Par S.E.M. Youri Ryjov, ancien Ambassadeur de Russie en France de 1992 à 1999*
J’ai eu l’honneur d’être ambassadeur en France durant sept ans, de 1992 à 1999. Ce fut une période merveilleuse et décisive tant dans l’histoire de mon pays que dans le processus d’abolition des principaux bastions, mythes et symboles de la confrontation Est-Ouest, autrement dit, dans l’achèvement de la guerre froide. Ma mission durant ces années-là m’a apportée une immense satisfaction et confortée dans ma conviction que la Russie ne manquerait pas de devenir un partenaire naturel de l’Union européenne, jouissant de droits égaux, dans la mesure où, malgré son histoire tragique, en particulier au cours du XXème siècle, elle était et demeure, de par sa civilisation, sa culture et son économie, une partie organique et importante de l’Europe.
Dans la mesure où je n’étais pas un diplomate de carrière, encore moins de l’époque soviétique**, j’ai cherché durant ces années-là à élargir la coopération entre la Russie et la France dans un domaine qui m’était cher, à savoir la recherche scientifique. Quelques résultats furent obtenus à l’époque, notamment dans le développement de travaux conjoints entre des chercheurs français et l’Institut d’aviation de Moscou (MAI, dont j’étais le recteur avant mon départ pour Paris en janvier 1992) sur les problèmes fondamentaux de la combustion supersonique, appliqué à la création d’un moteur à réaction hypersonique à flux direct, travaux qui se poursuivent encore de nos jours.
La coopération dans ce domaine concret aurait pu s’avérer plus productive sans les résidus de la psychologie de la guerre froide subsistant alors dans la mentalité des administrations russes qui contrôlent la coopération scientifique et technique entre les organismes russes et leurs partenaires étrangers.
Je me souviens de ma visite au Centre spatial de Kourou, lors du lancement d’Ariane-4 et de l’échec du premier tir d’Ariane-5. Et je me réjouis à l’idée que bientôt des fusées porteuses russes partiront de ce centre.
Je ressens une grande satisfaction au vu des succès obtenus dans les travaux conjoints sur les satellites géostationnaires, menés par mes vieux amis de Krasnoïarsk (établissement qui porte le nom de l’académicien Mikhail Rechetnev) et leurs partenaires français. Nous avons commencé la mise en place de ce projet concret au milieu des années 90 avec mes anciens collègues et amis, avec l’académicien Mikhail Rechetnev, décédé depuis, et Youri Koptev, qui dirigeait à l’époque Rosaviakosmos. Nous avancions lentement, surmontant bien des difficultés. Mais, aujourd’hui, c’est une réussite incontestable.
Je remercie donc le destin pour ces sept années, je remercie mes collègues russes et français pour leur aide, leur collaboration et leur compréhension, même si durant ces années, je ne me suis pratiquement pas occupé de ce pourquoi j’avais été formé et de ce que je connais, l’aérodynamique.
*S.E.M. Youri Ryjov est membre de l’Académie des Sciences de Russie, Grand Officier de la Légion d’Honneur.
**Je me considère comme un spécialiste en aérodynamique, dynamique des gaz, dynamique du gaz raréfié.
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