales, et noué une relation très originale en matière de coopération universitaire internationale. En 2011-2012, elles ont ouvert un double diplôme de master en médecine moléculaire et recherche translationnelle, basé conjointement au Sharjah Biomedical Research Center et à la Faculté de médecine de Paris Diderot. Les étudiants y reçoivent une formation de haut niveau destinée à leur permettre d’entreprendre une carrière de chercheur dans des environnements interdisciplinaires et d’acquérir les compétences scientifiques nécessaires dans les industries à fort potentiel d’innovation. Les deux universités envisagent de prolonger ce programme de Master par une formation doctorale conjointe sur ces mêmes thématiques. Il s’agirait là d’un cursus unique dans toute la région du Golfe, ouvert aux étudiants de diverses disciplines scientifiques et médicales. Grâce à cette filière d’excellence, le Sharjah Medical Excellence Cluster (SMEC) pourra développer de véritables activités de recherche de niveau international, ce qui est l’objectif recherché, et patiemment poursuivi, par l’Université et l’Émirat de Sharjah de manière exemplaire. Par ailleurs, les deux universités ont entamé des discussions pour lancer ensemble un ambitieux et innovant programme de recherche autour d’une nouvelle technologie permettant un diagnostic beaucoup plus rapide et fin des blessures de grands brûlés. Une caméra thermique à infrarouge ultra sensible, actuellement développée par l’Université Paris Diderot en partenariat avec Thales, permet de photographier les radiations émises par la peau en utilisant une longueur d’onde de 8-10 μm et ainsi de cartographier les brûlures sur des couches extrêmement fines, ce qui permet un diagnostic immédiat et un traitement beaucoup plus précis. Des essais cliniques seront réalisés à Sharjah et à Paris (notamment dans le tout nouveau bâtiment dédié aux grands brûlés à l’Hôpital Saint-Louis, l’un des sept hôpitaux universitaires rattachés à l’Université Paris Diderot). Doctorants et chercheurs des deux institutions participeront ensemble à l’interprétation des résultats, et feront des recommandations pour une extension de cette technique à une plus large échelle. Ils travailleront également avec les ingénieurs pour mettre au point une caméra adaptée à cet examen clinique, à partir du prototype disponible actuellement. D’autres collaborations vont se développer dans les années qui viennent, tant dans le domaine de la chirurgie laporoscopique (« non invasive ») que dans celui de l’odontologie, les Universités de Sharjah et de Paris Diderot ayant déjà dans ce domaine une réputation d’excellence. Mais des coopérations sont également envisagées dans d’autres secteurs que celui de la santé, notamment un projet de master et doctorat conjoints en « Engineering Management », unique tant en France que dans le Golfe, dont l’objectif est de combiner l’expertise technologique des ingénieurs et la compétence organisationnelle des managers pour former des cadres capables de piloter des projets complexes depuis leur conception jusqu’à leur réalisation, dans des domaines comme le développement de produits, la construction, l’ingénierie de design, la technologie ou la production. Enfin, sur une question particulièrement cruciale dans le Golfe, l’Université de Sharjah a manifesté son souhait de rejoindre les divers programmes de recherche lancés depuis 2011 à l’Université Paris Diderot par le Laboratoire international interdisciplinaire des Énergies de demain (LIED). A tous égards, le rapprochement entre l’Université de Sharjah et l’Université Paris Diderot est le signe d’une volonté conjointement exprimée de développer une collaboration exemplaire, mutuellement bénéfique et résolument interdisciplinaire, tout à fait originale dans le paysage actuel de l’enseignement supérieur international, souvent dominé par des questions de compétition et de rentabilité. En honorant l’Émir Dr. Sultan Bin Mohammed Al Qasimi, l’Université Paris Diderot a souhaité attirer l’attention sur la façon remarquable dont cet émirat encourage le développement d’un enseignement supérieur public de haute qualité, au service de la communauté, sans distinction entre les sexes (l’actuel Chancelier de l’Université de Sharjah, le Professeur Samy Mahmmoud, joue un rôle remarquable sur cette question), et permet l’éclosion lente et patiemment construite de structures de recherche destinées à former des chercheurs de niveau international, dans un certain nombre de secteurs ciblés et importants comme la santé publique ou l’environnement. Un exemple à méditer, non seulement pour leurs voisins du Golfe, mais pour les nombreux pays actuellement engagés dans une politique de développement universitaire, parfois impatients ou dévoyés par quelques mercenaires de la profession, en quête de profits à court terme. |