Lundi 22 Avril 2019  
 

N°124 - Quatrième trimestre 2018

La lettre diplometque
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     Autriche
 

Du statut de pays de Sissi à celui de puissant pays industriel d’Europe centrale

Entretien avec M. Markus Beyrer, Secrétaire général de la Fédération des Industriels autrichiens

La Lettre Diplomatique : Monsieur le Secrétaire général, comment décririez-vous le développement qu’a connu l’Autriche ces dernières années en tant que lieu d’implantation d’entreprises ?

Markus Beyrer :
Au cours des dernières décennies, et surtout ces 10 à 15 dernières années, l’Autriche est devenue l’un des lieux d’implantation les plus compétitifs d’Europe. Le PIB autrichien a été multiplié par presque 400 depuis 1948. Nous sommes aujourd’hui le 7ème pays le plus riche du monde et le 4ème le plus riche d’Europe.

L.L.D. : A quoi imputez-vous les données économiques positives se rapportant à l’Autriche en tant que lieu d’implantation ?

M.B. :
Il est clair que les mesures importantes prises par le gouvernement fédéral autrichien visant à renforcer la compétitivité de l’Autriche en tant que lieu d’implantation ont été essentielles. Ces mesures avaient accompagné l’élargissement de l’Union européenne. La baisse de l’impôt sur les sociétés à un pourcentage attractif de 25% ainsi que l’introduction d’une imposition groupée ont constitué des signaux très clairs pour l’économie. Premièrement, cela vaut la peine d’investir en Autriche et, deuxièmement, l’Autriche revendique son positionnement en tant que lieu de production intensive axée sur la création de richesses, que ce soit dans l’industrie ou les services. En outre, nous avons donné une nouvelle orientation à la recherche et au développement, consolidé le budget et mis en œuvre des réformes nécessaires du système de retraites. Considérant les recettes fiscales en hausse, nous devons maintenant résolument continuer à consacrer les marges de manœuvre budgétaires dégagées à des domaines d’avenir que sont l’éducation, la recherche et le développement. En concomitance avec nos mesures structurelles, l’élargissement de l’Union européenne s’est avéré être pour nous une vraie « success story » et nous a mis sous pression positive pour engager des réformes. Parmi les pays membres de l’UE, c’est l’Autriche qui a le plus profité de l’ouverture vers l’Europe centrale et orientale car elle avait la plus forte interdépendance économique avec les pays en transition au niveau du commerce extérieur.

L.L.D. : Qu’est-ce que cela signifie pour l’économie nationale ?

M.B. :
Certes, l’économie nationale autrichienne représente à peine 2 % de la population de l’UE mais le pays développe toutefois presque un dixième des échanges commerciaux de l’UE avec les nouveaux Etats membres. A ce jour, notre pays affiche un taux d’export de presque 60 %. Le volume des exportations dans les nouveaux Etats-membres représente le double des exportations autrichiennes vers les Etats-Unis. Les chiffres du commerce extérieur et des investissements directs sont globalement réjouissants : nous avons plus de 30 000 exportateurs. L’excédent de la balance des paiements de 8,2 milliards d’euros l’année dernière est une preuve claire de la performance de notre économie d’exportation. En 2006, les objectifs en matière d’exportation ont été clairement dépassés, avec un résultat de l’ordre de 107 milliards d’euros.

L.L.D. : La tendance est-elle identique sur le plan des investissements directs ?

M.B. :
L’année 2003 marque un tournant au niveau des soldes car nous sommes investisseurs nets dans le monde depuis cette date. Les entreprises autrichiennes comptent parmi les premiers investisseurs de l’Europe centrale jusqu’à la Mer Noire. Elles sont en effet les premiers investisseurs en Bosnie-Herzégovine, en Bulgarie, en Croatie, en Slovénie et en Roumanie et occupent la troisième place en Slovaquie, en République Tchèque et en Hongrie. Cet engagement énorme des entreprises autrichiennes est surtout l’expression de leur disposition à assumer des responsabilités pour le développement économique de cette région particulièrement importante pour l’Autriche. Les chiffres le soulignent d’ailleurs de manière impressionnante : près de 25 milliards d’euros d’investissements directs et des exportations à hauteur de 20,9 milliards d’euros. Pour illustrer cet engagement couronné de succès, citons le fabriquant de briques et de tuiles Wienerberger, le groupe pétrolier et gazier OMV, Telekom Austria et le producteur d’aciers spéciaux Böhler-Uddeholm, qui fait désormais partie de la SA Voestalpine, ainsi que les groupes d’assurance Wiener Städtische et Uniqua. L’entrée sur les marchés bancaires d’Europe centrale et de l’est de banques autrichiennes comme la Erste Banque, la Raiffeisen Zentralbank et l’ancienne Bank Austria Creditanstalt, désormais filiale du UniCredit Group, revêt également une grande importance.

L.L.D. : Vous avez parlé de la coopération avec les fédérations jumelles. Quels objectifs l’industrie poursuit-elle à l’échelle européenne ?

M.B. :
Au cœur de notre travail à l’échelle européenne se placent les six messages clés formulés l’an passé lors du conseil des présidents des organisations patronales à la Maison de l’Industrie de Vienne : la mise en œuvre de mesures favorisant la croissance et l’emploi, le développement du marché européen, la création d’une administration européenne plus efficace, la lutte contre le protectionnisme national, l’utilisation des chances offertes par une UE élargie, une politique européenne de l’énergie et l’engagement de réformes pour un système social durable. En tant que membre de la Confédération des Industriels et des Employeurs d’Europe (Businesseurope), la Fédération des Industriels autrichiens soutient naturellement ce programme ; elle a d’ailleurs participé à sa conception. Businesseurope est ici un partenaire indispensable, en tant que représentant de plus de 20 millions de PME et de grandes entreprises au sein de 39 organisations patronales de 33 pays et en tant qu’acteur à l’échelle européenne. C’est pourquoi nous nous investissons de manière très intense dans ce travail européen. Le Président de la Fédération des Industriels autrichiens, M. Veit Sorger, vient d’être renommé Vice-Président de Businesseurope jusqu’en 2009.

L.L.D. : Ces derniers temps, des voix s’élèvent de plus en plus dans les nouveaux pays membres contre des reprises opérées par des entreprises autrichiennes? Comment percevez-vous ces réactions ?

M.B. :
« Pour nous, il est important que les nouveaux pays membres ne soient pas seulement des partenaires commerciaux pour l’Autriche mais aussi des alliés précieux dans le cadre de la mise en œuvre d’objectifs importants dans la région mais aussi à Bruxelles. En notre qualité de Fédération des Industriels, nous coopérons déjà étroitement avec les fédérations jumelles d’industriels et d’employeurs des nouveaux pays membres de l’UE sur des sujets centraux de la politique européenne, comme par exemple la politique du marché de l’emploi, les infrastructures et la politique de l’énergie. Pour l’ancienne UE des « Quinze » Etats de l’UE, il ne doit pas seulement s’agir d’utiliser les impulsions d’investissement et de croissance des nouveaux membres et d’offrir ainsi à leur propre économie une cure de jouvence, même si cela est légitime et doit constituer une ambition. Il faut tout autant veiller à ce que les nouveaux Etats membres au sein de l’Union puissent profiter de leurs chances et avoir leur part du gros gâteau que constitue le marché intérieur européen, et le respecter. Une chose est claire : ces
« nouveaux » Etats membres amènent une dynamique au sein de l’UE.
En ce qui concerne les reprises opérées par des entreprises autrichiennes, la situation se présente de la manière suivante : étant donné que de nombreuses entreprises autrichiennes ont été des « early movers » dans les pays partenaires d’Europe centrale et orientale, elles ont atteint une présence remarquable sur ces marchés. Cela oblige bien évidemment à faire preuve de responsabilité et de sensibilité à l’égard des données politiques et économiques régionales. Mon impression sur le sujet est que les entreprises autrichiennes ont agi jusqu’ici de manière tout à fait exemplaire.

L.L.D. : La population est pourtant sceptique par rapport au projet « Europe », surtout en Autriche. Comment gérez-vous cela en tant que clair partisan de l’Europe ?

M.B. :
Au sein d’une concurrence internationale où l’on trouve, d’un côté, les Etats-Unis et, de l’autre, la Chine ou plutôt l’Asie du Sud-Est et l’Inde, face à l’Europe et à l’Autriche, il faut de l’optimisme mais aussi des mesures concrètes pour favoriser la croissance et la compétitivité et permettre ainsi de générer de la prospérité et une opinion publique favorable à l’Union européenne. Nous sommes convaincus que l’Europe n’est pas le problème mais une partie de la solution. Une Europe concurrentielle, dynamique et unie, capable de parler d’une seule voix au niveau international lors de questions décisives et de se renforcer économiquement sans se couper du monde, est très vraisemblablement apte à maintenir un modèle économique et social européen à l’ère de la mondialisation. Ce message doit aussi être communiqué de manière crédible et authentique. En aucun cas nous ne devrions faire de l’Europe un « ennemi extérieur » ou un bouc émissaire pour les manquements sur le plan national ou pour les mesures qui sont impopulaires mais néanmoins nécessaires dans notre pays.

L.L.D : Que pensent les industriels autrichiens de l’ouverture du marché du travail ?

M.B. :
D’après les sondages effectués auprès de nos membres, nous savons que trouver des collaborateurs qualifiés est le plus grand défi lancé à nos entreprises. L’ouverture du marché du travail, et par là le ticket d’entrée au sein d’une concurrence pour le recrutement du personnel le plus qualifié et des meilleurs cerveaux, est l’un des stimulants de la croissance, comme le prouve par exemple l’Irlande. 40 000 Slovaques y travaillent et génèrent 2% des 6% de croissance du pays ! Chaque poste requis mais inoccupé est une perte pour le pays en terme de prospérité et signifie moins de création de richesses et de gains pour une entreprise. En conséquence, nous souhaitons l’ouverture sectorielle du marché du travail là où cela s’avère nécessaire au plus tard d’ici 2009. Nous voyons d’un œil très positif les dernières actions engagées dans ce sens par le gouvernement fédéral autrichien.
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