Longtemps surnommée la « Suisse de l’Amérique latine », le Costa Rica veut donner un coup d’accélérateur à sa stratégie de développement. Depuis son élection en février 2006, le président Oscar Arias a adopté une diplomatie volontariste, comprenant un important volet commercial, tout en préparant des réformes pour accroître la compétitivité du pays et retrouver un consensus sur le projet de développement national. Malgré une croissance soutenue de 7% en 2007, le pays le plus industrialisé d’Amérique centrale cherche à diversifier ses partenariats économiques dans le monde et les secteurs porteurs de revenus et d’emplois. « Aujourd’hui nous avons rendu le Costa Rica plus grand »
Le président Oscar Arias saluait ainsi, le 7 octobre 2007, les résultats du premier referendum de l’histoire du pays. Par une courte majorité avec 51,5% des suffrages, les Costariciens ont approuvé le traité de libre-échange avec les quatre pays d’Amérique centrale, la République dominicaine et les Etats-Unis (CAFTA-DR). Ils ont tranché par la même occasion un âpre débat qui a traversé l’ensemble de la société sur les compromis à faire pour le maintien de la compétitivité nationale. Arrivé à son paroxysme durant la campagne présidentielle, son issue est restée incertaine jusqu’au bout. Dernier pays a accepter ce traité, le Costa Rica peut s’enorgueillir du pari remporté par le Dr Oscar Arias et d’être resté fidèle à son attachement à la démocratie. Mais toute la complexité de ce choix est illustré par la prolongation des discussions à l’Assemblée législative. Le gouvernement a d’ailleurs obtenu un délai auprès de ses partenaires jusqu’au 1er octobre pour que les députés finalisent l’adoption des lois encore nécessaires à la mise en vigueur du traité. De leur côté, les syndicats donnent de la voie contre l’ouverture des secteurs des télécommunications et de l’électricité.
L’adhésion au CAFTA-DR induit en effet l’abandon de ces monopoles d’Etat ainsi que celui des assurances. Elle prévoit également l’adoption de lois modifiant le code pénal, la protection intellectuelle, l’adoption du traité de Budapest sur les brevets des micro-organismes, ainsi que l’abaissement de ses barrières tarifaires pour ouvrir son marché aux produits agricoles américains, aux biens manufacturés et aux services bancaires, entre autres. Face aux critiques, le président costaricien s’efforce de rassurer ses concitoyens, en affirmant que le « CAFTA n’est pas une solution mais une opportunité », notamment pour les jeunes sans emploi et les pauvres, mais aussi pour des filières d’activité comme celles des pêcheurs et des producteurs de fruits et légumes. Les bénéfices attendus de ce traité de libre-échange sont évidemment liés aux nouvelles opportunités qu’il ouvre d’augmenter les exportations costariciennes vers les Etats-Unis, de loin premier partenaire commercial du pays.
Le gouvernement attend également des retombées en termes de nouveaux investissements directs étrangers. L’annonce, quelques jours après le « oui » au referendum, de l’implantation de Continental AG vient en ce sens confirmer cette perspective. En investissant près de 61 millions de dollars pour la construction d’une usine dans la zone franche de Coyol, à Alajuela, le groupe allemand compte bien faire du Costa Rica le tremplin de ses exportations de composants électroniques automobiles vers les Etats-Unis.
Des tubes de néon au moteur plasma
Lors de l’annonce de l’investissement de Continental AG, le 16 octobre 2007, le président Oscar Arias a pu formulé sa vision de l’ouverture économique du pays. « Nous sommes en train d’investir dans les infrastructures, l’éducation et la réduction de notre niveau d’imposition de manière à ce que davantage d’entreprises industrielles choisissent le Costa Rica et améliorent ainsi les perspectives d’emplois pour notre jeunesse. »
Les investissements étrangers sont en effet devenus l’un des moteurs essentiels de la croissance économique. A partir de 1998, l’arrivée de grandes multinationales dans les zones franches du pays, les parts de ces flux dans le PIB n’a cessé de croître fortement, passant de 2,5% en 1991 à 4,3% en 1999. En 2007, ils ont atteint un nouveau record à hauteur de 1 885 millions de dollars, enregistrant une hausse de 28% par rapport à 2006, selon la Banque centrale. Ils représentent désormais 6,6% du PIB, ce qui explique l’importance de la politique d’ouverture du gouvernement.
Le Costa Rica a toutefois choisi d’accompagner cette stratégie de politiques de redistribution des bénéfices, en investissant fortement dans l’éducation ainsi que la formation universitaire et technique. Une condition d’ailleurs essentielle de l’attractivité du marché pour les entreprises étrangères. Selon la CINDE, 421 millions de dollars ont été réalisés en 2007 par 27 nouvelles entreprises étrangères spécialisées dans les industries de pointe de service, de prestations médicales ou de l’électronique, favorisant la création de plus de 6 350 emplois. Au Costa Rica, les 137 entreprises étrangères implantées pour la plupart dans les zones franches, emploient 40 000 personnes dont la moitié dans le secteur des services, un tiers dans celui de l’électronique et environ 6 500 dans les dispositifs médicaux.
Lancée depuis la fin des années 1980, cette stratégie d’ouverture cherchant à valoriser un secteur industriel et de services de pointe, a bénéficié des importantes ressources consacrées par l’Etat à l’éducation depuis l’abandon de la force militaire en 1949. Si les acteurs économiques s’accordent à souligner les besoins du pays en termes de personnel qualifié pour assurer le maintien de sa compétitivité, les résultats de cette politique sociale sont indéniables, notamment au regard des performances des autres pays de la région. Le taux d’alphabétisation est parmi les plus élevés (96%). En 2006, les universités costariciennes ont diplômé 1 800 ingénieurs et 5 200 techniciens.1 A l’occasion du 70ème anniversaire du groupe industriel Neon Nieto, devenu le premier groupe sur le marché centraméricain et caribéen pour la conception et la fabrication d’enseignes lumineuses, le président Oscar Arias a pu souligner avec fierté l’évolution de l’économie costaricienne depuis sa création en 1937 : « Nous avons tellement changé le pays, que nous essayons de concevoir le premier moteur plasma du monde. »
L’ancien astronaute de la NASA et scientifique costaricien Franklin Chang a en effet créé une filiale de sa société Ad Astra Rocket à Liberia, dans la région de Guanacaste. Après avoir convaincu la NASA de privatiser le projet de moteur plasma et de lui en confier le développement, Franklin Chang a ouvert le premier laboratoire d’expérimentation de technologie aérospatial en Amérique centrale dans le but d’élaborer un moteur plasma. « J’ai voulu amener cette technologie de pointe au Costa Rica par ce que je savais qu’il existe dans le pays des ressources humaines scientifiques de premier ordre ».
Le marché costaricien continue en outre de conquérir de nouvelles niches d’activité comme l’illustre l’implantation de Continental AG. En 2007, le secteur industriel s’est également étoffé avec l’arrivée de Deshler, producteur d’automotrices. Le secteur médical tend aussi à devenir une filière particulièrement dynamique, où sont déjà présents des géants du secteur pharmaceutique comme les Laboratoires Abbott ou Baxter. La compagnie américaine Beam One spécialisée dans la stérilisation par électron de produits médicaux et pharmaceutiques, a ainsi décidé de s’installer dans la zone franche de Coyol, convaincue du succès qu’elle peut rencontrer auprès de la vingtaine d’entreprises de ce secteur qui sont obligées de stériliser leurs produits aux Etats-Unis avant de pouvoir les réexporter.
Les infrastructures au cœur du renforcement de la compétitivité costaricienne
Inscrit parmi les priorités du Plan de développement national, la modernisation des infrastructures constitue, aux côtés de l’éducation, l’autre volet majeur du programme d’action du gouvernement. L’un des grands projets lancé sous le sceau de la relance de la politique d’aménagement du territoire est la modernisation du Port de Limon, sur la côte atlantique. Le gouvernement a obtenu un accord pour un prêt de 80 millions de dollars avec la Banque mondiale pour le financement de ce projet qui prévoit la restauration des usines de l’Institut ferroviaire costaricien (Incofer) et l’infrastructure urbaine. Pour le ministre de la Coopération interinstitutionnelle, Marco Vargas, il s’agit « de transformer Limon en capitale du commerce extérieur » costaricien.
Bon nombre de projets ont été retardés par une procédure législative lourde, comme la modernisation du réseau autoroutier, la refonte des réseaux de distribution d’eau et le traitement des eaux usées, la restructuration des aéroports de San José et de Libéria, ou le transport urbain. Dans le compte-rendu de sa visite au Costa Rica, Serge Signoret, Conseiller de l’Assemblée des Français de l’étranger, résume ainsi l’intérêt que pourrait avoir ce marché pour les entreprises françaises. « Certes, les petits pays d’Amérique centrale ne représentent pas, à priori, un marché très intéressant quand on les compare avec d’autres pays, mais considérant que « tout reste à faire » tant au point de vue infrastructures routières, aéroports, ports et autres, il est vrai que le marché à court et moyen terme est tout sauf négligeable. »
Ces projets suscitent d’ailleurs l’intérêt des entreprises étrangères encore trop modestement présentes au Costa Rica. A ce jour, seule la compagnie de télécommunications française, devenue aujourd’hui Alcatel Lucent, est vraiment bien implantée, et continue aujourd’hui à participer au renforcement du réseau de téléphonie fixe et mobile du pays dans le cadre du règlement d’un contentieux avec la justice costaricienne. La visite à San José, en février 2007, d’une délégation d’une vingtaine d’entreprises françaises conduite par Gilberte Beaux, présidente du Comité Amérique latine du MEDEF, a mis en exergue certaines opportunités. A cette occasion, une entreprise a présenté un plan portant sur la création d’un tunel pour la canalisation de l’eau de la capitale, dont le coût a été estimé à 100 millions de dollars.2 Pour sa part Alstom serait encore en discussion avec les autorités costariciennes en vue de relancer le projet de tramway de San-José. Le gouvernement français avait fait un don de 500 000 dollars en 1999 pour financer l’étude de faisabilité de ce projet qui a été attribué au bureau d’étude BCEOM. En 2004, deux autres bureaux d’études français Systra et Dexia ont obtenu des études de préfaisabilité. Dans le secteur touristique, première source de devises étrangères qui a attiré 800 millions de dollars en 2007, les marges de progression sont encore immenses dans un marché dominé à 80% par des petites structures hôtelières.
Exporter 18 milliards de dollars d’ici 2010
Face à une conjoncture incertaine marquée par le ralentissement de l’économie mondiale et en particulier des Etats-Unis, c’est l’objectif que s’est assigné le gouvernement. Représentant 40% du PIB, les exportations sont en effet le moteur de la croissance économique du Costa Rica. L’heure est ainsi à la diversification des partenariats économique, principalement vers l’Asie et l’Union européenne. Alors que les négociations avec Bruxelles s’inscrivent dans le cadre d’un accord interrégional incluant les cinq républiques centraméricaines, l’initiative la plus marquante pour élargir les marchés d’exportation du Costa Rica s’est traduite par l’établissement de relations diplomatiques avec Pékin. Fin janvier, le ministre des Finances, Guillermo Zúñiga, annonçait que la Chine allait investir environ 300 millions de dollars pour l’achat de bons du trésor costaricien, somme à laquelle s’ajoute une enveloppe de 150 millions de dollars au titre de l’aide au développement dans divers projets. En outre, les deux pays ont d’ores et déjà amorcé des discussions pour mettre en œuvre une coopération entre la Corporation pétrolière nationale de Chine (CNODC) et la Raffinerie costaricienne de pétrole (RECOPE). Au-delà de la Chine, le Costa Rica cherche à s’ouvrir les portes des marchés asiatiques où elle peut compter sur de solides relations de coopération avec le Japon et la Corée du Sud. San José travaille ainsi à son adhésion au groupe P-4, antichambre de l’APEC dans le but d’adhérer à ce forum.
Le gouvernement compte également lancer une campagne de promotion du pays dans de nouveaux secteurs comme les services audiovisuels, l’animacion, le design, l’orthopédie, la pharmacie, la sous-traitance automobile et l’aéronautique, mais aussi vers de nouveau marché comme l’Allemagne, l’Espagne, l’Inde et la Chine.
Vingt ans après son premier mandat (1986-1990), le Dr Oscar Arias doit donc faire face à de tout autres défis. Le règlement des guerres intestines qui ont bouleversé l’Amérique centrale dans les années 1970-80, avait valu au chef de l’Etat costaricien de recevoir le prix Nobel de la paix, au titre de sa contribution à la conclusion des accords d’Esquipulas. Son principal défi est désormais de maintenir le Costa Rica dans la course à la compétitivité qui voit s’affronter âprement les pays émergents. Si la pression de l’inflation (autour de 10%) et une forte dollarisation de l’économie réduisent les marges de manœuvre du gouvernement, il s’est résolument engagé à poursuivre la politique d’ouverture de ses prédécesseurs tout en accentuant l’effort pour réduire les inégalités sociales. Tout l’enjeu de cette stratégie étant de parvenir à conserver le modèle de développement qui a fait l’originalité du Costa Rica avec le maintien d’un Etat-providence fort aux côtés d’une politique de libéralisation économique. C.H.