Lundi 22 Avril 2019  
 

N°124 - Quatrième trimestre 2018

La lettre diplometque
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     Ghana
 

50 ans après l’indépendance du Ghana, l’Afrique est de retour

Message de S.E.M. John Agyekum Kufuor, Président du Ghana et Président en exercice de l’Union africaine

Au moment où la scène internationale subit des changements d’ampleur sans précédent, marqués par une croissance économique vigoureuse sur tous les continents, un accroissement des échanges et des investissements, ainsi que des contacts accrus entre les Etats, les nations et les peuples, il m’est particulièrement plaisant de constater que, cinquante ans après l’indépendance du Ghana, le continent africain tout entier connaît une réelle renaissance. L’Afrique est de retour. Elle est ouverte au partenariat avec la communauté internationale avec la ferme volonté de monter une bonne fois pour toutes dans le train de la croissance et de la prospérité et de s’intégrer dans le processus de globalisation qui se renforce chaque jour.
Ainsi, le rêve du Père de notre nation acquiert une dimension nouvelle. Le docteur Kwame Nkrumah n’avait il pas proclamé, en ce jour historique du 6 mars 1957 qui marqua l’émancipation du premier pays africain, la Côte de l’Or, devenue Ghana, que «à compter d’aujourd’hui, une nouvelle Afrique émerge dans le monde, le Ghana notre pays bien aimé, est libre à jamais ! »
En lançant ainsi, il y a un demi siècle, le vaste mouvement d’Union africaine, il savait que le continent ne pourrait progresser et atteindre sa pleine émancipation qu’en unissant ses forces et en mettant en commun ses vastes ressources : « Le nationalisme doit aujourd’hui être un nationalisme africain et il faut que l’idéologie d’une conscience politique parmi les Africains, ainsi que leur émancipation se répandent partout dans le continent ».
Le chemin de la solidarité et de la coopération fut long, difficile, parfois même périlleux, mais nous voici désormais emplis d’une nouvelle espérance. Comment ne pas observer, en effet, tant de signes de cette renaissance politique, économique et culturelle de l’Afrique ? Au Libéria, pour la première fois sur notre continent, une femme, Madame Ellen Johnson-Sirleaf a été élue Présidente de la République. C’est au Rwanda que le plus fort pourcentage de femmes jamais élues dans le monde au Parlement vient d’être réalisé. Comment oublier le leadership éclairé du Président Nelson Mandela en République Sud-africaine, dont le large aura reste présent partout dans le monde. Et comment ne pas saluer les récentes élections présidentielles et générales conduites depuis des décennies en République démocratique du Congo, qui ont apporté la preuve qu’il n’y avait aucune fatalité et que chaque pays pouvait emprunter sans crainte la voie démocratique.
Partout «l’afro pessimisme » apparaît en net recul. Les capitaux privés empruntent désormais plus volontiers le chemin de l’Afrique, bon nombre de cadres de nos pays qui ont brillamment réussi dans les pays les plus développés reviennent chez eux pour y créer et implanter des start-up. Ces dernières années, la bonne tenue de la croissance économique s’est confirmée atteignant le taux de 6% en 2006. Ces signes positifs nous conduisent à persévérer dans la poursuite de politiques macro-économiques plus ouvertes, transparentes et stables, basées sur les principes de la bonne gouvernance et du développement durable. Je constate avec plaisir que la tenue d’élections libres, honnêtes et transparentes tend à devenir partout la norme, que l’égalité de tous devant la loi est de mieux en mieux assurée, que la séparation effective des pouvoirs est en passe d’être instaurée, qu’un nombre croissant d’Africaines et d’Africains se sentent intéressés par leur avenir et celui de leurs enfants et qu’ils veulent prendre part aux débats et aux actions les concernant directement. Cette bonne gouvernance doit aussi devenir la pratique du monde économique et des entreprises. D’abord par la transparence dans la gestion des comptes publics et la lutte contre la corruption, mais aussi par l’amélioration de systèmes de comptabilité et de vérification, la modernisation et l’application des lois et textes garantissant un fonctionnement normal et transparent des entreprises.
Il convient à nous tous, Etats africains et leurs populations, régions, entreprises, ONG, d’intensifier encore notre coopération afin de faire en sorte que l’Afrique puisse continuer à se transformer dans le contexte de la globalisation. Dans cette optique le mécanisme du NEPAD (New Partnership for Africa’s Development) me paraît particulièrement important pour l’élaboration et la mise en œuvre de grands projets de développement d’intérêt commun dans le domaine des infrastructures, de l’éducation et de l’innovation ou de la mise en valeur de nos ressources naturelles. Nous avons été particulièrement heureux que le Ghana ait été le premier pays africain à s’être soumis à l’une de ses dispositions principales, le jugement par ses pairs (« peer review »). Cette procédure inédite a été conduite avec succès en avril 2005 et cette première expérience a grandement contribué à faire ancrer ce mécanisme de jugement par les pairs dans la pratique. Est-ce d’ailleurs un pur hasard si M. Robert Zoellick, le candidat à la présidence de la Banque mondiale, a effectué son premier déplacement à l’étranger au Ghana ?
 Pour notre part, grâce à la bonne tenue des cours de l’or et de l’augmentation de la récolte de cacao, deux de nos principaux produits exportés, nous avons pu atteindre un taux de croissance de 6 % en 2006. Mais, il nous reste encore bien des efforts à accomplir compte tenu notamment de notre déficit extérieur, qui a atteint l’an dernier 6,2 % du PNB, en diminution certes par rapport à 2005 (7,6 %), et du maintien d’une inflation encore élevée avec 10,9 % en 2006.
Malheureusement bon nombre de pays africains manquent de ressources, d’infrastructures et de capacités leur permettant d’affronter avec sérénité les nombreux défis de la globalisation. La communauté internationale doit continuer à prêter une attention soutenue à ces pays et se montrer généreuse en termes d’allègement ou de suppression de leurs dettes et d’accroissement de l’aide publique au développement, et promouvoir des flux accrus d’investissements privés.
Nous devons veiller également, avec l’aide de la communauté internationale et en particulier de l’ONU et de l’Organisation internationale du Travail (OIT), à ce que les droits de l’Homme, y compris ceux des femmes et des enfants, le droit à l’emploi et à un travail décent soient partout préservés ou garantis. La croissance économique et la lutte contre les inégalités sont une nécessité économique. Elles sont aussi un impératif moral, permettant de faciliter la poursuite des Objectifs du Millénaire pour le Développement et de réduire la pauvreté d’ici 2015. Tous ces points ont été discutés au cours du récent Sommet du G8 d’Heilligendam où, en compagnie de cinq de mes collègues, chefs d’Etat africains, j’ai plaidé la cause de notre continent auprès des pays les plus riches du monde.
Auparavant, j’avais eu l’occasion de m’entretenir avec grand plaisir avec le Président français Nicolas Sarkozy. Nous avons pu constater que depuis 2001 nos relations avec la France se sont notablement enrichies. La France apporte son aide à la réalisation de nombre de nos projets de développement, qui comprennent la construction de quelques ponts parmi les plus importants du Ghana dans sa partie nord pour un coût de 11 millions d’euros. Elle apporte également sa contribution à l’amélioration de notre secteur public, à la mise en place d’un système national d’identification, ainsi que d’autres projets de développements urbains. Je suis particulièrement heureux de mettre la lumière sur le statut de membre associé à l’Organisation internationale de la Francophonie que le Ghana a obtenu en 2006, ce qui lui permettra de consolider ses liens avec les autres Etats d’Afrique de l’Ouest francophones.
Auparavant, je m’étais rendu à Bruxelles où j’ai eu des entretiens également fructueux avec le président de la Commission européenne José Manuel Barrosso qui m’a assuré que l’UE serait la porte-parole de l’Afrique au G-8. Cet engagement est très encourageant et à nos yeux, l’UE devrait confirmer solennellement sa ferme volonté de rester à nos côtés. C’est d’ailleurs ce qu’elle a commencé de faire en instituant en avril dernier un fonds fiduciaire Union européenne-Afrique pour les infrastructures, qui aura pour vocation de bonifier les prêts de la Banque européenne d’investissement (BEI) en Afrique dans les domaines des transports, de l’eau, de l’énergie et des technologies de l’information et de la communication.
L’Afrique peut désormais se tourner résolument vers l’avenir. Elle est plus forte et confiante en elle-même malgré les nombreuses crises qui continuent de la secouer et de la meurtrir. Il lui appartient de trouver des solutions africaines à ses problèmes. Tel aura été le grand défi qu’aura eu à affronter la conférence de l’Union africaine réunie du 1er au 3 juillet 2007 à Accra.

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