Par M. Yves Pozzo di Borgo,
Sénateur de Paris
Alors que la chute du rideau de fer avait suscité de grands espoirs, force est de constater que l’on assiste actuellement à un certain désenchantement dans les relations entre l’Union européenne et la Russie. La démocratie et les droits de l’homme, la situation en Tchétchénie, les crises énergétiques avec l’Ukraine puis avec la Biélorussie ou encore la vive réaction de Moscou à l’annonce du déploiement d’éléments du système de défense anti missiles américain en Pologne et en République tchèque : autant de sujets qui illustrent les importants malentendus actuels.
Pour autant, il existe une réelle interdépendance entre l’Union européenne et son plus grand voisin. Ainsi, la Russie est le premier fournisseur d’hydrocarbures de l’Union européenne, tandis que celle-ci constitue son principal client. Quelques semaines après l’échec du Sommet Union européenne-Russie de Samara, le 18 mai 2007, il paraît nécessaire de se pencher sur l’avenir de ces relations.
Ces relations reposent actuellement sur un accord de partenariat et de coopération, signé en 1994 et entré en vigueur en 1997, pour une période initiale de dix ans. Etant donné que cet accord arrive à échéance à la fin de cette année, les Etats-membres discutent depuis juillet 2006 d’un mandat de négociation pour ouvrir des négociations en vue de la conclusion d’un nouvel accord. Toutefois, à deux reprises, la Pologne a opposé son veto à l’ouverture des négociations, en raison de l’embargo russe sur la viande et les produits végétaux en provenance de son territoire. Cette affaire semble illustrer le clivage qui existe au sein de l’Union européenne entre les « anciens » et les « nouveaux » Etats-membres concernant les relations avec la Russie.
Le Portugal, qui exerce actuellement la présidence de l’Union européenne, a fait du renforcement des relations entre l’Union européenne et la Russie l’une des priorités de sa présidence. Un nouvel accord, qui pourrait s’intituler « partenariat privilégié » ou « partenariat renforcé », permettrait de donner un nouvel élan aux relations entre l’Union européenne et la Russie. Il pourrait ainsi prévoir un renforcement du dialogue politique et de la coopération dans certains domaines, comme l’énergie ou la politique étrangère et la défense.
Parallèlement, l’Union européenne et la Russie devraient poursuivre la mise en œuvre des quatre « espaces communs » : un « espace économique commun », un « espace de liberté, de sécurité et de justice », un « espace de coopération dans le domaine de la sécurité extérieure » et un « espace de recherche, d’éducation et de culture », qui ont été lancés en mai 2003.
Ainsi, les relations économiques pourraient encore être fortement développées. L’Union européenne devrait soutenir l’accession de la Russie à l’Organisation mondiale du Commerce. Cette intégration devrait constituer, en effet, une forte incitation pour la Russie à engager les réformes économiques nécessaires, notamment pour faciliter les investissements étrangers. Elle pourrait ouvrir la voie à la création d’une zone de libre-échange entre l’Union européenne et la Russie.
La suppression de l’obligation de visa constitue une forte attente des citoyens russes et une priorité de leur gouvernement. La Russie représente aujourd’hui, pour l’Union européenne et pour la France, le premier pays en matière de demandes de visas. Or, le risque migratoire en provenance de la Russie paraît limité, sauf peut-être pour les pays périphériques, comme la Finlande. Dès lors, pourquoi ne pas envisager de supprimer à terme l’obligation de visa entre l’Union européenne et la Russie ? Cette mesure constituerait un signal fort en direction de la Russie et favoriserait les échanges entre les citoyens des pays de l’Union européenne et les ressortissants russes. Dans le même temps, la coopération en matière de lutte contre l’immigration clandestine, le terrorisme et la criminalité organisée devrait être renforcée.
Si l’Union européenne veut jouer un rôle accru sur la scène internationale, il est indispensable de renforcer les liens avec la Russie en matière de politique étrangère et de défense. En sa qualité de membre permanent du Conseil de sécurité des Nations unies, la Russie représente, en effet, un partenaire privilégié en matière de politique étrangère. Qu’il s’agisse du dossier du nucléaire iranien ou de l’avenir du Kosovo, l’Union européenne devrait donc entretenir une coopération étroite avec la Russie.
Enfin, la coopération dans le domaine de la culture et de l’éducation constitue un vecteur important de rapprochement entre les peuples. Or, l’Union européenne ne s’est guère donnée jusqu’à présent les moyens de mener une action ambitieuse dans ces domaines. Ainsi, une centaine d’étudiants russes seulement bénéficient actuellement d’une bourse de l’Union européenne. Pourquoi ne pas envisager un ambitieux programme dans le domaine de l’éducation en multipliant le nombre de bourses destinées aux étudiants russes désireux de venir étudier dans l’Union européenne ?
En réalité, l’interdépendance entre la Russie et l’Union européenne est telle qu’il n’existe pas d’alternative à un partenariat stratégique.
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