«Pays du feu », où le naphte, affleurait aux abords de la Caspienne, l’Azerbaïdjan du fait de sa position, à la jonction de l’Europe et de l’Asie, entre mer Méditerranée et mer Caspienne, mer Noire et mer d’Azov s’est toujours trouvé au centre d’un riche courant d’échanges entre l’Orient et l’Occident, longtemps symbolisé par la route de la Soie qui a réuni ces deux extrémités du monde connu, du IIIème siècle avant JC jusqu’au XVème siècle. Par une autre route, celle des Epices, circulèrent aussi parfums et encens, poivre noir, œillets. De tout temps, l’Azerbaïdjan a attiré les convoitises pour ses richesses, le naphte, le coton, l’huile d’olive, le safran, l’esturgeon et le caviar noir. La soie et les habits de soie du pays étaient aussi réputés.
Situé en plein centre du Caucase, l’Azerbaïdjan a joué ainsi un rôle important dans les échanges culturels, la circulation des idées et des produits entre les pays et les nations. Son territoire historique couvrait 320 000 km2 s’étendant de Derbent au nord à Hamadan au sud, des rives de la Caspienne à l’Est à l’Asie mineure et à la Géorgie à l’Ouest. Pendant des siècles Turcs, Russes et Perses s’affrontèrent dans le Caucase, conduisant au démembrement des territoires historiques des Azéris. Leur pays a été d’abord conquis par les Perses au VIème siècle, puis converti à l’islam chiite au VIIème siècle, avant de subir l’influence turque au XIème siècle. La venue des Mongols au XIIIème siècle ouvrit une longue période d’instabilité. Divisé en khanats et sultanats, le pays ne put résister à la pénétration russe, devenue conquête au début du XIXème siècle. Les officiers du tsar entrèrent à Bakou en 1806. Certains khans s’en accommodèrent, d’autres résistèrent à l’ « infidèle ». Après la défaite perse de Gandja, la portion occidentale du pays passa sous domination russe. Ces tumultes et échanges ont suscité une extraordinaire juxtaposition de minorités ethniques et religieuses, où coexistèrent Grecs du Pont Euxin, Juifs, Germains et Kurdes, Avars et Tatars, nouveaux Assyriens et Ukrainiens, Russes, Biélorusses, Arméniens, Géorgiens, Lezguiens …
Aujourd’hui on dénombre 40 millions de personnes parlant l’azéri, 30 millions vivant sur les territoires ayant constitué le berceau de leur peuple d’origine, le reste dispersé dans le monde, Russie, Géorgie, Kazakhstan, Irak, Etats-Unis, France, Allemagne…
Ce sont les voyageurs arabes des IXème et Xème siècles qui firent la première fois mention de Bakou. Parmi les voyageurs qui se rendirent aux bords de la Caspienne, c’est le pittoresque Alexandre Dumas qui rapporta peut-être l’image la plus vivante et la plus colorée de cette terre dans son « Voyage au Caucase ». Le romancier saisit d’emblée l’importance du naphte, l’huile de pierre, le pétrole toujours léger, et transparent quand on l’épure… ». Le célèbre romancier frappé par la connaissance qu’avaient ses hôtes de la culture et de la pensée françaises tomba sous le charme de Bakou dont le nom signifie « Niche des Vents » et qu’il décrivait par ces mots : « Par son ciel, par sa mer, par ses bâtisses, par ses productions, par les poissons qui peuplent ses rivières, par les animaux qui régissent ses forêts, par les reptiles qui rampent dans ses steppes, par les insectes qui vivent sous ses rochers, par les atomes qui peuplent son atmosphère… ». Il en vanta la riche tradition poétique avec ses grands noms Nizami Gandjavi et la grande poétesse Natavan, aussi belle que talentueuse rapporte-t-il.
A la fin de la Première Guerre mondiale, c’est presque naturellement vers la France que se tournèrent plusieurs représentants illustres de l’intelligentsia azerbaïdjanaise. Banine fit de la France sa seconde patrie. Alimardanbay Topchibachev, Président du Parlement et chef de la délégation azerbaïdjanaise au congrès de Versailles choisit Saint-Cloud pour dernière demeure.
En septembre 1920, l’Internationale organisa à Bakou le congrès des peuples de l’Orient, afin de mobiliser les masses de l’Orient contre l’impérialisme. Durant la période de l’URSS, l’Azerbaïdjan fut considéré comme une des vitrines de l’islam soviétique, destiné à séduire les musulmans d’Asie centrale. Moscou se donna alors pour mission de constituer une identité et une culture azérie, indépendante de la filiation turque. C’est à Bakou que fut construite la première ligne de chemin de fer électrifiée d’URSS.
Le pays peut s’enorgueillir d’avoir donné naissance à un des plus grands chimistes pétroliers de tous les temps en la personne de Youssef Mammadaliyev, né en 1905. Issu d’une famille de lettrés, après avoir étudié la chimie avec les plus grands maîtres à l’Université de Moscou, il est retourné à Bakou à la fin des années 1920 où il s’est attelé avec grand succès au développement du secteur des hydrocarbures. Il fut le premier à avoir préconisé d’utiliser le gaz associé, brûlé auparavant dans les torchères. C’est lui qui, dans l’immédiate après guerre, a produit le premier caoutchouc synthétique. Mais auparavant, il avait grandement contribué aux succès de l’aviation de chasse soviétique en mettant au point un kérosène particulièrement performant. Ses découvertes ou inventions ont joué un rôle dans l’avance que prit un moment l’URSS dans la course dans l’espace puisqu’il élabora des combustibles pour les fusées interplanétaires. Un moment pressenti par le comité Nobel, la distinction suprême ne lui pas été décernée certainement en raison de ses origines ethniques et du fait qu’il avait indirectement contribué à l’effort de guerre soviétique. Président de l’Académie des Sciences d’Azerbaïdjan, il connut une large consécration internationale, avant de s’éteindre en 1961.
Ce rôle traditionnel de carrefour entre monde slavo-russe, persan et turc, l’Azerbaïdjan d’aujourd’hui se doit pleinement de l’assumer. La tâche n’est pas assurément aisée à l’heure de la globalisation et des impératifs économiques. Mais le pays en a les moyens et la volonté. Déjà il assume ce rôle de plateforme en matière pétrolière et gazière, se situant à la charnière du Caucase et de l’Asie centrale. Bien que le paragraphe 1 de l'article 21 de la Constitution de 1995 proclame que « la langue azerbaïdjanaise est la langue officielle de la République », les langues minoritaires ne sont pas interdites ni oubliées. En effet, le paragraphe 3 de cet article stipule que « la République azerbaïdjanaise garantit le libre usage et le développement des autres langues parlées par la population» : l'azéri (ou azerbaïdjanais), langue parlée par 90,6% de la population d'Azerbaïdjan est une langue turcique appartenant à la famille altaïque au même titre que le turc, le turkmène, l'ouzbek, l'ouïgour, le kazakh, le kirghiz, le tatar, etc. L'azerbaïdjanais est également parlé dans le sud du Daghestan (Russie), en Arménie, en Géorgie, au Kazakhstan, au Turkménistan, en Ouzbékistan, au Kirghizstan et même en Estonie (immigrants).
Le pays assume avec audace la pluralité de ses cultures. Il y a ainsi en Azerbaïdjan de nombreux centres culturels nationaux tels que la Société des communautés, le Centre de la communauté russe, le Centre culturel slave, l'Association Azerbaïdjan Israël, le Centre communautaire ukrainien, le Centre culturel kurde Ronai, le Centre culturel tat, la Communauté azéri-tatare, l'Association des Tatares de Crimée, l'Association géorgienne, l'Association ingouche, le Centre culturel tchétchène, l'Association akhyska-turque Vatan, l'Association des Juifs des montagnes, d’Europe et géorgiens, l'Association culturelle allemande Karelhaus, le Centre culturel polonais Polonia et d’autres encore.
La Cité fortifiée de Bakou, décrite si suavement par Alexandre Dumas, avec le palais des Chahs de Chirvan et la tour de la Vierge ont été inscrits en 2000 sur la liste du patrimoine mondial de l’UNESCO. D’autres sites ont été soumis à l’inscription. Après l’exposition réussie « Bakou Paris » au musée de l’Orangerie en 2004, le projet d’une grande année azérie en France permettra au public français de redécouvrir l’Azerbaïdjan, ses œuvres plastiques, ses mélopées envoûtantes du mugham, l’œuvre des compositeurs Uzeir Hajibejov et Qaraev. Quant aux touristes qui se rendront en Azerbaïdjan, ils auront l’occasion de découvrir les monuments qui ont égrainé la route de la Soie, dont bon nombre ont été restaurés ou seront restaurés. Ils sentiront planer sur ces terres les ombres d’Alexandre le Grand, de Byzance, des Sassanides, des Arabes, des Mongoles, des Osmanlis, des Russes qui chacun ont laissé des traces de leur puissant génie artistique, de magnifiques bijoux d’or et d’argent, des ceintures de femmes, des boucles d’oreilles, des bracelets, des colliers, des anneaux, des bagues, des boutons, des tapis, des dessins et tableaux. P. B.
|