Lundi 22 Avril 2019  
 

N°124 - Quatrième trimestre 2018

La lettre diplometque
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     Arabie Saoudite
 

Une coopération franco-saoudienne de plus d’un demi-siècle en matière de défense et d’armement, laisse espérer des développements ambitieux.

Le Royaume d’Arabie saoudite et la France ont de longue date établi des relations privilégiées qui se sont aussi traduites par une coopération militaire et d’armement d’une très grande qualité.  C’est dans les années 1970 que l’Arabie saoudite a acheté les premiers AML Panhard et les transports de troupe correspondants. C’est aussi à cette époque que des officiers saoudiens sont venus en stage dans des régiments de l’Armée française équipés de ces matériels. En 1972, l’arme blindée saoudienne s’est dotée de chars AMX 30, puis en 1973 de véhicules blindés de transport de troupe AMX 10. Evidemment, il fallait instruire les équipages, former des personnels de maintenance d’où une assistance technique en hommes aussi bien qu’en matériels. C’est alors que des écoles, des ateliers, des magasins, des dispositifs d’entraînement ont vu le jour.
Par l’ampleur de cette coopération, la France était devenue, à cette époque, le premier fournisseur de l’Armée de Terre saoudienne, tant en terme d’équipement que de formation, de conseil, mais aussi de logistique.  
Les années 1980 connurent une nouvelle ère qui vit se développer entre la France et l’Arabie saoudite une coopération s’étendant à la Marine avec le contrat Sawari 1 signé en octobre 1980. Celui-ci prévoyait la construction de quatre frégates de type Al Madinah de 2600 tonnes chacune ainsi que la construction de deux pétroliers ravitailleurs Boraida (type Durance) de 11000 tonnes chacun.
Ce contrat fut suivi en 1984 par la signature des contrats Al Thakeb (fourniture de missiles Crotale) et Oasis qui concernaient la fourniture de matériels destinés aux Forces saoudiennes de défense aérienne. D’autres contrats de moindres volumes firent régulièrement l’objet d’accords passés entre l’Arabie saoudite et la France avant que ne soit signé et mis en œuvre le contrat Sawari II, qui avait été plusieurs fois retardé en raison d’évènements liés à la première guerre du Golfe.
Relancé au début de 1994 lors de la visite du Premier ministre français en Arabie saoudite, ce contrat fut signé le 19 novembre 1994.
Evalué à près de 20 milliards de francs au moment de sa signature (soit un peu plus de 3 milliards d’euros) et 45 millions d’heures de travail pour les entreprises concernées, le contrat Sawari II porte sur la construction de trois frégates et la réalisation de multiples prestations associées de logistique et de formation. Thales assure la maîtrise d’œuvre d’ensemble du contrat avec pour principaux partenaires industriels DCN, qui intervient dans l’architecture des navires, la production des plate-formes propulsées et l’intégration des systèmes de combat, et SFCS (la filiale d’Armaris, société commune à DCN et Thales) qui fournit les systèmes de combat.
On peut également citer les autres participants à cet important programme dont MBDA, filiale d’EADS pour les missiles, Navfco, filiale du groupe Défense Conseil International pour la formation de plus de 700 membres de l’équipage et d’ingénieurs ainsi que Sofinfra, (filiale de Sofresa – acteur majeur de la vente d’armements français à l’Arabie Saoudite) pour la construction de plus de 20 000 m2 d’infrastructures, écoles et ateliers à Djedda.
De type La Fayette, les trois frégates saoudiennes (Al Ryadh, Makkah et Al Dammam) conçues par DCN, mesurent 133 mètres de long et 17 mètres de large. Elles ont un déplacement moyen de 4500 tonnes et sont dotées d’un système de traitement de l’information hautement automatisé, développé en commun par les sociétés Thales et DCN. Parmi les systèmes d’armes complexes qu’elles intègrent, figure en particulier le système SAAM (conduite de tir Arabel et missiles Aster 15) qui est déjà opérationnel sur le porte-avions Charles-de-Gaulle.
La troisième frégate Al-Dammam, construite comme les deux premiers navires à Lorient, poursuit actuellement ses essais à la mer.
Autre contrat d’envergure à signaler, celui de 12 Cougar AS 532 A2 « SAR de Combat » vendus à l’Arabie saoudite par la France en 1996. Produits par la société Eurocopter, filiale du géant de l’industrie européenne de défense EADS, les Cougar Mk2 version SAR (Search and Rescue) et SAR de Combat sont à l’origine conçus pour la récupération des équipages abattus en territoire hostile. Ces hélicoptères bimoteurs (Turbomeca Makila 1A2) de transport tactique tout temps de la classe des « 10 tonnes » sont donc prévus pour faire face à des contraintes opérationnelles de type « commando » et présentent des caractéristiques alliant rapidité de réaction (vitesse maximale : 296 Km/h), souplesse d’intervention (distance franchissable pouvant aller de 800 km à environ 2100 Km suivant l’utilisation de réservoirs optionnels et de convoyage) et surtout discrétion.
Ses moyens de navigation et son pilotage font appel à un puissant calculateur capable notamment d’interfacer l’ensemble des systèmes de positionnement disponible sur cet appareil (GPS, centrale inertielle, Doppler, VOR/TACAN/DME), ce qui procure à l’équipage une plus grande disponibilité et améliore considérablement la sécurité globale de l’appareil en vol grâce à la présence d’un pilote automatique numérique « 4 axes » développé par la société SFIM. De plus, l’utilisation de JVN (jumelles de vision nocturne) s’est véritablement banalisée tant dans le cockpit qu’en cabine.
L’autoprotection du Cougar SAR s’appuie sur toute une série de systèmes de brouillage électronique, détecteurs d’alerte radar, de leurres infrarouge et électromagnétique ainsi que d’un revêtement de peinture spécifique spécialement conçu en coopération avec le centre de recherche ONERA dépendant du ministère français de la Défense. Son armement peut comporter des canons de 20 mm et des pods roquettes (les Cougar saoudiens sont équipés de nacelles-canons NC 621 produits par Giat industries) installées sur bras d’armement extérieurs et deux mitrailleuses de 12,7 mm installées en sabords.
Les Cougar actuellement opérationnels en Arabie Saoudite semblent parfaitement satisfaire les autorités militaires saoudiennes qui, hormis les missions classiques pour lesquelles ils sont désignés et qu’ils remplissent avec une assez grande polyvalence, participent aussi, pour un  petit nombre d’entre eux, à des missions de lutte anti-terroriste et de surveillance de frontière mettant à rude épreuve, à la fois, machines et équipages.
Témoignant de la maîtrise et de la compétence acquise par les utilisateurs saoudiens des Cougar Mk2 SAR, une campagne de tests destinée à valider la capacité de ravitaillement en vol à partir d’un KC-130 Hercules, s’est effectuée avec succès en juin 2000 en coopération avec les forces aériennes saoudiennes. Confirmés en octobre de la même année, ces essais ont démontré la fiabilité du système de perche de ravitaillement en vol, pouvant équiper les Cougar, permettant leur mise en œuvre dans des conditions opérationnelles d’utilisation dont peu de forces de défense disposent dans le monde parmi lesquelles figure aujourd’hui l’Arabie saoudite.
D’autres contrats de fourniture d’armement et d’équipement de sécurité pourraient prochainement être initiés où sont en attente de concrétisation. Leur rythme d’avancement évolue variablement en fonction de critères liés évidemment aux besoins exprimés par les Etats-majors concernés, mais aussi de facteurs politiques et stratégiques qui apparaissent aujourd’hui comme éminemment déterminants à l’aune du « partenariat global et stratégique » qui lie l’Arabie saoudite et la France dans un  contexte plutôt favorable.
  Le projet de vente de Chars Leclerc de Giat Industries à l’Arabie saoudite qui a souvent été évoqué ces dernière années, en remplacement d’une partie du parc d’AMX 30 (environ 300) encore en dotations au sein des forces armées saoudiennes, bien que pour la plupart stockés en réserve, n’a toujours pas abouti, sans que son principe n’ai été jusque-là remis en cause. Faisant l’objet de discussions assez récurrentes, il n’est pas exclu que ce projet, fasse l’objet d’une rude compétition avec les Abrams M1A2 américain et Challenger 2 britannique et finisse par se préciser. Il sera vraisemblablement basé, dans ce cas, sur une version des plus moderne et récente du char Leclerc. Considéré par les experts comme un redoutable système d’arme évolutif, son coût de possession s’avèrerait, in fine, tout à fait convenable. Ayant fait la démonstration de son efficacité dans le cadre d’opérations extérieures alors que sa capacité de tir à haute cadence (Canon de 120 mm à âme lisse – obus flèche et explosifs) en roulant à la vitesse de 50 km/h en tout terrain, demeure un exploit rarement égalé parmi d’autres performances en terme de mobilité, de puissance de feu et de protection qui lui assurent un réel avantage opérationnel.
Les formes de guerre ont changé et la sécurité des nations exige et suppose des nouvelles combinaisons de moyens ainsi que des rapprochements entre forces militaires, forces de police, gardes-frontières, ou gardes côtes. Attirant l’attention des médias et régulièrement cité depuis de nombreuses années comme étant sur le point de se réaliser, un autre grand projet porterait, lui, sur la fourniture d’une infrastructure destinée à la surveillance des frontières de l’Arabie saoudite. Aussi appelé contrat « Miksa »*, il s’agirait en effet d’un énorme projet élaboré dans les années 1990 au niveau des ministères de l’Intérieur français et saoudien et entouré de l’attention personnelle des plus hautes autorités des deux Etats. Celui-ci prévoirait notamment la mise en œuvre d’un dispositif très complet de surveillance de près de 5000 km de frontières avec l’intégration de systèmes de détection radar, de communications sécurisées, de moyens de surveillance et d’intervention par hélicoptère, avions, drônes et vedettes spécialisés. Seraient également concernées la construction de multiples points de contrôle de frontières, l’édification d’un quartier général, la formation des personnels correspondants et une assistance technique spécifique.
Estimé, selon les analystes, à plusieurs milliards d’euros, la maîtrise d’œuvre de ce contrat, une fois signé, en principe, d’Etat à Etat, sans qu’aucune échéance précise ne soit pour le moment connue, devrait en grande partie bénéficier à la société Thales ainsi qu’à de nombreuses autres sociétés appartenant à l’industrie de défense française et européenne et participant à l’élaboration de son vaste programme industriel.
Tous ces projets, malgré leur ampleur et leur haut niveau de technologie restent cependant relativement modestes comparés aux importants contrats régulièrement remportés par l’industrie américaine et britannique de défense ces 20-30 dernières années et dont les équipements militaires, seront vraisemblablement pour longtemps encore, significativement prépondérants, même si l’on note quelques sensibles nouvelles orientations.
La détermination avec laquelle les autorités saoudiennes affichent leur volonté de poursuivre une politique de diversification des sources d’approvisionnement en matériel de défense ne fait cependant aucun doute. Celle-ci n’est d’ailleurs pas nouvelle, si l’on en juge par les ouvertures en direction de la France et de l’Europe certes, mais aussi de la Chine, du Brésil, de l’Indonésie, du Pakistan et même de la Russie.
Au demeurant, conscient de la nécessité de moderniser son outil de défense autant que d’améliorer considérablement l’efficacité opérationnelle de ses forces au combat, il est quasiment acquis que la priorité des priorités sera accordée à la formation et à l’entraînement des forces saoudiennes dans le but d’accroître leur mobilité et leur réactivité sur le champ de bataille, avec la formation d’unités encore plus spécialisées, de type commando, aptes à répondre aux nouvelles menaces d’une guerre moderne.
De ce point de vue, comme le mentionne judicieusement Jean-François Seznec** dans son article paru dans la revue « Monde arabe Maghreb Machrek », le ministère de l’Intérieur saoudien actuellement placé sous la responsabilité directe du Prince Naîef Bin Abdulaziz Al Saoud, joue déjà un rôle essentiel en matière de sécurité pour le Royaume et représentera un enjeu majeur du dispositif et de l’architecture de sécurité de l’Arabie saoudite en complément de la panoplie d’armements très sophistiqués qui équipent ou équiperont demain les forces armées saoudiennes. De par son organisation actuelle en cours d’évolution, le ministère de l’Intérieur peut en effet, d’ores et déjà, compter sur une infrastructure et des effectifs en personnel importants. Il dispose, outre des services de renseignement, d’une unité anti-terroriste de près de 1200 hommes, de près de 10 500 gardes frontières et de 15 000 officiers de police qui, situés au premier rang de la lutte contre le terrorisme, font indubitablement de lui un interlocuteur de premier plan en matière de coopération.  BERANGER   

* SBGDP-MIKSA (Saudi Border Guard Program-Ministry of Kingdom of Saudi Arabia).
** Jean-François Seznec, Maître auxiliaire à l’Université de Columbia, auteur de l’article « les forces militaires saoudiennes sous le règne de Fahd ben Abdelaziz » paru dans le N°174 de la revue Monde arabe Maghreb Machrek – oct-dec 2001 – la documentation française.
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