Lundi 22 Avril 2019  
 

N°124 - Quatrième trimestre 2018

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Quels nouveaux défis pour le Conseil de l’Europe à la veille de son 60ème anniversaire ?

Par S.E.M. Piotr Antoni Switalski, Ambassadeur, Représentant permanent de la Pologne auprès du Conseil de l’Europe

Le Conseil de l’Europe a été créé en 1949, au lendemain des expériences tragiques qu’a vécues notre continent au cours des deux guerres mondiales. Il faut appréhender sa création dans une tentative plus large pour prendre des distances avec la philosophie des relations internationales prévalant en Europe depuis la Paix de Westphalie en 1648 et qui a fait émerger les rivalités entre égoïsmes nationaux, faisant de l’équilibre des forces le socle instable de la stabilité et la paix.
Depuis près de 60 ans, le Conseil de l’Europe s’efforce de bâtir un nouveau modèle des relations internationales reposant avant tout sur des valeurs communes et non sur l’équilibre des forces. C’est d’ailleurs dans cet esprit que les objectifs et les méthodes de l’Organisation ont été formulés dans ses statuts.
Il convient d’admettre que les années 1990 constituent la période la plus fructueuse dans l’histoire du Conseil de l’Europe. Celui-ci a, en effet, apporté une contribution incontestable pour estomper les divisions qui marquaient l’Europe avant 1989 et pour favoriser l’intégration des Etats et des sociétés situés au-delà du rideau de fer, avec cette partie du continent qui avait pris une remarquable avance en terme de prospérité, grâce à son histoire et en s’appuyant sur les valeurs des droits de l’homme et de la démocratie.
Quasiment tous les pays d’Europe centrale et orientale font désormais partie du Conseil de l’Europe et respectent ses normes. Toutefois de nouveaux défis se dressent face à l’Organisation : elle doit maintenant contribuer à ouvrir plus largement l’Europe sur le monde et encourager d’autres continents à se servir de son acquis unique et de ses expériences.
La spécificité de la valeur ajoutée caractérisant le Conseil de l’Europe découle de deux facteurs. D’une part, les principes qui définissent les trois piliers de l’Organisation : les droits de l’homme, la démocratie et la prééminence du droit. En effet, à travers ces principes, le Conseil de l’Europe s’émancipe de toute dimension temporelle, lui permettant de se consacrer à l’élaboration d’un nouveau modèle d’intégration – car jusque-là, le monde s’intégrait plutôt autour d’institutions et non de valeurs.
D’autre part, le Conseil de l’Europe constitue, par nature, une organisation intergouvernementale, mais dont l’essentiel des activités concernent la vie des citoyens ordinaires, la défense de leurs droits et de leurs libertés. En ce sens, la Cour européenne des Droits de l'Homme (CEDH) représente son organe le plus important, tandis ses dotés d’attribution significative donnant à chaque individu la capacité de porter plainte contre un Etat.
La consolidation de ces trois valeurs fondamentales ainsi que l’amélioration des travaux de la Cour des Droits de l'Homme occupent d’ailleurs une place primordiale au sein de la Déclaration et du Plan d’action approuvés lors du 3ème Sommet des Chefs d’Etats et de Gouvernements des Etats membres du Conseil de l’Europe, qui s’est tenu à Varsovie, les 16 et 17 mai 2005.
Pour la Représentation permanente de Pologne, au sein de laquelle j’assume la fonction d’Ambassadeur, le Conseil de l’Europe devrait concentrer ses activités principalement dans deux directions. Premièrement, il est nécessaire que le Conseil de l’Europe agisse pour la démocratie et les droits de l’homme là où il est constaté un déficit de ces valeurs. C’est dans cette perspective, que nous pensons notamment au Bélarus, dernier pays européen dirigé par un régime autoritaire et ne faisant pas partie du Conseil de l’Europe. La Pologne est d’ailleurs à l’origine de nombreuses initiatives visant à renforcer les travaux du Conseil en faveur de la démocratie et des droits de l’homme dans ce pays.
Deuxièmement, le Conseil de l’Europe devrait aider les Etats qui en sont membres à corriger leurs erreurs et leurs insuffisances, en s’inspirant de ce proverbe bien connu selon lequel « personne n’est parfait ». De ce point de vue, le rôle du Commissaire aux Droits de l’Homme du Conseil de l’Europe se révèle primordial. Nous apprécions d’ailleurs l’approche adoptée par le Commissaire actuel, M. Thomas Hammarberg, qui met l’accent, non sur la critique des Etats membres, mais sur un dialogue constructif en vue de trouver des solutions aux problèmes existants. En outre, l’accord partiel du Conseil de l’Europe créant la Commission de Venise joue un rôle essentiel dans la création de normes dans la domaine de la loi constitutionnelle.
Notre Représentation permanente estime que l’avenir du Conseil de l’Europe sera déterminé par la place qu’il est appelé à occuper au sein de l’architecture européenne, et surtout par la nature de ses relations avec l’Union européenne (UE). L’Union ne représente, en effet, ni un concurrent ni une menace. Au contraire, tous deux doivent coopérer, notamment dans les domaines où le Conseil possède déjà une considérable expérience, comme l’élaboration et le suivi de la mise en œuvre des normes concernant les droits de l’homme, la démocratie et la prééminence du droit.
La possible adhésion de l’UE à la Convention européenne des Droits de l’Homme (après l’entrée en vigueur du Traité de Lisbonne), ainsi que l’arrangement des relations entre la CEDH et la Cour de justice des Communautés européennes, représentent ainsi des dossiers particulièrement cruciaux pour l’évolution future du Conseil de l’Europe.
Enfin, de notre point de vue, pour affronter les défis de l’avenir, il est nécessaire de rationaliser les travaux du Conseil de l’Europe et de réformer son fonctionnement. La Pologne soutient activement toutes les réformes, par exemple au travers de notre proposition pour optimiser son budget de fonctionnement. Nous sommes persuadés qu’un changement est nécessaire pour que le Conseil de l’Europe puisse tenir une place digne dans l’Europe de XXIème siècle.
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