Par Mme Catherine Poujol, Professeur d’histoire de l’Asie centrale à l’Institut national des Langues et Civilisations orientales
Après bientôt quinze ans d'indépendance, nul n'ignore aujourd'hui où se trouve le Kazakhstan. Si l’on pouvait à la rigueur, le définir jusqu'au 16 décembre 1991 comme République Fédérative de l'URSS située quelque part dans le ventre mou d'une Eurasie aux limites imprécises, ce n'est plus le cas à présent.
Les décennies soviétiques l'ont doté de frontières, parmi les plus longues du monde (près de 7 000 km avec la Fédération de Russie au nord), avec la Chine à l'est, le Kirghizstan, l'Ouzbékistan, au sud et le Turkménistan à l’ouest. La fin de l’URSS l’a fait surgir sur la scène internationale avec son territoire imposant (2 700 000 km2) et ses richesses naturelles infinies.
Peuplé d'environ 16 millions d'habitants dont 52% de Kazakhs et 32% de Russes, il n'a d'autre choix pour construire son futur que celui de valoriser les atouts stratégiques, économiques et culturels dont son histoire et sa géographie l'ont généreusement pourvu. S'il fut, par le passé, un morceau conséquent de l'empire de Gengis Khan, il fut aussi un pan de l'empire tsariste, recelant en son sein, le fameux « pivot du monde » défini par le stratège Sir Halford Mackinder, avant de devenir le grenier à blé de l'URSS, le lieu de repli ou de relégation de nombreux peuples et, surtout, grâce à son sous-sol généreux, la tête de pont d’une industrialisation intense dont le coût humain fut exorbitant.
Ainsi, l'histoire du XXème siècle ne l'a pas épargné, tout en le façonnant dans une étonnante modernité, celle qui, au moment de la disparition du système soviétique, a donné naissance à une nation qui se cherchait depuis plusieurs décennies déjà.
Cette nation constituée d’anciens nomades sédentarisés par la force, mais encore pétris d’un certain complexe dû à l’immatérialité de leur mémoire et de leur culture (outre les kourgans et les pétroglyphes qui parsèment la steppe), démontre une rare capacité d'adaptation aux changements, de réaction à l'innovation. Elle possède une liberté de mouvement, d’ouverture et d'action que n'ont pas les sédentaires des oasis de l’ancien Turkestan voisin (les actuelles républiques de l'Ouzbékistan et du Tadjikistan), voire les Russes. Ces qualités leur ont été sans doute bien utiles pour répondre aux défis qui s’annonçaient…
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