Par S.E.M. Jorge Valdez, Chef de la Mission du Pérou auprès de l’Union européenne
Le contexte actuel des relations entre le Pérou et l'Union européenne (UE) abonde d’opportunités en matière de dialogue politique, de commerce et de coopération, tout particulièrement au vu des résultats prometteurs obtenus lors du Vème Sommet Amérique latine et Caraïbes-Union européenne, qui s’est récemment tenu à Lima, et de l’aspiration commune visant à conclure un accord d’association. Mais il présente également de grands défis, tels que l’approbation par les institutions communautaires de la « Directive du retour », qui a provoqué de profondes réactions d’inquiétude dans toute l’Amérique latine, mettant à l’épreuve la capacité de nos deux régions à gérer et à rendre compatibles sur des bases de coopération leurs intérêts respectifs et à scruter de nouveaux horizons reposant sur les liens étroits engendrés par la vaste communauté de valeurs que nous partageons.
La tenue à Lima du Vème Sommet Amérique latine et Caraïbe-Union européenne, le 16 mai dernier, le premier qui ait vu la participation de 60 pays, incluants les 27 pays de l’UE, a permis de donner un nouvel élan au processus de construction de notre association stratégique, en passant de la formulation des principes et desseins communs aux deux régions qui ont encouragé les progrès lors des sommets précédents, à la mise en place d'un « Agenda de Lima », avec des objectifs spécifiques dans d'importants domaines tels que l’éradication de la pauvreté, l’inégalité et l’exclusion, ainsi que le développement durable, l’environnement, le changement climatique et l’énergie.
Dans la Déclaration de Lima, il a été prévu de développer des dialogues sectoriels portant sur ces différents sujets, ainsi que d’intensifier l’échange de points de vue dans d’autres domaines d’importance globale comme les migrations et la lutte contre les drogues. Concernant ces derniers, il peut exister des approches différentes, mais nous partageons également de profondes convergences de vue au point de penser que, si nous parvenions à des positions conjointes, nous serions en mesure d’exercer une influence significative sur la manière dont ils sont traités sur la scène internationale. Nos deux régions représentent ensemble plus d’un milliard de personnes, c’est-à-dire un sixième de la population mondiale, ce qui nous confère un poids spécifique pouvant s’avérer déterminant dans certains cas. Notre plus grand défi consiste ainsi à aborder conjointement les sujets les plus complexes et à nous écouter mutuellement.
Le Sommet de Lima a aussi permis de lancer de nouvelles initiatives, comme le programme environnemental conjoint ALC-UE appelé « EUrocLIMA », en faveur des pays d’Amérique latine ; ou la possibilité de constituer une Fondation ALC-UE qui formerait un espace de discussion sur les stratégies communes et les actions visant au renforcement de notre association bi-régionale, y compris les initiatives permettant de donner une plus grande visibilité à cette dernière.
Surtout, il est important de souligner que durant le Sommet de Lima, les deux régions se trouvaient dans une conjoncture extrêmement favorable, caractérisée par l’accomplissement d’avancées au sein de chacun des processus de négociation, notamment en vue de conclure des accords d’association entre la Communauté andine et l’UE, et entre l’Amérique centrale et l’UE, ainsi qu’avec l’espoir d’une reprise rapide du processus Mercosur-UE. La signature de ces accords s’ajouterait à la mise en œuvre favorable des accords actuellement en vigueur entre le Mexique et l’UE et entre le Chili et l’UE.
La possibilité de conclure rapidement un accord d’association avec l’UE laisse présager une situation extrêmement prometteuse pour le Pérou au regard des opportunités d’affaires et d’investissements. Commercialement, l’UE représente le troisième marché vers lequel sont destinées nos exportations (18%) et la source de 12% de nos importations. En outre, l’UE nous ouvre un marché de plus de 500 millions d’individus, dont la plupart possède une importante capacité de consommation, donnant lieu ainsi à un potentiel de croissance de nos échanges commerciaux hautement significatif. L’UE dans son ensemble représente également le premier investisseur étranger au Pérou, de par sa présence dans d’importants secteurs tels que les communications, l’énergie, les infrastructures, les services financiers et l’industrie minière.
Ajoutons à cela qu’en matière de coopération, l’UE constitue la principale source multilatérale de coopération non remboursable pour le Pérou. Cette coopération est en particulier centrée sur des secteurs tels que la lutte contre la pauvreté, la consolidation des institutions et la formation professionnelle ; dans ce contexte, nous sommes partenaires dans le cadre d’une coopération mutuellement profitable et dont les résultats sont connus.
Notre pays est actuellement confronté au défi majeur que représente la réduction de ses indices de pauvreté. Il a mis en œuvre à cette fin des politiques d’inclusion sociale. Le soutien de l’UE dans ce domaine vient ainsi s'ajouter aux efforts considérables effectués par le gouvernement péruvien. En ce sens, la contribution la plus précieuse que puisse apporter l’UE réside dans sa longue expérience pour résoudre ce problème, aboutissant à l’approbation de l’Agenda de Lisbonne et à la mise en place d’une Stratégie 2000-2010 pour moderniser son modèle social et économique. La grande leçon que peut apporter l’expérience européenne de ce point de vue est que la réduction de la pauvreté découle de la création d’emplois. Le Pérou l’a compris et s’est fixé un objectif de stabilité économique et de croissance de ses exportations permettant d’accroître le nombre de postes de travail et d’étendre les bénéfices de la mondialisation et du libre-échange aux secteurs dépourvus.
La pauvreté est en outre l’une des causes fondamentales des migrations, comme l’ont expressément reconnu les deux régions au sein de la Déclaration de Lima. Pour cette raison, il s’avère cohérent qu’au-delà d’encourager conjointement les mesures visant à son éradication, nous nous soyons engagés à développer un dialogue bi-régional structuré et compréhensif sur les phénomènes migratoires, permettant de connaître et comprendre nos points de vue respectifs et de répondre aux attentes de chaque partie.
Je suis convaincu qu’en suivant cette voie, les relations entre l’UE et le Pérou ont à l’avenir un large potentiel d’approfondissement, dans notre intérêt commun et avec des perspectives très encourageantes pour que nos populations parviennent à connaître une véritable situation de bien-être.
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