Par Mme María Angela Holguin Cuellar Ministre des Relations extérieures de la République de Colombie
La Lettre Diplomatique : Madame la Ministre, vous avez effectué votre première visite à Paris en votre qualité de chef de la diplomatie colombienne en décembre 2010. Fort de vos affinités avec la France où vous avez fait une partie de vos études, comment définiriez-vous votre vision des relations franco-colombiennes ? Quels projets vous semblent emblématiques de la qualité de la coopération entre les deux pays ?
Mme María Angela Holguin Cuellar : La Colombie est sans doute l’un des pays les plus proches de la France en Amérique latine. L´étude qui est consacrée à la langue et à la civilisation françaises y est la plus importante de la région, ce qui témoigne de notre grand intérêt à son égard. Pour nous, la relation avec la France doit reposer sur des bénéfices communs. Les projets de développement de l’agriculture colombienne en sont un exemple pratique, nous permettant d’envisager cette relation à long terme. Les Écoles agricoles françaises ont à cet égard de grandes perspectives d’épanouissement en Colombie et peuvent y apporter une énorme contribution. Une mission d’Alsace nous a récemment visités et nous avons déjà établi des contacts. Aussi, nous espérons amorcer des projets opérationnels très prochainement. J’aimerais enfin vous exprimer mes sentiments personnels d’attachement à la France, pays magnifique où j’ai en effet eu l’occasion de vivre et d’étudier.
L.L.D. : Témoignant du nouveau rôle qu’elle aspire à jouer sur la scène internationale, la Colombie participe activement aux délibérations du Conseil de sécurité des Nations unies. Quelle approche spécifique privilégiez-vous face aux défis pesant sur la stabilité internationale ?
M.A.H.C. : La contribution des pays non-permanents au Conseil de sécurité a certainement ses limites. Néanmoins, nous avons œuvré en faveur du dialogue, de la négociation et de la concertation avec les différentes organisations régionales pour parvenir à des solutions aux crises du monde arabe en particulier. Nous sommes convaincus que les actions sur la base du chapitre VII de la Charte des Nations unies, nécessaires dans certaines conditions, doivent être accompagnées du dialogue et des procédures stipulés au chapitre VI de la Charte.
L.L.D. : La Colombie s’est portée candidate à l’adhésion à l’OCDE et au Forum de coopération économique Asie-Pacifique. Quels sont les objectifs visés par ces initiatives ? Quelles retombées en escomptez-vous pour votre pays, tant sur le plan du rayonnement diplomatique que de la mise en valeur de nouvelles synergies économiques ?
M.A.H.C. : L’intérêt de la Colombie d’adhérer à l’OCDE répond essentiellement à notre objectif d’améliorer nos mécanismes institutionnels et nos propres institutions, afin de construire un pays plus transparent, plus efficace et mieux préparé, dans lequel tous les Colombiens puissent accéder à la prospérité. Les institutions démocratiques colombiennes sont en effet susceptibles d’être toujours modernisées et adaptées en vue de répondre aux changements du système mondial et des besoins croissants de notre population. En ce qui concerne l’APEC, notre pays a exprimé, depuis plusieurs années déjà, son intérêt d’intégrer ce forum, car nous sommes désireux de diversifier nos relations commerciales, financières et économiques. Or, comme personne ne l’ignore, l’Asie et le Pacifique constituent des régions d’une importance globale croissante et déterminante pour la prospérité de notre pays et du monde entier. Nous allons ainsi participer aux mécanismes des sept groupes de travail de l’APEC de manière active, en partageant l’expérience et les bonnes pratiques que nous avons acquises avec la communauté des pays membres. La Colombie fait pleinement partie de la région Pacifique et nous espérons que dans un avenir proche, les membres de l’APEC reconnaîtront le potentiel de notre pays en tant que partenaire majeur de la croissance économique mondiale. Alors que nous nous hisserons bientôt au troisième rang des économies de l’Amérique latine, la population colombienne se classe d’ores et déjà au troisième rang de la région et nous disposons de nombreuses ressources naturelles comme l’énergie, ainsi que d’immenses atouts pour la production de denrées alimentaires nécessaires dont beaucoup de pays sont demandeurs, en particulier en Asie-Pacifique.
L.L.D. : Membre de la Communauté andine des Nations (CAN), votre pays a ratifié le traité instituant l’UNASUR dont il assume depuis 2011 la direction du secrétariat général en alternance avec le Venezuela. Avec la récente inauguration de la CELAC, comment analysez-vous la multiplication des organisations régionales ? Quelles initiatives de coopération illustrent, selon vous, la participation de votre pays à l’intégration sud-américaine ?
M.A.H.C. : Pour la Colombie, les organisations sous-régionales et régionales ont des objectifs différents et qui ne sont pas nécessairement incompatibles. La CAN, composée par la Colombie, l´Équateur, le Pérou et la Bolivie, est une communauté très active sur les plans économique et commercial. Nous en assumons le secrétariat pro tempore et nous voulons, dans ce cadre, modifier certaines procédures et mécanismes pour rendre l’organisation plus efficace. Pour nous, l’UNASUR représente un cadre de coopération plus important dans la mesure où nous travaillons par groupes spécialisés très focalisés sur des problématiques communes. La CELAC, quant à elle, est une communauté qui remplace le Groupe de Rio et d’autres mécanismes. Il s’agit, de notre point de vue, d’un espace de concertation plus flexible que d’autres dans la région, lesquels restent néanmoins toujours utiles pour faire progresser la réflexion sur les grands thèmes et les défis que partagent tous les pays latino-américains et des Caraïbes. Comme exemple de coopération, je citerais les initiatives d’interconnexion énergétique entre les Amériques, dans le cadre desquelles la Colombie joue un rôle central de plateforme vers l’Amérique centrale et le Mexique, au nord, et au sud, vers l’Équateur, le Pérou et le Chili. Nous avons également défendu l’idée que l’intégration régionale autour de secteurs comme l’énergie, les infrastructures, l’environnement ou l’alimentation constitue un processus plus proche des réalités de la population et plus à même de répondre aux besoins de nos citoyens.
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