Les ressources hydrauliques de la Mongolie et le changement climatique*
Par le Dr. Sarantuyaa Zandaryaa, Spécialiste du programme pour la gestion des eaux urbaines et la qualité de l’eau au sein du Programme hydrologique international (PHI), à la Division des sciences de l’eau de l’UNESCO
Dans ce 21ème siècle caractérisé par une urbanisation accélérée, un processus d’industrialisation et un développement technologique affectant l’environnement et les ressources naturelles, la Mongolie est un pays où la modernité coexiste avec une riche tradition de cohabitation harmonieuse avec la nature, dans le cadre d‘un vaste territoire constitué d’écosystèmes et d’espèces sauvages encore intacts. Sa richesse en ressources naturelles et environnementales – dont la plupart sont des ressources non-renouvelables ou minérales comme l’or, le cuivre, l’argent, le charbon, le fer ou l’uranium – lui offrent un grand potentiel de développement économique. Toutefois, l’exploitation durable de ces ressources représente un grand défi et requiert des efforts pour en maximiser les bénéfices tout en minimisant son impact sur l’environnement.
La situation encore intacte de l’environnement en Mongolie résulte en grande partie de sa faible densité de population et du fait que ses ressources naturelles sont encore largement inexploitées. Néanmoins, la croissance rapide de l’économie mongole au cours de ces dernières années, accompagnée par l’expansion de l’industrie minière, commence à faire sentir sa pression sur l’environnement. En outre, les écosystèmes sont par nature fragiles et extrêmement vulnérables à tous types de perturbations provoquées tant par l’activité humaine que par les effets du changement et des variations climatiques. Au cours de ces dernières années, les problèmes environnementaux comme la dégradation des ressources terrestres et hydrauliques, la désertification, la déforestation et la pollution urbaine se sont affirmées comme un sujet de préoccupation majeur. Les ressources hydrauliques de la Mongolie se révèlent notamment confrontées à un phénomène de dégradation en termes de quantité et
de qualité, lié aux différentes activités humaines.
Les ressources mongoles en eau douce sont constituées de 3 600 rivières et cours d’eau, 3 500 lacs, 260 glaciers et d’importantes nappes souterraines. Les rivières et lacs forment différents écosystèmes d’une envergure et d’une beauté uniques, et autant d’habitats pour des espèces aquatiques endémiques et de haute valeur ainsi que pour de nombreuses espèces d’oiseaux migrateurs. Le Bassin d’Ubs Nuur qui entoure un vaste lac salé d’une surface de près de 3 350 km2 – a ainsi été inscrit sur la liste du Patrimoine mondial de l’UNESCO pour sa valeur écologique intrinsèque. De plus, par les biens et les services écologiques qu’ils génèrent, les écosystèmes d’eau douce de Mongolie et le mode de vie traditionnel des gens qui les habitent, constituent un potentiel prometteur pour le renforcement de l’économie locale au travers du développement d’un tourisme écologique et communautaire. Par exemple, Khuvsgul Nuur (nuur signifie lac en mongol) est un lac d’eau claire et entouré de forêts d’épineux, le deuxième lac le plus grand d’Asie en terme de volume, représentant l’une des attractions les plus populaires visitées par les touristes étrangers et locaux.
Quelques régions de Mongolie ne disposent toutefois pas d’eau potable en abondance et l’utilisation des ressources d’eau pour l’agriculture et l’élevage est inégalement répartie à travers le pays. La plupart des grandes rivières et des lacs se trouvent dans les régions septentrionales et occidentales, tandis que le sud du pays doit faire face à des problèmes liés à la sécheresse et à un degré élevé de salinité. Dans la plupart des régions, la disponibilité de l’eau est saisonnière et dépend beaucoup des conditions climatiques. Bien que les eaux de surface constituent près de 70% de toutes les ressources d’eau douce de Mongolie, les eaux souterraines pourvoient jusqu’à hauteur de 80% des besoins d’eau du pays. L’eau potable représente un problème majeur dans la plupart des zones rurales où près de 35% de la population en est encore privée d’accès. Les nomades mongols, qui comptent pour près d’un cinquième de la population, migrent à chaque saison en quête d’eau et de meilleurs pâturages. Par tradition, les Mongols savent s’adapter aux changements des conditions naturelles et cette capacité d’adaptation a toujours fait partie de leur mode de vie. Néanmoins, l’impact du changement climatique, certes ressenti plus directement dans d’autres parties du monde, fait de cette adaptation un véritable défi.
Les ressources en eau de la Mongolie sont d’ores et déjà sous pression. L’expansion des activités économiques ces dernières années a engendré la pollution des eaux de surfaces et souterraines par des substances hautement toxiques utilisés, dans les nombreuses mines d’or ouvertes à travers le pays. La pollution de l’eau par des substances toxiques constituent de réelles menaces pour la santé de l’homme et l’environnement. Par ailleurs, le changement climatique accentue les problèmes hydrauliques de la Mongolie. L’évolution de paramètres climatiques comme la température et les précipitations a provoqué de fréquentes sécheresses et l’assèchement de nombreuses rivières et cours d’eau. Les glaciers et les manteaux neigeux diminuent. Le permafrost est en train de fondre. En conséquence, si des initiatives appropriées pour protéger l’environnement et atténuer les impacts de l’activité humaine ne sont adoptées en temps voulu, la détérioration des ressources en eau deviendra un obstacle majeur au développement du pays et à sa prospérité. La Mongolie a la responsabilité pour nos générations futures de préserver sa magnifique terre et son eau, avant que des changements irréversibles ne se produisent.
*Les vues qui sont exposées dans cet article sont le produit d’une analyse personnelle et ne reflètent pas nécessairement les vues de l’UNESCO.