Lundi 22 Avril 2019  
 

N°124 - Quatrième trimestre 2018

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     Andorre
 

Les vallées andorranes : retour sur les sources de la prospérité d’un cas unique en Europe

En mars prochain, la principauté d’Andorre fêtera le 11ème anniversaire de sa première constitution écrite. Etat jeune en apparence, il a pourtant su préserver son indépendance tout au long des siècles. Sise au cœur des contreforts pyrénéens, l’Andorre est le fruit d’un parcours historique unique en Europe, qui lui a permis de s’affranchir des contraintes de son enclavement.
Seigneurie ecclésiastique rattachée au pouvoir des évêques d’Urgell en 1133, l’Andorre fit l’objet d’une longue lutte opposant ces derniers au Comte de Foix, avant que les paréages de 1278 et 1288 y mettent fin, stipulant leur tutelle indivise sur ce territoire s’étirant des deux côtés de la frontière franco-espagnole et instituant la coprincipauté. En 1419, les Andorrans obtinrent des Co-princes le droit de gérer eux-mêmes les problèmes de leur communauté, faisant naître la première assemblée parlementaire du pays, le « Consell de la Terra » (Conseil de la Terre), ancêtre de l’actuel Conseil général. Après qu’il échut à la Maison de Bourbon en 1548, le comté de Foix fut réuni au domaine du Royaume de France en 1607 par le dernier comte de Foix, le roi Henri IV. Cette suzeraineté perdura jusqu’à la Révolution française laissant aux Andorrans une certaine indépendance confortée par l’octroi de privilèges juridiques et mercantiles de la part des coprinces et de la Couronne d’Espagne. Considérant le tribut annuel des Andorrans, la qüestia, comme une survivance de la féodalité, les révolutionnaires français suspendirent les relations entre la France et les vallées avant que Napoléon Ier ne les rétablisse par décret en 1806. La ratification de la Nova Reforma par les Coprinces en 1866 renforça un peu plus l’indépendance du territoire et les attributions du Conseil de la Terre, inaugurant pour l’Andorre le début d’une nouvelle ère.
Pays isolé et peu pourvu en infrastructures, la Coprincipauté s’ouvrit à la modernité au début du XXème siècle avec l’établissement de voies de communication avec l’Espagne et la France, l’électrification du pays et la mise en place d'un service postal (espagnol et français). Surtout, les Andorrans se dotèrent en 1933 du suffrage universel (accordé aux femmes en 1971) et en 1981, d'un nouvel organe exécutif, le « Conseil exécutif » qui fait office de gouvernement. L'ancien organe législatif, le Conseil de la Terre, fut alors remplacé par le « Conseil général ». Cette ouverture progressive à la démocratie aboutit en 1993 au vote de la Constitution qui mit fin à la situation féodale qui prévalait jusque-là et qui fait aujourd’hui d’Andorre un Etat souverain. L’accession à l’Organisation des Nations unies et la conclusion, le 1er  juin suivant, d’un traité de « bon voisinage, d’amitié et de coopération » avec la France et l’Espagne ont consacré la quête andorrane de la souveraineté.
Andorre a parallèlement su s’affranchir des contraintes de son enclavement avec le boom touristique des années 60 qui entraîna une profonde modification de son économie et de la structure même de sa population. Alors que la communauté andorrane survivait au moyen d’une agriculture modeste et de l’élevage, trois décennies suffirent à en faire un marché touristique moderne. Le secteur tertiaire emploie maintenant près de 80% de sa population active. Avec 10 millions de personnes qui traversent en moyenne chaque année ce pays, le tourisme, surtout d’hiver, et toutes les activités commerciales liées à ce secteur, constituent en effet le fer de lance de son économie. Depuis la création, en 1934, de la première station de ski, quatre autres ont été ouvertes, faisant de la vallée la plus grande superficie skiable des Pyrénées avec 177 pistes. Les infrastructures hôtelières ont suivi la tendance à l’exploitation de la manne touristique : en 2002, on comptait ainsi 703 hôtels et compagnies de restauration. Autre conséquence de sa transformation économique, la croissance exceptionnelle de sa population qui est passée de 5 000 habitants en 1940 à 35 000 en 1980 et à plus de 67 000 en 2003, non sans poser des difficultés d’aménagement urbain. En outre, avec la demande croissante de main-d’œuvre et les vagues successives d’immigration, la population andorrane ne représente plus de nos jours qu’un tiers des habitants.
La prospérité andorrane s’est également consolidée grâce à une forte activité financière et à un cadre fiscal favorable à l’activité économique (alors que les cotisations sociales pèsent en moyenne sur l’employeur pour 26% dans le reste des pays européens, elles ne s’élève qu’à 13% en Andorre) et à la consommation de produits de luxe (importante zone de duty free).
Etroitement liée à la croissance de la France et surtout de l’Espagne du fait de sa configuration géographique, Andorre a bénéficié des effets positifs de la construction européenne sans toutefois être rattachée ni économiquement ni politiquement à l’Union européenne. Alors que le pays ne disposait pas de monnaie propre, il a adopté l’Euro comme monnaie nationale comme conséquence du passage du Franc et de la Peseta à la monnaie unique. Les relations économiques franco-andorranes sont quant à elles liées au désenclavement routier d’Andorre sur son flanc français. C’est dans ce cadre que les deux pays ont signé en 2000 un traité sur la rectification de leurs frontières, par lequel les deux pays ont convenu de s’échanger une parcelle de territoire de 1,5ha chacune et permettant à la Principauté de construire, sur la parcelle cédée par la France, le viaduc qui relie le tunnel d’Envalira à la RN22.
Corollairement, le ralentissement de l’activité économique de ses pays-voisins s’est inévitablement répercuté sur l’économie andorrane dont la croissance a atteint 2,5% en 2002, en recul de 0,7 points par rapport à 2001. Avec la baisse du flux de touristes en 2002 dont l’augmentation n’a été que de 1,4% en 2002 contre 3,3% en 2001, l’activité économique d’Andorre reste soutenue par le secteur de la construction qui en constitue depuis cinq années un de ses principaux piliers. Celle-ci montre en effet encore de bons signes de dynamisme avec la progression de l’investissement tant industriel qu’en biens d’équipement qui compte pour près d’un tiers de l’accroissement de ses importations.
De l’héritage structurel qu’elle a reçu de l’époque médiévale, la principauté d’Andorre a donc su s’affirmer comme un Etat souverain et moderne tout en conservant ses caractéristiques propres qui en font aujourd’hui un cas unique en Europe, d’autant plus qu’il est le seul Etat au monde de langue officielle catalane. C.H.
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