Lundi 22 Avril 2019  
 

N°124 - Quatrième trimestre 2018

La lettre diplometque
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     La Russie, Grande puissance du 21ème siècle
 

Editorial

Par M. Didier Vidal,
Directeur de La Lettre Diplomatique


Au moment où la Russie s’engage dans un cycle électoral déterminant pour son avenir, nous nous sommes efforcés, à travers ce numéro spécial de « La Lettre Diplomatique », de dresser un bilan aussi large et diversifié que possible, sans fard ni complaisance, de cette grande puissance du XXIème siècle.
Que l’on songe seulement au chemin parcouru depuis l’effondrement de l’URSS en 1991 et à la crise financière de l’été 1998 au cours de laquelle la Fédération de Russie s’est trouvée en cessation de paiement. Depuis, surtout à compter de 2002, au moment où les cours des hydrocarbures ont pris leur envol, la croissance économique russe a atteint un taux moyen de 6,5%, ce qui lui permet d’ intégrer le club des dix plus grandes économies mondiales. Forte de cet acquis, la Russie se donne désormais pour ambition de figurer parmi les sept premières d’ici 2020. Seul l’avenir déterminera si un tel objectif est réalisable dans la conjoncture économique mondiale actuelle. Il semble assuré au demeurant que les autorités russes, détentrices des troisièmes réserves financières de la planète après celles de la Chine et du Japon, ont bien l’intention d’en disposer. Il s’agira alors pour elles de poursuivre la modernisation aussi complète que possible de leurs infrastructures, d’investir plus massivement qu’auparavant dans la recherche, l’innovation et les nouvelles technologies, comme d’assurer un meilleur bien être à l’ensemble de la population. Après de nombreuses années de privations, cette dernière aspire d’ailleurs à son tour et bien légitimement à la consommation de masse à laquelle elle accède avec satisfaction. Nul doute que cinquante ans après avoir ouvert la course à l’espace en lançant le premier Spoutnik, la Russie a de grandes chances de retrouver cet esprit pionnier.
Ce retour de la Russie, comme l’une des économies mondiales majeures, les divers auteurs
et contributeurs de cette édition de « La Lettre Diplomatique » l’examinent sous différentes facettes parfois avec des vues différentes et complémentaires. Ils contribuent ainsi à enrichir le débat qui porte sur le caractère soutenable à long terme d’une forte croissance en Russie et du défi que représente la redistribution harmonieuse des richesses qu’elle engendre.
Une telle Russie, que l’on pourrait qualifier de Russie nouvelle, stable, mieux assurée de son avenir, aura naturellement à coeur de faire entendre sa voix sur la scène internationale, désireuse de défendre ses intérêts nationaux particulièrement au vue de son poids, de son histoire et des traditions qui sont les siennes. Le président Vladimir Poutine, qui a présidé aux destinées de son pays durant cette période faste, a eu maintes fois l’occasion d’exprimer sa conception de la place de la Russie dans le monde et du rôle qu’elle entend y jouer. On peut aisément en déduire que si la Russie ne prétend plus au rôle de superpuissance, elle s’oppose en revanche à un monde unipolaire. Au sein du monde multipolaire qu’elle appelle de ses voeux, Moscou entend jouer un rôle éminent et ne dissimule pas son souhait d’en devenir aussi un réel pôle de puissance. Sa voix n’est pourtant pas toujours à l’unisson de celles émanant du concert des nations occidentales, que ce soit à propos du Kosovo, de la question nucléaire iranienne, de l’offre américaine d’installation d’éléments de son bouclier anti-missiles sur le territoire européen ou de la Birmanie…, sur tous ces points, les analyses, comme les diagnostics des chancelleries et des experts divergent sur les fondements et les motivations des positions russes. L’enjeu étant de taille, il nous faut, à l’instar de la première visite effectuée par le président français Nicolas Sarkozy à Moscou les 9 et 10 octobre 2007, nous montrer attentifs aux objections sans renoncer à nos convictions. Certes, la rencontre entre les deux présidents français et russe a donné lieu à des entretiens francs et ouverts sur l’ensemble des sujets de préoccupation des deux pays. Ils ont permis aux deux partenaires de mieux comprendre leurs positions réciproques et les ont incité à continuer à en débattre dans les enceintes appropriées. Pour se prémunir de la tentation d’analyser les événements actuels à la lumière de ceux du passé et de recourir à des expressions devenues surannées, il convient surtout de prendre en compte les données permanentes et à long terme des relations internationales. Et même s’il subsiste indéniablement encore des divergences, parfois relativement significatives sur la perception que peuvent avoir les uns et les autres de l’Etat de droit, de la protection des droits de l’homme ou des types de démocratie possibles et de leur perfectibilité, le monde n’est ni retourné à la guerre froide, ni à l’affrontement idéologique d’antan. La scène internationale est devenue à la fois plus souple, plus mobile, plus diversifiée, ses multiples échiquiers s’imbriquent, ses nombreux théâtres régionaux influent les uns sur les autres comme jamais dans le passé.
La globalisation, comme les grands défis de l’heure : « choc des civilisations », lutte contre le terrorisme international, lutte contre la prolifération des armes de destruction massive, action contre le changement climatique, éradication des grandes pandémies, sécurité énergétique, problèmes financiers internationaux, toutes ces grandes questions, requièrent le dialogue, la compréhension et la coopération de tous. La Russie, Etat multinational, pivot de l’Eurasie doit prendre toute sa place dans cet effort concerté de mise en place d’un nouvel ordre mondial comme d’édification d’une « Europe de l’Atlantique à l’Oural » qu’appelait jadis de ses vœux le général de Gaulle.
La France et la Russie ont souvent été réunis par une fraternité d’armes, notamment lors de la Seconde guerre mondiale. Ce que le président Sarkozy a eu l’occasion d’évoquer en inaugurant le 10 octobre 2007, en compagnie du président Poutine, le monument dédié aux soldats de l’escadrille légendaire Normandie Niémen. De par sa stature politique et diplomatique, sa culture et sa langue, les idéaux et valeurs universels qu’elle promeut ainsi que le haut niveau scientifique et technologique qui la caractérisent, la France sera immanquablement l’un des partenaires de choix en Europe avec laquelle la Russie, aura de plus en plus le désir d’œuvrer. Il nous appartient de saisir les opportunités qui se présentent pour hisser l’amitié franco-russe au rang le plus élevé.
Qu’il me soit permis, au nom de la rédaction de « La Lettre Diplomatique » de remercier tous les auteurs et contributeurs de cette édition ainsi que S.E.M. Alexandre Avdeev, Ambassadeur de la Fédération de Russie en France et ses collaborateurs pour le soutien qu’ils ont bien voulu apporter à sa réalisation et les multiples contacts qu’ils ont très aimablement favorisés.

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