Les relations qu’entretient l’Arménie avec ses voisins sont fortement imprégnées de constantes historiques. Ses rapports avec l’Azerbaïdjan, tout d’abord, sont peu amènes en raison du conflit du Haut-Karabakh. Les deux voisins ont certes engagé des négociations, depuis le début du conflit, et plusieurs rencontres entre les présidents arménien et azérbaïdjanais ont eu lieu. Une nouvelle rencontre pourrait prochainement être organisée mais il est peu probable que celle-ci débouche sur des avancées notables, compte tenu des élections présidentielles de 2008 qui ne manqueront pas d’affecter les positions des deux pays dans les mois à venir. Quant aux rapports avec la Turquie, ils restent marqués par la non-reconnaissance du génocide de 1915 et le soutien indéfectible qu’apporte Ankara à Bakou à propos du Haut-Karabakh. Tant l’Azerbaïdjan que la Turquie maintiennent d’ailleurs leur blocus terrestre avec l’Arménie instauré en 1993, bien que quelques échanges commerciaux de faible ampleur ont été maintenus via la Géorgie. Certes la Turquie a relâché ses restrictions pour l’octroi de visas aux Arméniens, mais les rapports entre les deux pays se sont peu améliorés.
La Russie, amie et alliée de l’Arménie
Dans ces conditions, la Russie demeure son principal partenaire stratégique dans la région. L’Arménie est membre de la Communauté des Etats indépendants (CEI) ainsi que de son organisme de sécurité collective. Les deux pays sont liés par un accord sur le stationnement des troupes russes d’une durée de 25 ans. Moscou entretient à la base de Gumri un contingent de 5 000 hommes y compris une escadrille munie de MIG 29 et y a entreposé du matériel militaire provenant de ses bases en Géorgie – aujourd’hui démantelées.
L’ouverture vers l’Europe et l’Occident
L’Arménie déploie des efforts considérables pour se rapprocher de l’Europe et des Etats-Unis, tant au plan multilatéral que bilatéral. Erevan est membre du Partenariat pour la paix dans le cadre de l’OTAN, et sa coopération s’est développée avec celle-ci au sein du Plan d’action pour le partenariat individuel (PAPI). En décembre 2004, le Parlement arménien décida d’envoyer un contingent de 46 spécialistes d’opérations humanitaires en Irak. L’Arménie dispose en outre d’un contingent de 35 personnes servant au sein des forces de l’OTAN au Kosovo. La présence d’une diaspora, forte de près de 1 500 000 personnes aux Etats-Unis a joué un rôle important dans la consolidation des liens américano-arméniens. Le 10 octobre 2007, la Commission des Affaires étrangères de la Chambre des Représentants des Etats-Unis a adopté une résolution reconnaissant le génocide arménien. Son inclusion à l’ordre du jour du Congrès est toutefois suspendue par crainte d’une détérioration des relations entre les Etats-Unis et la Turquie.
Depuis 2001, l’Arménie est membre du Conseil de l’Europe et s’est progressivement conformée aux standards de l’Organisation. Elle a ainsi aboli la peine de mort en septembre 2003, introduit plus de libéralisme dans la presse et modifié sa législation électorale.
Comme les deux autres pays du Caucase, l’Arménie a signé en 1996 des accords de coopération avec l’UE, entrés en vigueur en 1999, et a été par la suite en juin 2004 incluse dans la Politique européenne de voisinage (PEV). Elle a signé le 14 novembre 2006 un plan d’action dans le cadre de la PEV qui prévoit le renforcement des coopérations dans tous les domaines : instauration d’un dialogue politique approfondi, coopération juridique, et soutien à l’Etat de droit, relations économiques et commerciales, échanges culturels, scientifiques et universitaires… De ce fait, Bruxelles appelle la Turquie à normaliser ses relations avec l’Arménie et à ouvrir les frontières entre les deux pays.
Les liens avec l’Iran
L’Arménie entretient traditionnellement des relations économiques étroites avec son voisin du sud, l’Iran. Une communauté de 120 000 Arméniens est installée depuis des siècles en Iran et les relations commerciales se sont intensifiées principalement en matière énergétique. A l’automne 2004, le Président Khatami avait effectué une visite historique à Erevan, première visite d’un chef d’Etat persan depuis la conquête russe de 1828. Le Président Kotcharian s’est lui rendu à Téhéran le 5 et 6 juillet 2006 pour parachever les accords de coopération énergétique. Plus récemment, le Président iranien Mahmoud Ahmadinejad a accompli une visite officielle en Arménie les 22 et 23 octobre derniers.
L’Arménie entretient par ailleurs des relations suivies avec quelques pays avec lesquels elle partage soit une histoire commune ou des intérêts proches. Ayant été tous deux des sujets de l’empire ottoman, l’Arménie et la Grèce se sont toujours senties proches par l’esprit, lien que n’a pas manqué de souligner le Président grec Karolos Papoulias lors de sa visite officielle en Arménie, en juillet dernier. Avec Israël, les liens historiques sont anciens et réels comme l’atteste l’existence d’un quartier arménien à Jérusalem. Israël a accordé à dix Arméniens, le statut des Justes entre les Nations.
France, Arménie : des relations politiques de haut niveau, un potentiel d’échanges commerciaux à explorer
Les relations entre la France et l’Arménie plongent leurs racines dans l’histoire. A partir du XIème des liens étroits commencent à se nouer entre les peuples arméniens et français. Dès le XVIème siècle des commerçants arméniens s’installèrent à Marseille, porte d’entrée de la France. Vers 1900, Paris abrite déjà près de 3 000 Arméniens dont de nombreux étudiants, relate l’imposante « Histoire des Arméniens », qui consacre son dernier chapitre aux « Arméniens en France ».* Dès novembre 1896, un jeune député de 37 ans, Jean Jaurès prononçait un vibrant appel en faveur des Arméniens, victimes d’exactions dans l’est de l’Anatolie, lançant ainsi une prise de conscience qui marqua son époque. Aujourd’hui, ces liens historiques sont renforcés par la présence en France d’une communauté de près de 500 000 personnes. Les relations politiques, parlementaires, les échanges culturels ont toujours été denses, comme l’atteste récemment la tenue de l’Année de l’Arménie en France (du 21 septembre 2006 au 14 juillet 2007) qui, sur le slogan « Arménie mon amie », fut marquée par près de 850 manifestations dans 165 villes françaises. Un de ses temps forts a été l’inauguration, le 19 février 2007, de l’exposition « Armenia Sacra » au Louvre, en présence des deux chefs d’Etat et l’opération « Jeunes ambassadeurs pour l’Arménie » qui a vu, à partir de mars 2007, l’accueil de plusieurs centaines d’adolescents arméniens dans les collèges français. Des peintres arméniens furent présentés au Petit Palais, et des expositions d’Archil Gorki, d’Aïvazovsky, de Carzou… ont été organisées à Paris. La Fête de la musique, enfin, revêtit le 21 juin 2007 des tonalités arméniennes.
La reconnaissance du génocide par la loi du 29 janvier 2001 a été accueillie comme un témoignage de solidarité de la France envers le peuple arménien. Comme le fut la visite d’Etat du Président de la République à Erevan du 29 septembre au 1er octobre 2006. Depuis sa prise de fonction en 1998 le Président Robert Kotcharian s’est rendu en France une quinzaine de fois, dont à deux reprises en 2007 : une visite officielle du 17 au 21 février et une visite de travail du 11 au 14 juillet.
Les échanges commerciaux entre les deux pays, bien qu’en constante progression, ont encore un grand potentiel à explorer. La France ne détient ainsi que 2,7% du marché arménien. Elle était en 2006 le 14ème fournisseur et le 21ème client de l’Arménie. Une centaine d’entreprises françaises sont pourtant bien implantées. La principale implantation française a été réalisée par Pernod-Ricard, qui a racheté le brandy d’Erevan en investissant 30 millions de dollars et en s’engageant de surcroît à augmenter la culture de la vigne et d’élever les standards arméniens. Castel, de son côté, a repris la brasserie d’Abovian pour un montant de 18 millions de dollars. Quelques autres participations françaises se développent. Veolia a remporté, en novembre 2005, l’appel d’offres pour la distribution de l’eau à Erevan et la Saur, l’appel d’offres de la Banque mondiale concernant la gestion de l’eau en zones rurales, devant couvrir 35 villes de plus de 500 habitants ainsi que 300 villages, soit 260 000 abonnés. Cogema Logistics et Alcatel sont également très actives, la première pour la fourniture de matériel de stockage pour le combustible nucléaire usagé, la seconde de matériels de téléphonie. Le constructeur automobile Renault et Saint-Gobain distribuent leurs produits. Quelques cabinets d'audit et de conseil, ainsi que des agences de voyages se sont implantées en Arménie ; un hôtel est également détenu par des intérets français. Dans le secteur bancaire, le Crédit Agricole a développé des activités dynamiques, tandis que la Société Générale étudie la possibilité de faire son entrée sur le marché arménien. Quant à Air France, la compagnie a ouvert au printemps 2006 une liaison aérienne directe entre Paris et Erevan.
Au plan culturel, le principal support de l’action française est l’Université française en Arménie, dont le statut est celui d’une école de commerce et de gestion. Celle-ci bénéficie des partenariats économiques et pédagogiques de l’Université et de la Chambre de commerce et d’industrie de Lyon, et délivre des diplômes français. P.B.
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