Lundi 22 Avril 2019  
 

N°124 - Quatrième trimestre 2018

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Roumanie, Francophonie, éducation : bilan et perspectives

Par Mme Maria Berteanu, Directrice des Affaires francophones au Ministère roumain des Affaires étrangères
et M. Cristian Preda, Représentant personnel du Président de la Roumanie pour la Francophonie

En septembre 2006, la Roumanie a été le pays hôte du XIème Sommet de la Francophonie. Le thème du Sommet, « Technologies de l’information dans l’éducation », a produit un vif intérêt au sein de tous les pays membres de l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF). Pour la Roumanie, avoir été choisie comme pays hôte de cette prestigieuse Conférence a représenté un véritable honneur, car il s’agissait du premier pays d’Europe, en dehors de la France, a avoir accueilli les travaux de l’instance suprême de la Francophonie.
Bâtir la Francophonie signifie beaucoup plus que donner vie à une communauté imaginaire, vécue et pensée comme une alternative humaniste à l’actuelle mondialisation. Même si le concepteur de Francophonie demeure toujours un concepteur d’idées et d’espoir, il doit être simultanément un créateur de coopération. Coopérer signifie tout d’abord partager, créer une forme de solidarité qui se trouve depuis le début au centre de l’engagement et des valeurs de la Communauté. Cette coopération peut être créatrice si elle est utile et contribue au développement durable des sociétés. Elle doit aller encore plus loin et doit, à travers ses diverses formes de manifestation, engendrer l’internationalisation des valeurs, susciter l’effet du sentiment d’appartenance, de responsabilité et de la nécessité de l’action. Créer des coopérations qui n’existaient pas, s’emparer des opportunités offertes constituent autant de chantiers possibles et réalisables, car il s’agit non seulement de fabriquer des outils, mais aussi des programmes, des procédures de mise en œuvre.
La Francophonie a représenté l’une des premières options de politique étrangère que la Roumanie a adopté très tôt dans les années 1990. Outre la ligne pro-européenne et euro-atlantique, la Roumanie a défini son orientation en faveur des valeurs promues par la Francophonie en intégrant la Communauté des Etats et des gouvernements ayant le français en partage dès 1991, comme membre observateur. Depuis 1993, la Roumanie est membre de plein droit de cette Communauté.
La Roumanie est fière de faire partie de l’Organisation internationale de la Francophonie. Le but des initiatives qu’elle a impulsée au sein de l’OIF, a été de mettre en évidence l’énorme potentiel que l’Europe centrale et orientale peut mobiliser sur le plan de la coopération et de l’action commune. Dans cette région de l’Europe, la Roumanie est le vecteur de francophonie le plus important par sa dimension et par la promotion qu’elle met en œuvre de la langue française et des valeurs dont elle est porteuse. Avec 24 universités roumaines membres de l’Agence universitaire de la Francophonie, qui réunissent la majorité des 40 000 étudiants francophones ; avec 14 000 professeurs de français et 88% des élèves qui apprennent le français à l’école, l’engagement de notre pays envers la protection et la promotion de la langue française est plus qu’une volonté, il est une réalité. D’ailleurs, la tradition de l’enseignement de la langue française en Roumanie remonte au premier tiers de XIXème siècle. Depuis, le français a été perçu comme l’idiome de la liberté et de la modernité, et a même survécu pendant les années du totalitarisme. Le choix d’apprendre et d’utiliser le français a été déterminé chez les Roumains par leur passion pour cette langue, tout autant que par les valeurs transmises par le biais de cet instrument.
La dimension européenne de la Francophonie peut et doit s’exprimer pleinement aujourd’hui. Elle offre le cadre idéal pour l’approfondissement des relations de coopération et de solidarité, non seulement entre le Nord et le Sud, mais aussi entre l’Est et le Sud. Une simple statistique nous montre que parmi les 68 membres de l’OIF, presque un tiers est représenté par des pays européens. A cela s’ajoute le fait que l’Union européenne, à partir de l’année 2007 compte 27 Etats membres, dont 13 sont membres de l’Organisation internationale de la Francophonie. Il faut prendre en compte aussi le fait que les trois villes-capitales de l’Union européenne sont des villes francophones. L’Europe unie de demain doit assumer son identité multiple, à la fois déterminée non seulement par la géographie et par les valeurs communes, mais aussi par l’élément francophone. La Roumanie s’est proposée d’être une voix de la Francophonie au sein de l’Union européenne, et, en même temps, une voix de l’Europe au sein de la Francophonie.
Le Sommet de Bucarest a permis l’adoption d’un regard nouveau sur le rapport entre les technologies de l’information et l’éducation. Parler du développement durable de nos sociétés sans parler de l’éducation serait sans doute une erreur. Sans la production, la transmission et ensuite l’utilisation du savoir toute prétention de durabilité doit être écartée. Il peut y avoir un boom économique, il peut y avoir une période favorable, mais la pérennité du développement ne peut pas être envisagée.
Aujourd’hui, le monde compte presque 800 millions d’analphabètes et le Sommet du Millénaire +5 a constaté le peu de résultats qui ont été obtenus dans ce domaine. C’est précisément cette proportion extrêmement importante et cette situation très précaire de l’éducation dans certains pays qui a déterminé le choix du thème du XIème Sommet de l’OIF.
L’utilisation des technologies de l’information et de la communication dans l’éducation est une réalité incontournable aujourd’hui. Cependant, il faut garder un esprit ouvert et être conscients non seulement des avantages que ces technologies apportent dans notre vie, mais aussi des problèmes qu’elles posent. La fracture numérique déterminée par l’accessibilité et l’utilisation de ces technologies et qui sépare le Nord et le Sud, est une réalité. Dans ces conditions, on pourrait se demander pourquoi, au moment où l’accès à un niveau d’éducation de base n’est pas garanti pour tous, il y a eu et il y a encore une préoccupation de la Francophonie concernant l’introduction des technologies de l’information et de la communication dans l’éducation ; des outils requérant une infrastructure spécifique et des coûts supplémentaires, en plus d’une adaptation des méthodes d’enseignement. La réponse est très simple : les technologies de l’information sont présentes dans tous les domaines de la vie sociale. Elles sont ici et elles vont perdurer. Elles doivent être prises en compte pour permettre l’évolution et l’expression libre de tous les citoyens. L’alphabétisation numérique est tout aussi nécessaire que l’alphabétisation proprement dite. Les individus doivent tous être capables d’utiliser ces technologies et en même temps d’être conscients des dangers qui peuvent apparaître. La démarche de l’UNESCO consistant à soutenir la mise en place d’une société du savoir pour tous, une société inclusive, qui permette à ses membres l’accès aux connaissances doit être prise en compte. La Francophonie, par son expertise, par les moyens et les programmes dont elle s’est dotée à travers le temps, peut apporter une plus value essentielle aux solutions offertes à cette problématique.
La qualité de l’acte d’éducation est déterminée dans une large mesure par l’enseignant qui l’accomplit. Il est fondamental que les formateurs soient tout d’abord ceux qui sont formés pour que, ensuite, ils puissent contribuer à l’amélioration du processus d’enseignement. La Roumanie, en tant que pays hôte du Sommet, a décidé de marquer d’une manière durable les décisions prises par l’instance suprême de la Francophonie. Le 23 mai 2007, le Gouvernement de la Roumanie a adopté l’arrêté concernant la création du système de bourses d’études doctorales et de recherche “Eugène Ionesco” pour les ressortissants étrangers, au sein des institutions roumaines d’enseignement supérieur. La Roumanie accorde chaque année à l’Agence universitaire de la Francophonie, par contribution volontaire, un montant d’un million d’euros à destination des doctorants et des chercheurs des pays du Sud, membres de l’Organisation internationale de la Francophonie. Le but de ce programme est de permettre aux chercheurs et aux doctorants des pays du Sud membres de l’OIF et de l’AUF de bénéficier d’un stage de maximum 10 mois au sein de quinze institutions roumaines d’enseignement supérieur, reconnues pour leur excellence dans les domaines d’enseignement et de recherche les plus divers. Au minimum 70 bourses sont accordées annuellement. Les thèmes de recherche sont établis en fonction des priorités des universités d’origine et des universités d’accueil, posant ainsi les bases d’une coopération durable et pragmatique.
La gestion effective de l’évaluation et la sélection des candidats seront faites par l’Agence universitaire de la Francophonie, dont l’expérience dans ce genre de programmes est bien connue. La coopération universitaire, organisée par le biais de l’AUF, représente l’élément francophone le plus important et le plus dynamique en Europe centrale et orientale. 
Ce programme ne devrait être que le début d’une initiative plus large, visant à démontrer l’ampleur de l’engagement francophone européen. Contribuer à la formation des formateurs, éléments fondamentaux du développement durable de tout pays, constitue la meilleure manière de mettre en pratique et de partager les valeurs communes de solidarité qui se trouvent au cœur de la Francophonie.
Pour l’année universitaire 2007-2008, les candidatures de 33 chercheurs des pays du Sud ont été évaluées. Vingt-sept chercheurs ont été acceptés et ont déjà commencé leur travail dans les universités roumaines. La présence massive (un tiers du nombre total) des ressortissants des pays d’Afrique nous permet de croire à l’utilité de ce programme et d’être fiers de la contribution de la Roumanie dans le développement durable de ces Etats.

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