La crise politique qui a paralysé Madagascar durant le premier semestre 2002 a touché tous les secteurs d’activité économique : zones franches, BTP, commerce, transports, énergie, tourisme… avec des taux d'activité très bas, de 5 à 10 % du volume normal dans certaines branches comme la confection ou le tourisme. 150 000 emplois formels ont été supprimés. Le rythme de l'inflation s'est emballé à 26 %. L'Etat malgache, d'autre part, avait d'importants arriérés, dont 400 milliards de FMG (Franc Malgache) au titre des arriérés intérieurs. On estimait que le PIB chuterait de 13% en 2002. C'est avec ce legs difficile qu’a démarré le nouveau gouvernement de M. Jacques Sylla dont la tâche prioritaire était de rétablir la confiance.
Aussi dès que la situation politique se fut clarifiée, s'est tenue à Paris, le 26 juillet 2002, la réunion des Amis de Madagascar, organisée conjointement par la Banque mondiale, le PNUD et le FMI, à laquelle furent associés tous les partenaires de Madagascar (membres du G8, de l'UE, Maurice, Afrique du sud, Banque africaine de développement et Banque européenne d'investissements). Elle a appuyé le lancement d’un vaste plan de reconstruction du pays. D'ores et déjà, le gouvernement est assuré de l'aide des organismes internationaux, qui ont débloqué promptement quelque 2,3 milliards de dollars auxquels s'ajoutent 70 millions d'euros dégagés par la Commission européenne. Une mission du FMI s'était auparavant rendue dans le pays du 8 au 16 juillet 2003 afin de clarifier la situation des finances publiques et donner aux bailleurs de fonds des éléments d'appréciation des besoins de financement de Madagascar. Avec des recettes fiscales en forte chute, (10% du PIB), des dépenses incompressibles, la nécessité d'accompagner la relance des entreprises en étalant leurs charges fiscales et d'apporter un soutien au secteur social, les finances publiques étaient fortement déséquilibrées (le déficit a été estimé à 160 millions d' euros). Après avoir paré aux urgences le Premier ministre, après les élections législatives, a pu présenter un programme mobilisateur devant la nouvelle Assemblée nationale, le 24 janvier 2003.
Il s'agit d'abord de dynamiser le secteur privé en donnant un rôle déterminant aux investisseurs étrangers et en favorisant une porte d'accès au marché mondial. Une batterie d'instruments d'aide est disponible à cet effet. Outre les institutions financières françaises (PROPARCO Société de Promotion et de Participation pour la coopération économique, filiale de l'AFD) qui apporte des fonds propres sous forme de prêts à moyen ou à long terme ou de compte courants d’actifs, et d'obligations convertibles, les investisseurs peuvent faire appel aux institutions européennes (Banque européenne d'investissement, Centre pour le développement de l'entreprise financé par le Fonds européen de développement – (FED), régionales (Banque africaine de développement) ou internationales (Société financière internationale sous l'intermédiaire de son fonds pour l'entreprise). En outre trois institutions financières malgaches, l'Union commercial Bank, la Banky Fampandrosoana ny Varotra – Société Générale, et la BNI-CL sur Fonds propres Bankin 'i Indostria-Crédit Lyonnais favorisent la création, l'extension et le développement des entreprises. La politique économique malgache s'appuie par ailleurs sur la bonne gouvernance, le développement des ressources humaines et un programme d'investissements visant à renforcer la diversité et l'efficacité de l'économie. La bonne gouvernance passe avant tout par la lutte contre la corruption programme auquel le Président Ravalomanana est fort attaché. Dans cette optique, le gouvernement s'efforce d'améliorer le fonctionnement de l'administration, dont une refonte a été entreprise, afin qu'elle devienne plus transparente pour les opérateurs privés. Un plan national sur la décentralisation est actuellement en cours. En favorisant la déconcentration, le gouvernement vise à rapprocher les centres de décisions des concitoyens. Une loi sur la concurrence a été votée récemment. Le gouvernement a consacré 400 millions d'euros à différents secteurs stratégiques de l'économie : aménagement du territoire, transports (réhabilitation du réseau routier)… De manière générale, pour tirer la croissance du pays, il entend s'appuyer sur cinq secteurs prioritaires.
Les industries manufacturières
Dans ce secteur, les 206 entreprises franches représentaient fin 2001 le tiers du secteur secondaire en termes d’emplois avec 120 000 personnes et 90% des exportations industrielles du pays. Elles appartiennent pour 56% au secteur textile /habillement. Seul un rééquilibrage de la valeur ajoutée de la filière textile avec la création de conditions propices au développement de capacités additionnelles sur l'ensemble de la filière, et en particulier sur l'amont, permettra de profiter des opportunités offertes par le marché mondial. Les responsables examinent plusieurs options pour une relance effective des industries manufacturières : réforme des procédures douanières, accélération du délai d'octroi des agréments et des visas de séjour, révision du coût de l'énergie industrielle, suspension définitive de la TVA et défiscalisation. A la fin 2002 la plupart des industriels du pays avaient relancé leurs activités (40 000 emplois réactivés). Certains investisseurs ont été remplaçés par d’autres, en particulier d’origine asiatique (Sri Lanka).
Le tourisme
Madagascar accueille de plus en plus de touristes. Malgré la crise de 2002, les trois principaux transporteurs aériens longs-courriers ont prévu un nombre de sièges au départ de Paris au moins égal à celui de 2001. Une réorganisation des transports aériens intérieurs est en cours de préparation pour faire face à ces arrivées et l'année 2003 devrait susciter l'émergence de nouveaux projets hôteliers.
La pêche et l'aquaculture
Avec 5 000 km de côtes, Madagascar offre une grande richesse en produits halieutiques (cf. crevettes…) dont l’exploitation a permis à la pêche de se placer en deuxième rang en matière de recettes d'exportations, après le textile. Les exportations de produits halieutiques avaient progressé de 37% en 2001, la filière aquacole continue son essor. Pour 2002, la production avec 7100 tonnes a dépassé le niveau de 2001 (6500 tonnes). Le gouvernement s'est fixé trois objectifs : augmentation des recettes, participation à la satisfaction aux besoins alimentaires de la population et contribution à la lutte contre la pauvreté.
Les mines
En 2002, une loi a été votée favorisant les investissements en vue d'une valorisation du secteur minier, qui n'entre encore que pour une part insignifiante dans le PIB, du fait qu'il est surtout organisé de façon informelle. Sa structuration fait donc partie des objectifs conjoints des nouvelles autorités et des bailleurs de fonds.
L'agriculture
Le secteur agricole qui représentait en 2000 34% du PIB, 80% de la population et 20% des exportations avait repris sa croissance en 2001, après les dégâts cycloniques du début de l'année 2000. En 2002, la production de vanille et de café s'est accrue, mais le premier obstacle au développement des régions agricoles reste l'isolement.
La relance des activités des secteurs secondaire et tertiaire devrait permettre d'atteindre un taux de croissance de l'ordre de 9% en 2003. Le secteur du BTP et celui des transports devraient connaître une croissance soutenue. Pour le secteur primaire, une réduction des taxes pour les intrants est envisagée. Afin de préserver la compétitivité du pays, le gouvernement maintiendra sa politique de taux de change flexibles. Pour mettre en oeuvre son programme de relance économique, il s'appuiera largement sur la fiscalité. Diverses mesures sont prévues : allégement fiscal ; élargissement de l'assiette fiscale ; renforcement des capacités de l'administration fiscale ; allégement des taxes pour les entreprises et les coopératives ; exonération des indemnités de départ à la retraite des salariés. Le programme d'investissements publics 2003 favorisera la reconstruction à court terme et des actions de consolidation à moyen terme. Les bailleurs de fonds bilatéraux et multilatéraux y contribueront largement. En effet, il sera financé pour : 38% sur les ressources propres de l'Etat ; 62% par des ressources extérieures. L'objectif de la politique monétaire en 2003 vise essentiellement à limiter l'inflation qui ne devrait pas excéder 9%, les taux directeurs étant passés de 9 à 7%. Le redressement économique en cours devrait permettre à l’économie malgache d’atteindre et de dépasser les taux obtenus dans le passé (4,7% en 1999, 4,8% en 2000, 5,9% en 2001) et d’accélérer son intégration dans le commerce mondial. Déjà les exportations malgaches avaient progressé de 109% de 1991 à 1999 et leur potentiel de hausse est réel.
La France, premier partenaire commercial de Madagascar avec une part de marché de près de 40 %, accompagne pleinement le renouveau économique du pays. Avec 279 millions d'euros, en 2001 les exportations françaises sont des plus diversifiées. Madagascar, est le 9ème client de la France en Afrique et son 7ème fournisseur ; hors hydrocarbures il devient son 4ème derrière l’Afrique du Sud, la Côte d’Ivoire, et Maurice. Ces échanges sont en progression continue depuis une dizaine d'années. Par ailleurs, Madagascar abrite la plus importante communauté française en Afrique après le Maroc avec 25 000 personnes. Avec 65% du stock d'IDE total estimé à 320 millions d’euros, la France dispose de plus de 500 entreprises qui emploient près de 100 000 salariés. Une trentaine de grands groupes français sont présents dans l’industrie, le BTP : LAFARGE, AIR LIQUIDE, COLAS, SOGEA, SNTP ; les banques : BNP- PARIBAS, CREDIT LYONNAIS, SOCIETE GENERALE ; l’énergie : TOTAL ; les télécommunications : ALCATEL, France TELECOM, CANAL SATELLITE ; les transports : AIR FANCE, CGM ; la santé : INSTITUT PASTEUR, FABRE, MERIEUX, laboratoire FOURNIER, AGS. ; l’ingénierie : BCEOM, SOGREAH, SOCOTEC, la grande distribution CHAMPION, Groupe BOURBON.
Le volume de l'aide française qui s'établit en effet à quelque 122 millions d'euros par an s'articule autour de trois principaux axes : développement humain et social ; développement économique ; modernisation et adaptation du cadre institutionnel. De nombreux programmes élaborés en collaboration avec les entreprises ainsi que l'introduction de nouvelles technologies dans les écoles ont permis la création d'un véritable vivier d'une main-d’œuvre qualifiée (programme Pégase). Les secteurs de l'agroalimentaire et de la pêche font également l'objet de plusieurs programmes d'envergure. L'Agence Française pour le Développement (AFD) apporte ainsi son appui, au travers de Proparco, au secteur aquacole ou à l'industrie du textile. La France est pleinement décidée à accompagner le nouveau gouvernement dans ses efforts de développement comme elle a eu l’occasion de l’affirmer lors du voyage officiel du président Ravalomanana à Paris le 30 avril 2003. Pierre Beaumont
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