Lundi 22 Avril 2019  
 

N°124 - Quatrième trimestre 2018

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Les atouts d’un géant revitalisé

En l’espace d’une dizaine d’années, la performance canadienne à de quoi couper le souffle. Au bord du gouffre financier au milieu des années 90, le Canada affiche, en 2003, son septième excédent budgétaire consécutif et a fait la preuve de sa résistance au ralentissement de l’économie mondiale depuis 2000. La performance est d’autant plus impressionnante que l’économie canadienne est désormais résolument tournée vers les secteurs d’avenir, tels que les nouvelles technologies de l’information ou les biotechnologies. Le Premier ministre français Jean-Pierre Raffarin, en visite à Ottawa en mai 2003, déclarait ainsi « le XXIème siècle a trouvé son pays, le Canada », manifestant également son admiration à l’égard du succès des réformes conduites tout au long des années 90.
Orchestré par l’actuel Premier ministre Paul Martin, alors Ministre des Finances du gouvernement de Jean Chrétien de 1993 à juin 2002, le redressement des finances publiques a mis en œuvre une minutieuse revue de l’ensemble des services de l’Etat. Des efforts radicaux ont alors été accomplis comme la privatisation des transports publics, la fermeture de centaines de bases militaires, la suppression de certaines subventions ou la réduction des transferts aux provinces. C’est d’ailleurs sur ce plan que le gouvernement fédéral concentre désormais son action, les provinces, en but à l’accroissement des dépenses de santé et d’éducation, ayant des difficultés à présenter un budget équilibré. Néanmoins le constat est sans appel : le gouvernement est parvenu à transformer le déficit de près de 25 milliards d’euros en 1993 en un excédent de 4,48 milliards d’euros pour l’exercice 2002-2003, faisant du Canada le seul pays du G7 à réaliser une telle performance. Les surplus budgétaires successifs ont été employés à réduire une dette publique monstrueuse (68,4% du PIB en 1995) qui est tombée aujourd’hui à 40% du PIB. Cet effort lui a permis d’engager dès 2000 un plan de réduction des impôts des citoyens et des sociétés qui sont devenus plus faibles qu’aux Etats-Unis.
A l’image d’Ottawa devenue en quelques années une Sillicon Valley du Nord ou encore de Montréal, figurant parmi les pôle mondiaux de l’aéronautique, le Canada a également su adapter son économie. Depuis le lancement du premier plan de développement du secteur des biotechnologies en 1983, par exemple, le gouvernement fédéral n’a jamais relâché son effort, portant le pays au second rang mondial de ce secteur qui compte aujourd’hui 417 sociétés spécialisées.
L’« innovation » est en fait au cœur du dynamisme de la société canadienne. Aucun domaine n’y échappe, pas même la politique, chaque gouvernement cherchant à imprimer sa marque en matière de gouvernance. Mais, c’est évidemment sur le plan de la recherche que l’effort est le plus crucial. Décidé à rattraper le retard, le gouvernement fédéral a lancé, en 2002, une « Stratégie pour l’innovation » et s’engageait, début 2003, à investir 1,05 milliard d’euros sur cinq pour stimuler l’innovation. Cette initiative aspire à placer le Canada, dans la décennie à venir, en tête des pays les plus novateurs et dont l’économie est la plus tournée vers la recherche. Elle vise plus concrètement à favoriser la création mais surtout la commercialisation du savoir, associant pouvoirs publics et universités dans un but commun, les uns par leur soutien financier, les autres par leur engagement à assurer un rendement économique et social de l’investissement public, en particulier en termes de création d’emplois et de richesses. En cherchant à accroître la productivité, cette initiative s’inscrit aussi dans le cadre plus large de ce qui demeure le grand défi que doit encore relever le Canada selon l’OCDE, à savoir supprimer l’écart croissant de revenu par habitant avec les Etats-Unis et devenir un pays où il fait mieux vivre et travailler.
Situé au 9ème rang des pays d’accueil de l’investissement étranger, avec 18,05 milliards d’euros de stocks d’IED en 2002, le Canada offre déjà un cadre dynamique et des avantages favorables à l’activité économique, notamment en termes de main-d’œuvre de qualité, moins coûteuse que la main-d’œuvre américaine, et de fiscalité. La dernière étude réalisée par KPMG sur les coûts des entreprises à l’échelle internationale, consacre ainsi, de nouveau en 2003, le Canada comme « le territoire le plus accueillant en termes de coûts d’implantation des entreprises » sur les 9 pays étudiés, affichant un avantage compétitif de 14,5% par rapport aux Etats-Unis qui servent de base à la comparaison (la France arrivant en 5ème position).
Cultivant une identité bilingue, le Canada offre pour les entreprises françaises un marché privilégié, d’autant plus qu’il se présente comme une véritable porte d’entrée sur l’Amérique du Nord. Hissée brièvement au premier rang des investisseurs étrangers en 2000, grâce aux opérations de rachat de Seagram par Vivendi et de Newbridge par Alcatel, la France, détenant plus de 9% du stock d’investissements étrangers soit 19,95 milliards d’euros, se maintient depuis lors au second rang, au coude à coude avec le Royaume-Uni (7,5%). Cette présence demeure néanmoins modeste en raison du fort degré d’intégration des économies américaines et canadiennes, les Etats-Unis détenant 64,2% des investissements étrangers.
Si les dernières années n’ont pas donné lieu à des opérations de grande envergure de la part des entreprises françaises, il faut néanmoins considérer la continuité de leur participation à de grands projets de l’industrie canadienne. Technip CSO Canada Ltd, filiale de Technip-Coflexip, participe ainsi au développement de l’industrie offshore de Terre-Neuve, en décrochant un contrat de 165 millions d’euros, par Husky Oil Operations Ltd pour la mise en œuvre d’un système sous-marin de production qui devrait être installé en mer, sur le champ de White rose, au cours de l’été 2004. L’équipementier français Alstom participe quant à lui au programme de développement hydro-électrique de la Baie James en signant une nouvelle coopération avec Hydro Québec, à travers sa filiale Société d’Energie de la Baie James, pour le renforcement des capacités de la centrale hydro-électrique d’Eastmain 1A.
La province de Québec continue de jouer un rôle clé dans l’implantation des entreprises françaises au Canada, accueillant les sièges sociaux de 63% d’entre elles selon la Mission économique française de Montréal. Cependant, de plus en plus d’entreprises françaises s’intéressent aux autres provinces comme l’Ontario qui concentre le tiers des implantations françaises. Plus à l’Ouest, en Colombie-Britannique, Soprema a investi près de 9,34 millions d’euros dans la construction d’une usine de production de rouleaux d’étanchéité à Chilliwak, près de Vancouver, pour alimenter l’Ouest canadien et développer ses relations avec l’Asie. Dans le secteur des services, JC Decaux, leader du mobilier urbain a fait une entrée remarquée dans le marché canadien en remportant un contrat de 150 millions d’euros sur 20 ans pour équiper Vancouver, la troisième ville canadienne, en s’associant avec le géant américain Viacom.
Aux côtés des grands groupes français, les PME-PMI ne sont pas non plus en reste. En marge du forum d’affaires Futuralia qui s’est tenu en 2003, pour la seconde fois au Québec, des entreprises québécoises et françaises se sont entendues sur une vingtaine de projets d'une valeur totale de plus de 35 millions d’euros, concernant notamment l'Institut national d'optique du Québec et le Conseil régional d'Aquitaine de Bordeaux pour le développement de technologies au laser.
A l’instar de Mecachrome qui a préféré Montréal à Seattle pour son développement international, le Canada démontre enfin toute sa capacité à concurrencer les Etats-Unis dans les secteurs de haute technologie auprès des groupes français. Le constructeur de moteur de Formule 1 s’est en effet lancé à la conquête du secteur aéronautique canadien en rachetant en 2002 Atelier d’usinage Aéro. En janvier 2004, il inaugurait la nouvelle usine Aéro Mecachrome dans la banlieue nord de Montréal. C.H.

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