Lundi 22 Avril 2019  
 

N°124 - Quatrième trimestre 2018

La lettre diplometque
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Vers un décollage du partenariat franco-indien

Inaugurant en Inde sa première visite hors de l’Union européenne, le Premier ministre français Jean-Pierre Raffarin a clairement marqué les intentions de la France de pérenniser et d’approfondire le « partenariat stratégique » scellé par les deux pays en 1998. Excellentes sur le plan politique et de la coopération, leurs relations n’en demeurent pas moins insuffisantes sur le plan économique et commercial.
La France affiche en effet un important retard par rapport aux grands partenaires de l’Inde que sont les Etats-Unis, le Royaume-Uni, l’Allemagne et de plus en plus les pays asiatiques. Ses exportations vers ce pays ne représentent ainsi que 0,3% de ses exportations totales (soit 1,6% des importations indiennes), et leur part de marché, si elle a progressé à 1,8% en 2002, reste modeste. Quant à la présence des entreprises françaises en Inde, leur part de marché est évaluée à 2% en 2001, situant la France seulement au 9ème rang des investisseurs étrangers1.
Bien que les grands groupes français y affichent tous leur enseigne dans une large variété de secteurs d’activité, seule une trentaine d’entre eux y sont réellement actifs. Parfois depuis longtemps, comme Degrémont (filiale de Suez Environnement) avec 110 stations d’épurations, Saint-Gobain qui a établi près de Madras la plus grande usine de verre plat d’Asie, ou plus récemment comme Lafarge (depuis 1997) qui est devenu le premier investisseur français sur le marché indien. Les entreprises françaises, comme Axa et Cap Gemini Ernst&Young, sont également de plus en plus sensibles aux capacités de l’Inde en matière de services informatiques, mais restent encore plus attirées par son fort potentiel de recherche et développement2 . Snecma a ainsi établi en 2002 à Bangalore un centre de R&D, tandis que le fabricant franco-italien de semi-conducteurs, STMicroElectronics, compte faire passer en 2004, de 1250 à 1500 les effectifs d’ingénieurs qu’il emploie dans son centre de développement de Noida, près de New Delhi3.  Français et Indiens ont d’ailleurs su développer une forte coopération dans les domaines scientifique et technologique de pointe, notamment au sein du Centre Franco-Indien pour la Recherche Avancé (CEFIPRA) qui vise depuis peu à conduire des projets à vocation industrielle.
Face à la forte concurrence qui se profile à mesure que l’Inde acquiert une réputation de marché incontournable, les acteurs du commerce extérieur français ont donc bien l’intention d’organiser rapidement leur stratégie d’implantation dans ce qui constitue le dernier marché du genre à conquérir : 29 Etats, plus d’un milliard d’habitants et une classe moyenne émergente de 140 à 180 millions de personnes de plus en plus intéressée à la société de consommation4. S’ouvrant progressivement au monde, l’Inde recèle en effet d’immenses opportunités, alors qu’elle n’accueille encore que 4,8 milliards d’investissements directs étrangers (IDE).
Si l’environnement des affaires doit être amélioré, les autorités indiennes, après l’avoir longtemps repoussé comme un moteur de la croissance, semblent désormais appeler de leurs vœux l’investissement étranger. Le Dr Omkar Goswami, chef des services économiques de la Confédération de l’Industrie indienne, estime ainsi que son pays à besoin de 10 à 12 milliards de dollars par an d’IDE5.  Avec l’approbation récente de la hausse des plafonds des IDE dans les secteurs bancaire, pharmaceutique, de l’aviation civile, des télécommunications, de l’immobilier de l’hôtellerie et du tourisme, des transports publics, ainsi que l’ouverture du secteur de la fabrication des équipements de la défense, le marché indien est aujourd’hui plus accessible aux entreprises étrangères, tandis que les droits de douanes abaissés à un taux maximum de 23% (alors qu’il était de 350% en 1992). L’agriculture, l’agro-alimentaire, les hautes technologies, les biens de consommation et les infrastructures consituent des secteurs à fort potentiel de développement. Jean-Louis Latour, chef du service Asie du Sud à la DREE, soulignait par ailleurs lors d’un colloque consacré à l’Inde par le Sénat et le Centre français du Commerce extérieur (CFCE), que des secteurs où la France peut faire valoir sa compétitivité restent encore à ouvrir6.
La reprise de la croissance indienne en 2003 a néanmoins réveillé les appétits des investisseurs français si l’on en juge par la volonté exprimée de part et d’autre, de passer à la vitesse supérieure. La visite en France, début novembre 2003, du Ministre indien du Commerce Arun Jaitley, a offert un signe concret à cette nouvelle impulsion. Le MEDEF et la Chambre d’Industrie indienne ont, en effet, mis en place un club d’hommes d’affaires conjoint de haut niveau qui devrait prochainement tenir sa première réunion. A l’occasion de la 12ème Commission mixte franco-indienne, de nouveaux champs de coopération économique ont également été définis avec la signature d’un accord bilatéral dans les domaines de l’agriculture, la pêche, le développement rural, l’industrie forestière et l’industrie agro-alimentaire.
De plus, les exemples de coopération entre groupes français et indiens tendent à se multiplier à l’image de Peugeot qui fournira des moteurs au constructeur automobile indien Mahindra & Mahindra pour ses débuts sur le marché européen des véhicules utilitaires. Michelin et Apollo Tyres prévoient en outre la création d’une société commune dont la fabrication de pneumatiques en Inde doit débuter en 2005.
De leur côté, les investissements indiens en France ont tendance à s’accroître et à se diversifier : essentiellement concentrés dans les banques, ils se développent désormais dans les secteurs des services informatiques et de l’industrie pharmaceutique. Dans ce dernier, le leader indien des médicaments génériques, Ranbaxi Labs, devrait, par exemple, conclure le rachat de RPG Aventis, opération qui lui ouvre les portes du marché européen7.
Malgré la barrière linguistique, l’Inde et la France manifestent ainsi un intérêt mutuel croissant dont témoigne l’intensification de leur coopération et leur préoccupation commune dans une grande diversité de domaines, non seulement politiques et commerciaux, mais aussi culturels et scientifiques. C.H.

1 – Source DREE
2 – Le Monde, Françoise, Chipeaux/ Dominique Gallois, « Paris cherche à renforcer ses investissements », 9/12/03.
3 – Challenges, « STMicro délocalise sa matière grise », novembre 2003.
4 – Ashi Shimbun, Kenichi Goromaru « Making the grave : Manufacturers pour into India », 17/12/03.
5 – Le Monde, Françoise Chipaux, « Une économie qui s’ouvre au monde », 9/12/03.
6 – Colloque Sénat-CFCE, « L’Inde, grande puissance asiatique », 13/12/03.
7 – Times of India, 18/12/03.
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