Le 7 avril 1604, Pierre Dugua de Monts embarque au Havre-de-Grace avec un vaste équipage et trois associés, Samuel Champlain, Jean de Potrincourt et François Du Pont-Gravé. Ils partent pour rejoindre les terres que le navigateur florentin Giovannni Da Verrezano avait baptisé du nom d’« Acadie » et dont Jacques Cartier avait pris possession pour la France en 1534. Arrivé un mois plus tard dans la Baie de Passamaquody, De Monts fonde, avec quatre-vingt colons, le premier établissement français permanent en Amérique du Nord sur une petite île qu’il nomme « Sainte-Croix ». Celui-ci sera délaissé pour le site de Port-Royal, fondé en 1605, qui deviendra avec Québec, fondé en 1608, le point d’ancrage de la présence française au Canada, puis le centre névralgique de l’Acadie.
Confronté à la rivalité que se livrent Français et Anglais sur les terres canadiennes tout au long du XVIIème siècle, la communauté française peine à s’agrandir. Progressivement, elle invente une nouvelle identité, fruit de l’adaptation à ce nouvel environnement et de la rencontre avec les amérindiens Abénakis, Micmacs et Malécites. Après la conclusion du Traité d’Utrecht, en 1713, qui fait définitivement passer les colonies françaises sous domination anglaise, s’ouvre paradoxalement une période de prospérité pour le peuple acadien. Comptant alors quelque 1 700 habitants, vivant principalement dans la région de Port-Royal et de la baie de Fundy, la population s’est multipliée par 10 en quarante ans. Au milieu du XVIIème siècle, elle avait atteint 18 000 âmes. Ce fut alors l’apogée de l’Acadie : refusant de prêter serment d’allégeance aux Anglais, les Acadiens furent arrachés de leurs terres et massivement déportés vers d’autres colonies anglaises.
De l’histoire tragique de ce peuple sans frontières, il reste aujourd’hui des traces que les Canadiens se sont efforcés de préserver que ce soit sur le site de la Grand’Pré ou à Port Royal, où l’habitation de Samuel Champlain fut reconstruite en 1939. Les remparts du fort de Beauséjour sont encore visibles dans ce qui est aujourd’hui un parc historique national. A Rivière-du-Nord, près de Caraquet, le Village historique acadien fait revivre les coutumes de de ses anciens habitants. En France également, l’Acadie demeure présente dans toutes les villes et villages de ses côtes atlantiques, d’où sont originaires les grands personnages qui ont marqué ce passé commun : Jacques Cartier, Samuel Champlain, les Razilly, Potrincourt, mais aussi les pionniers, les Granger, les Daigre, les Mélanson… A Belle-Ile-en-Mer, le plus grand fief acadien de France, on ne trouve ni parc historique, ni musée, mais c’est l’île entière qui respire deux siècles de présence acadienne.
Le Canada replonge ainsi en 2004 dans ces racines françaises et acadiennes, et qui forment aujourd’hui une part importante de son histoire unique. Parmi les différentes manifestations qui émailleront l’année 2004, la Maison Champlain à Brouage, ville natale du célèbre cartographe, en Charente-Maritime, ouvrira ses portes en juillet prochain pour exposer les différents aspects du patrimoine commun qu’ont partagé les deux nations. L’exposition « Le Canada vraiment » tente, en revanche, depuis décembre 2003 de donner un aperçu du Canada moderne à la Cité des Sciences de la Villette à Paris. C’est aussi dans ce contexte exceptionnel que Français et Canadiens ont décidé de resserrer une fois de plus des liens et une solidarité mutuelle éprouvée maintes fois déjà, et dont le souvenir le plus récent demeure la participation canadienne au Débarquement des forces alliées en Normandie il y a 60 ans. C.H.
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