Lundi 22 Avril 2019  
 

N°124 - Quatrième trimestre 2018

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Pays d’Allier-Uvurkhangaï : une coopération animée par la passion

Par le Dr Daniel Desvignes, Président de l’Association Pays d’Allier-Uvurkhangaï

L’Association Pays d’Allier-Uvurkhangaï (APAU) voit le jour en juin 2000, après avoir reçu le soutien du Conseil général de l’Allier pour la mise en place d’un partenariat entre le département et l’Aimag de l’Uvurkhangaï. Je m’étais alors engagé depuis l’été 1998 en Mongolie, avec Santé Sud, sur un programme TACIS de fin de réhabilitation de l’hôpital de Région d’Arvairkheer (Uvurkhangaï), financé par l’UE.
Ce choix permet à l’APAU, également soutenue par l’Ambassade de France en Mongolie, de profiter des ressources et des compétences de l’Allier et de la région Auvergne. L’essentiel des activités de l’ONG se consacrent à la formation médicale des professionnels de santé de l’Uvurkhangaï. Les actions sont ciblées en fonction des besoins clairement identifiés avec les partenaires mongols et des disponibilités de volontaires français. La Mongolie connaît une forte expansion démographique et une population féminine très éduquée. L’APAU travaille essentiellement dans le domaine de la santé de la mère et de l’enfant : gynéco obstétrique, pédiatrie, néonatologie, dentisterie.
Les professionnels de santé mongols sont formés à l’Université d’Ulaan-Baator sur des schémas pédagogiques russes basiques, rudimentaires et obsolètes, adaptés à la pratique des soins primaires par des officiers de santé, inaccessibles aux pratiques médicales modernes plus élaborées. Seule une élite formée à Irkoutsk et Moscou peut prétendre à un niveau de compétences acceptable. Néanmoins, l’héritage soviétique a doté le territoire d’un savoir-faire en santé publique, d’équipements hospitaliers et de réseaux de soins remarquables. L’organisation du système de santé très hiérarchisé, figé dans des principes archaïques ne peut évoluer que par l’amélioration de la formation initiale des nouveaux cadres. Chaque projet de l’APAU implique en priorité des étudiants et de jeunes professionnels mongols, de façon à ce qu’ils puissent assimiler et transmettre au mieux le contenu de ces formations. De nombreuses équipes françaises de pédiatres, néonatologues, infirmières, gynéco obstétriciens, sage femmes, puéricultrices se sont succédées dans les hôpitaux d’Arvairkheer, Khakhorin, Bogd depuis 2001, dirigés par des médecins directrices d’exception, qui contribuent à la réussite des projets. D’année en année, une grande solidarité s’est constituée entre les professionnels français et mongols, à l’écoute des réalités de terrain. Ils échangent leurs savoir-faire et leurs compétences, leurs doutes et leurs difficultés dans un climat de confiance, de complicité et d’amitié. Nombre d’étudiants mongols deviennent francophones au cours des missions successives avec APAU. C’est le cas d’une jeune médecin mongole qui gravit aux côtés des volontaires d’APAU tous les échelons d’un cursus universitaire pédiatrique sans faute entre Ulaan-Baator et Arvairkheer. Elle suit un stage AFSA de néonatologie au Centre hospitalier universitaire (CHU) de Clermont-Ferrand et au centre hospitalier de Moulins, puis Nice et Saint-Vincent de Paul à Paris. Des élèves infirmières de l’Allier partent chaque année en stage d’un mois, accompagnées d’élèves mongoles de l’école de Darkhan. Une jeune médecin généraliste mongole anime depuis trois ans les missions médicales. Une médecin du CHR d’Arvairkheer effectue pendant 3 mois dans l’Allier un stage de direction à l’Hôpital « Cœur du Bourbonnais », grand établissement à spécificité rurale en parfaite adéquation avec son homologue mongol. APAU contribue avec le CERDI de Clermont-Ferrand à la création d’un cursus d’économie de santé à UB : stage d’une étudiante française en économie de santé, soutien de deux professeurs français associés à l’Université d’Ulaan-Baator.
La gynéco obstétrique est la discipline chirurgicale la plus performante et la mieux maîtrisée en Mongolie. Elle se développe en raison de la natalité importante et du haut niveau éducatif de la femme mongole. Il existe une forte demande de formation à la cœlioscopie qui permet des interventions moins délabrantes et de courtes hospitalisations.
En accord avec le doyen de la Faculté de Médecine d’Ulaan-Baator, l’APAU propose de créer un centre universitaire de formation à la cœlioscopie gynécologique de référence pour la Mongolie et les régions limitrophes. Le CHU de Clermont-Ferrand est un des pôles d’excellence mondiaux en cœlioscopie gynécologique. En 2004, deux gynécologues du CICE de Clermont-Ferrand (Centre international de Chirurgie endoscopique) recrutent sur des critères de compétence une jeune gynécologue chef de clinique de la Maternité n°1 d’Ulaan-Baator susceptible de mener à bien ce projet. Elle se forme au CICE l’hiver 2005 où le Pr Bruhat et son équipe remarquent ses étonnantes capacités d’adaptation et sa vive intelligence. Elle est attendue à Clermont-Ferrand en 2008 pour un stage complémentaire de six mois au terme duquel elle pourrait organiser et diriger le futur centre universitaire de chirurgie endoscopique gynécologique d’Ulaan-Baator. Elle assure habituellement la formation continue des chirurgiens mongols de province et devrait ainsi permettre à de jeunes gynécologues mongols de maîtriser cette technique interventionnelle moderne.
L’APAU mène également des activités dans d’autres domaines. Elle a assuré la formation d’un étudiant au Tourisme des grands espaces (Clermont-Ferrand, 2001), devenu un brillant chef d’entreprise et un grand professionnel mongol du tourisme. Elle a apporté son soutien technique aux cultures céréalières et fourragères de la ferme de Khakhorin par des céréaliers français et des étudiants en agronomie (2001-2006) dont les essais culturaux ont été mal interprétés et les résultats mitigés. Elle participe enfin à l’installation, en cours à l’heure actuelle, d’un système autonome de production d’électricité et d’eau chaude par éolienne et panneau solaire à Bogd Gobi.
L’éloignement géographique et la langue sont les deux handicaps majeurs de cette coopération. Le recrutement des volontaires se raréfie en raison du coût des voyages et du manque de disponibilité des professionnels de santé. Les équipes communiquent en langue française grâce à des interprètes consciencieux, formés à l’Alliance Française d’Ulaan-Baator, mais aux exigences tarifaires surprenantes. Les difficultés de communication à distance avec nos partenaires génèrent de nombreux et coûteux dysfonctionnements logistiques. L’association pâtit fortement de l’absence de relais mongols en Auvergne.
Huit années de solidarité et d’échanges intenses, parfois sans complaisance, entre les professionnels de santé français et mongols, modifient et améliorent de façon très significative les pratiques médicales des hôpitaux et structures de soins de l’Uvurkhangaï. Le CHR d’Arvairkheer s’est métamorphosé en dix ans. Il est devenu l’hôpital de province le mieux équipé et le plus performant qui fait référence dans les disciplines de la mère et de l’enfant. La grande curiosité intellectuelle et le sérieux des partenaires mongols sont le garant de la pérennité de cette coopération.
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