L’armée polonaise accélère sa mue face aux nouvelles menaces sur la sécurité
Par M. Bogdan Klich, Ministre de la Défense de la République de Pologne
Le contexte actuel de la sécurité internationale se caractérise par un très large spectre de menaces et de défis. La probabilité d’une attaque ou d’un conflit à grande échelle est de plus en plus faible alors que le risque de conflits locaux ou d'actions asymétriques augmente. De nouvelles menaces globales apparaissent telles que les famines, les épidémies, la croissance des migrations incontrôlées (dont les causes sont diverses), la criminalité organisée, le terrorisme. Il convient également de noter la raréfaction des ressources énergétiques et le phénomène nouveau que constitue le chantage énergétique dans la politique internationale. Les différences entre la sécurité intérieure et la sécurité extérieure s’estompent de façon significative, ce qui a pour conséquence d’augmenter et d’élargir l’éventail des missions des forces armées de la République de Pologne et rend nécessaire de les doter de nouvelles capacités.
L’OTAN et l’Union européenne demeurent les piliers de notre sécurité. Dans les années 1990, l’adhésion à ces structures constituait les objectifs stratégiques de la politique étrangère et de sécurité polonaise. Maintenant que ce but est atteint, nous nous attachons à les renforcer.
L’OTAN revêt pour nous une signification toute particulière. L’Alliance atlantique représente la garantie de notre sécurité grâce à son action dans le domaine de la sécurité collective. Elle assure également la stabilité dans des régions importantes pour la communauté euro-atlantique.
Elle s’engage désormais dans un important processus d’adaptation aux nouvelles menaces liées au terrorisme ou à la sécurité énergétique. L’Alliance demeure un réel forum de dialogue et de consultations dans les relations transatlantiques. Soucieux de préserver sa réactivité et son efficacité dans tous ces domaines, nous soutenons activement la transformation de l’OTAN et nous participons à des opérations exigeantes, comme en Afghanistan.
Nous sommes conscients que l’UE est appelée à jouer un rôle plus important dans le domaine de la sécurité. L’Union dispose d'ores et déjà d'un large éventail d'outils lui permettant de mener des opérations complexes dans les situations de crises. Considérant qu’une Union européenne forte renforce aussi notre sécurité, nous participons activement au développement de la PESD. Nous mettons sur pied quelques GT (Groupements tactiques) et nous cofinançons des projets clés de l’Agence européenne de défense. Nous prenons également part aux opérations de l’UE, même dans les régions éloignées du monde (Congo, Tchad).
Pour la Pologne, membre de ces deux organisations, il est important que les activités de l’OTAN et de l’UE se complètent et ne conduisent pas à un dédoublement inutile. En conséquence, nous militons pour l’établissement de relations les plus étroites possibles entre les deux organisations et pour le développement de la coopération aussi bien au niveau politique que pratique.
La Pologne a entrepris un effort afin de permettre à ses forces armées de réagir face à tous types de menaces, directement liées à la sécurité de l’Etat et de ses citoyens ainsi qu’à une menace extérieure. Le processus, de longue haleine, est stimulé par les nouvelles nécessités nées de notre appartenance à l’OTAN et à l’Union européenne, ainsi que par les expériences acquises lors de la participation de soldats polonais à différentes opérations de rétablissement et de maintien de la paix. Ces changements conduisent à passer d’un modèle jusqu’à présent statique de forces lourdement armées à des forces opérationnelles plus mobiles, intégrées, cohérentes, interopérables, prêtes, en tout lieu et tout temps, à mener des actions dans des milieux et des conflits divers.
L'élément moteur de la restructuration des forces armées a sans nul doute été la participation aux opérations extérieures. Traditionnellement, la Pologne a toujours été active dans ce domaine. Actuellement, les forces armées polonaises prennent part à huit opérations différentes : deux sous les auspices de l’ONU (UNDOF et UNIFIL), trois missions de l’OTAN (ISAF en Afghanistan, KFOR au Kosovo et NATO Training Mission – NTM-I – en Irak), deux opérations de l’UE (ALTEA en Bosnie-Herzégovine et l’opération qui débute au Tchad) ainsi qu’à l’opération « Iraqi Freedom » dans le cadre des forces de coalition. Au total, 3 600 soldats polonais sont actuellement engagés dans des opérations extérieures.
Le processus de restructuration des forces armées, en cours depuis plusieurs années, est entré récemment dans une phase plus active. La réorganisation est devenue prioritaire afin d’améliorer le fonctionnement des forces et de leur permettre de réagir aux nouvelles menaces. Les plus grands changements en cours concernent l’organisation des échelons de commandement.
Dernièrement ont été créés : le commandement opérationnel (responsable de toutes les opérations, remplissant de facto les fonctions de commandement et de conduite de tous les contingents en opérations extérieures), le commandement du soutien des forces armées (il assure le soutien logistique de toutes les forces armées sur le territoire national comme dans les opérations extérieures) et le commandement du service de santé. Les forces spéciales se sont également vues conférer le statut d’armée à part entière.
Il convient de souligner le mérite de l’actuel gouvernement qui a entrepris un énorme effort afin d’accélérer le processus de professionnalisation des forces armées de la République de Pologne ; c'est un élément clé de la restructuration. Afin de faire face aux futurs défis, il ne sera plus possible pour les forces armées de s’appuyer sur une formation de conscrits pour une courte durée (neuf mois). Les outils de combat modernes, de plus en plus complexes et automatisés, exigent des cadres disponibles et professionnels. Le gouvernement polonais a donc pris la décision d’accélérer le processus pour atteindre 100% de militaires professionnels en 2010. Il s'agit d'une mission ambitieuse, difficile, mais nécessaire et réalisable.
Les changements organisationnels et structurels sont conduits parallèlement à la modernisation de l’équipement et de l’armement des forces armées. Les principaux plans de modernisation prévoient :
– dans l’armée de terre, l’acquisition de nouveaux transporteurs à roues Rosomak, de missiles anti-char Spike, de missiles sol-air Grom, de matériels de commandement et de transmissions, la modernisation et l’acquisition de nouveaux hélicoptères de combat ;
– dans l’armée de l’air, la poursuite de l’acquisition d’avions multi-rôle F-16, de cinq avions Hercules C-130 et de deux avions multirôle (Multi Role Transport-Tankers). Il est également important pour nous d’acquérir une capacité de transport stratégique. La Pologne participe aux programmes internationaux, comme le Strategic Airlift Interim Solution (SALIS), ou l'Airlift Capability (SAC). La participation au programme européen A 400 M est également étudiée.
– dans la marine nationale, le programme de corvette multirôle Gawron, l’équipement des bâtiments de type Orkan avec des systèmes de missiles modernes, le programme portant sur un nouveau bâtiment de guerre des mines, ainsi que sur des systèmes de missiles de défense côtière.
Les plans de modernisation sont vastes et orientés afin de disposer de matériels modernes répondant aux défis actuels. Ils incluent également l’acquisition de drones (UAVs) et de drones de combat (UCAVs), la modernisation des matériels de transmissions, l’acquisition de systèmes de transmissions par satellite et l’amélioration de l’équipement individuel du combattant.
La Pologne s’engage activement dans la coopération avec de nombreux pays. Nous nous efforçons de maintenir de larges contacts et d’échanger nos expériences, plus particulièrement avec nos partenaires et alliés de l’OTAN et de l’UE. Traditionnellement, du point de vue historique de nos relations, la France est l’un de nos plus importants partenaires.
La coopération militaire entre nos pays repose sur l’Accord, signé le 4 avril 2002, entre le gouvernement de la République de Pologne et le gouvernement de la République française relatif à la coopération dans le domaine de la défense, ainsi que sur des arrangements complémentaires (actuellement 16).
Nous entretenons des contacts réguliers entre différents ministères. Ils permettent de définir les orientations et les perspectives de la coopération bilatérale dans le domaine militaire et de l’armement. Ils donnent également lieu à des discussions sur le thème des initiatives sur le forum européen et à des échanges d’expériences dans le domaine des actions communes au sein de l’OTAN et de l’UE. Une coopération directe, menée sous des formes variées, constitue également un volet essentiel de cette relation.
La coopération la plus large est réalisée par les forces terrestres. La mise à profit des expériences communes se révèle très précieuse pour préparer les missions de combat conformément aux procédures de l’OTAN, mais aussi les exercices de l’OTAN et du Partenariat pour la Paix (PpP). Dans le cadre de la coopération entre forces aériennes, des actions ont été menées dans le domaine de l’interopérabilité avec l’OTAN, ou des systèmes de commandement et de défense aérienne. Les contacts entre les marines nationales comprennent des visites réciproques des chefs d’états-majors, des rencontres de haut niveau et de niveau intermédiaire, des campagnes d'application d'été ou d'hiver, des stages embarqués sur les bâtiments de guerre pour les officiers, des exercices communs et des formations ainsi qu'une coopération entre l’Ecole navale française et l’Académie navale polonaise.
Depuis de nombreuses années, la Pologne coopère avec la France dans les domaines de la formation des cadres, de l'instruction militaire et de la politique des ressources humaines.
Jusqu’en 2004, avec un efficace soutien financier de la partie française, près de 200 militaires de carrière polonais ont participé à des formations en France (cursus au Collège interarmées de défense – CID – à Paris, cours spécialisés pour des militaires des troupes mécanisées, stages linguistiques pour les lecteurs de français). Depuis 1992, la partie polonaise accueille des officiers français en formation à l’Académie de défense nationale (jusqu’à présent sept officiers ont été formés). Depuis 2006, les officiers polonais ont la possibilité d’être formés sur la base aérienne de Taverny ainsi qu’à l’Ecole nationale de l’aviation civile (ENAC) à Toulouse.
La coopération dans le domaine de l’armement est traitée à l’occasion du comité d'armement franco-polonais qui se tient chaque année. Quatorze comités se sont réunis à ce jour. La Pologne et la France participent activement aux travaux de l’Agence européenne de défense (AED). La Pologne s’est engagée dans le premier programme d’étude réalisé dans le cadre de l’AED visant à élaborer en commun de nouvelles technologies pour l’armée. Elle est l’un des principaux contributeurs après l’Allemagne et la France.
La coopération directe entre les forces de gendarmerie, lors de la mission de stabilisation au Congo en 2006 et la préparation en cours de la mission commune sous l’égide de l’UE au Tchad, mérite toute attention. La Pologne a soutenu depuis le début l’initiative française et a annoncé l’engagement au Tchad d’un contingent de 400 personnes composé d’un élément de commandement, de deux compagnies de manœuvre, d’une compagnie du génie, de deux hélicoptères et d’éléments de soutien. Ces actions communes constituent un exemple remarquable pour le développement de la coopération dans d’autres domaines. La création d’un Groupement tactique de l’UE par les pays du Triangle de Weimar à l’horizon 2013 constituera sous peu un nouveau volet de cette coopération.
L’analyse des actions réalisées jusqu’à présent indique que dans un proche avenir le développement de la coopération franco-polonaise peut être orienté vers : la promotion d’une coopération militaire directe (par exemple des exercices conjoints), le développement de la coopération dans le cadre des conventions de partenariat, la poursuite des contacts scientifiques et didactiques entre les écoles militaires, l’acquisition de nouvelles technologies militaires. Nous espérons que ces domaines vont continuer à se développer.