Lundi 22 Avril 2019  
 

N°124 - Quatrième trimestre 2018

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     Émirats Arabes Unis
 

Le Louvre Abu Dhabi : la naissance d’un musée universel

Par Mme Laurence des Cars,
Directrice scientifique de l’Agence France-Muséums

Par un accord intergouvernemental signé le 6 mars 2007, la France et les Émirats Arabes Unis ont décidé de créer un musée universel, portant le nom de Louvre Abu Dhabi, dont l’ouverture est prévue en 2015. Ce geste sans précédent établit les fondements d’un nouveau type de coopération culturelle sur le long terme entre deux pays souverains.
Le musée du Louvre Abu Dhabi se situe dans le district culturel de l’île de Saadiyat (île du bonheur) qui réunit plusieurs institutions bénéficiant de l’expertise des grands musées internationaux. Outre le Louvre Abu Dhabi, un musée national Cheikh Zayed dessiné par Norman Foster conçu en lien avec le British Museum et un Guggenheim Abu Dhabi dessiné par Frank Gehry, feront d’Abu Dhabi un véritable centre artistique et culturel pour la région. C’est une véritable dynamique globale qui se développe à Abu Dhabi touchant à la fois les secteurs culturels et éducatifs. L’ouverture de la New York University Abu Dhabi ou de l’université Paris Sorbonne Abu Dhabi illustre ce dynamisme transversal qui permettra aux nouveaux musées de l’île de Saadiyat de développer l’ensemble de leurs missions, artistiques, culturelles, scientifiques et éducatives.
Le Louvre Abu Dhabi, seul projet du district culturel encadré par un accord intergouvernemental, développe une coopération culturelle de long terme et ce, dans tous les domaines liés à la vie du futur musée. En effet, l’accord prévoit l’utilisation du nom du Louvre pour trente ans, des prêts d’œuvres des collections françaises par rotation pendant dix ans, l’organisation d’expositions temporaires pendant quinze ans, une politique d’acquisitions pour la constitution ex nihilo de la collection du Louvre Abu Dhabi, une assistance à la maîtrise d’ouvrage pour la construction du bâtiment, une politique de développement des publics ou encore une politique de formation. C’est la première fois que, grâce aux conditions créées par l’accord intergouvernemental, la France met au service d’une autre nation souveraine ses compétences et ses savoir-faire culturels, au cœur de ses missions régaliennes, soutenus par une tradition muséale de plus de deux cents ans, mais aussi porteurs de renouvellement en ce début de XXIème siècle.
Le Louvre Abu Dhabi est un défi, mais aussi une chance pour le Louvre et les musées français de montrer combien l’institution muséale française est à même d’inventer et de développer un projet international au plus haut niveau dans le dialogue et le respect de l’identité d’Abu Dhabi. Le Louvre Abu Dhabi ne sera pas la copie du Louvre à Abu Dhabi, mais un musée nouveau qui, par son nom, est appelé à véhiculer et transmettre les valeurs attachées aux musées français. Prévue par l’accord intergouvernemental, l’Agence France-Muséums créée en juillet 2007, est l’opérateur français du projet et réunit autour du Louvre Abu Dhabi les principaux musées nationaux dont le Louvre au premier plan, le Centre national d’art et de culture Georges Pompidou, le musée d’Orsay et de l’Orangerie, la Bibliothèque nationale de France, le musée du quai Branly, le Musée Guimet, l’Établissement public de la Réunion des musées nationaux et du Grand Palais, le Château de Versailles, le Musée Rodin, l’École du Louvre, le Domaine national de Chambord.
Sélectionné pour concevoir ce musée, Jean Nouvel promet au futur visiteur une expérience architecturale et muséale de grande intensité, au service d’un dialogue entre les cultures. Comme une ombrelle, la coupole blanche de 180 métres de diamètre, expression virtuose et contemporaine de la tradition architecturale arabe, coiffe les deux tiers de la ville-musée. A l’image du projet architectural de Jean Nouvel qui invente un musée ville, une ville monde, l’universalisme du Louvre Abu Dhabi doit être l’occasion d’une véritable mixité culturelle. A cet égard, le premier universalisme du Louvre Abu Dhabi sera celui de ses collections.
Il s’agira d’offrir aux visiteurs, dans les 6 000 m² de galeries permanentes, des grands repères pour comprendre l’histoire des arts propre aux différentes civilisations. Le Louvre Abu Dhabi s’appuie sur une conception résolument comparatiste, grâce à une présentation concentrée sur quelques centaines d’œuvres pertinentes et démonstratives, dans un espace à échelle humaine, autorisant ainsi une compréhension de la totalité du propos en une seule visite, selon un parcours unique. Cette caractéristique prolonge le rôle millénaire de l’Arabie comme lien entre l’Ouest et l’Est, le Nord et le Sud. C’est dans le souvenir de la Route de l’encens et de l’histoire du Golfe arabo-persique, point de passage entre l’Europe et l’Océan Indien, ouvrant la voie du contact avec l’Asie et l’Afrique, que se trouve l’idée de carrefour des civilisations qui sera privilégiée dans les salles du musée.
L’originalité de ce projet repose notamment sur le dialogue entre les prêts français et la collection du Louvre Abou Dhabi. Souvent, pour la première fois de leur histoire muséale, ces ensembles d’œuvres pourront retrouver une continuité et une unité de présentation, dépassant les limites institutionnelles habituelles. La perspective de ce décloisonnement inspire les partis qui seront développés dans le futur musée.
Pluridisciplinaires, et envisageant la concomitance et la correspondance des expressions artistiques de différentes civilisations, les choix scientifiques et culturels du Louvre Abu Dhabi permettront d’explorer de nouvelles approches, et de porter un nouveau regard sur le patrimoine des musées français.
Pour répondre à cet enjeu, le musée propose un dialogue entre des collections aussi diverses que l’art préhistorique, le mobilier français du XVIIIème siècle, les arts de l’Islam, de l’Inde et de la Chine, les arts d’Afrique, l’art contemporain, etc. Des domaines comme la mode et le cinéma n’auront pas à y conquérir leur place. Ils seront d’emblée chez eux dans un musée déployant autant que faire se peut toute la diversité des champs artistiques et culturels, pour mieux dire la part d’universel de chacun d’eux.
À ce jour, la collection du Louvre Abu Dhabi, en cours de constitution depuis 2009 sous l’égide de l’Agence France-Muséums en lien avec les musées français, a pris sa véritable dimension muséale. Elle est le reflet de la création d’un musée universel, en conformité avec les dispositions de l’accord intergouvernemental. Cette diversité quasiment unique dans le monde des musées est, en soi, déjà un défi universaliste qui cherchera à répondre à la diversité des publics du futur musée.
Le transfert de compétences est au cœur de ce projet de coopération. Plusieurs projets de formation ont déjà vu le jour, notamment un mastère sur les métiers des musées créé à l’Université Paris Sorbonne Abou Dhabi, co-diplômé par l’École du Louvre et Paris IV Sorbonne. En parallèle, des officiers de police émiriens sont formés et spécialisés dans la sécurité des musées au sein des musées français, dont le Louvre.
À quatre ans de l’ouverture aux publics, le projet du Louvre Abu Dhabi tient aujourd’hui ses promesses, dessinant un nouveau dialogue des cultures dont le centre de gravité s’ancre progressivement à Abou Dhabi.   

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