Par le Colonel Raymond Ch. Hodgkins, Attaché de Défense et militaire à l’Ambassade des Etats-Unis en France
On m’interroge souvent sur les relations entre les forces armées américaines et françaises. Je réponds sans hésiter que ces relations sont bonnes, solides et en constant développement. Amis et alliés, nous discutons ensemble, sans toujours être d’accord, mais en fin de compte, nous finissons par nous réconcilier pour servir des intérêts communs, en nous respectant mutuellement. Après presque 225 années d’amitié, la France continue d’être un allié majeur des Etats-Unis et une puissance militaire aux dimensions internationales avec laquelle les Etats-Unis coopèrent tous les jours. Ces relations basées sur le respect mutuel et le dialogue peuvent être attribuées à nos valeurs communes et
aux orientations politiques qui nous guident à travers la multitude de problèmes liés à la sécurité auxquels nos deux pays, tout comme la communauté internationale, doivent continuer à faire face. Aujourd’hui, nos militaires servent côte à côte partout dans le monde, en raison même de cette identité de croyances et de principes, comme ils l’ont fait depuis le début de la plus ancienne alliance qu’ait scellée l’Amérique, celle qui l’unit à la France depuis plus de deux siècles.
Les événements qui se sont déroulés depuis les attentats du 11 septembre 2001, ont conduit, à terme, à une coopération militaire accrue entre la France et les Etats-Unis. Depuis le début de l’opération
« Liberté immuable » (Enduring Freedom), peu après le 11 septembre, les forces armées françaises ont participé à l’ensemble des opérations, à la fois en Afghanistan et dans la corne de l’Afrique. La France contribue, de façon significative, à la Force internationale d’assistance à la sécurité conduite par l’OTAN et a récemment pris la tête du Commandement régional à Kaboul. L’Armée de Terre française a largement contribué, aux côtés de l’Armée de Terre américaine, à l’entraînement et à la formation de l’Armée nationale afghane depuis sa création en 2002. L’Armée de l’Air française a déployé des avions de combat pour soutenir les forces de la coalition en Afghanistan, et la Marine nationale a déployé le porte-avions Charles de Gaulle, avec sa flottille aérienne de combat à quatre reprises depuis 2002. Toutes ces missions ont été menées conjointement avec les forces armées américaines, déployées dans ces diverses régions, intensifiant encore les liens qui unissent nos deux
armées.
Dans le domaine des opérations de soutien de la paix, nous considérons la France comme un élément de premier plan de nombreuses missions internationales. Nos forces armées ont servi ensemble depuis le milieu des années 1990 pour assurer la paix dans les Balkans et dans d’autres régions en proie à des troubles partout dans le monde, et ont également contribué aux efforts de maintien de la paix en Haïti lors de l’opération « Secure Tomorrow ». Les forces armées américaines recherchent activement les moyens de soutenir la démocratie et les libertés individuelles en Afrique, où grâce à l’expérience inestimable de la France, nous espérons avancer en sollicitant régulièrement les forces armées françaises pour nous permettre de mieux connaître cette partie du monde.
Avec la fin de la guerre froide, il y a eu moins d’occasions d’entreprendre des opérations interarmées entre les forces armées françaises et américaines. Compte tenu du changement du climat politique international, l’implication des forces américaines en Europe a grandement diminué ces deux dernières décennies, les forces restantes étant régulièrement engagées pour soutenir nos opérations au Moyen-Orient. De la même façon, les forces françaises sont régulièrement impliquées, et assurent un rythme opérationnel constant et une posture de forces en déploiement sur la scène internationale, égalé par bien peu d’autres alliés.
Toutefois, malgré ces exigences opérationnelles mutuelles contraignantes, nos pays continuent à trouver des circonstances favorables pour s’entraîner et opérer ensemble avec succès. Cette année uniquement, un peloton de « Marines » des Etats-Unis a participé à un exercice amphibie d’entraînement interarmées avec les Troupes de Marine française et, dans le cadre des sauts en parachute organisés lors des commémorations annuelles du Débarquement à Sainte-Mère-Eglise, les parachutistes américains et français ont pris part à un « échange de brevets » (« wing exchange ») en s’entraînant et en sautant ensemble.
De tels exercices, même s’ils peuvent parfois paraître restreints, sont extrêmement bénéfiques pour nos deux pays car ils favorisent l’interopérabilité et entretiennent la bonne volonté et le sens du devoir qui unissent les militaires français et américains. Si un jour le besoin s’en faisait sentir, le maintien d’un haut niveau de confiance dans les capacités de nos alliés est indispensable pour s’assurer que nos forces peuvent facilement s’intégrer pour réaliser au mieux des objectifs communs. Nous promouvons également l’interopérabilité en favorisant et en soutenant les programmes d’échanges de stagiaires de nos forces armées. Depuis les élèves-officiers jusqu’aux
responsables de haut niveau, le système d’enseignement militaire professionnel français continue à produire des officiers bien entraînés et hautement qualifiés, issus des prestigieuses institutions militaires françaises.
Naturellement, nous ne pouvons pas parler de la France sans faire référence aux relations qui nous lient dans un cadre plus large, l’une des plus durables et des plus puissantes alliances de l’histoire, celle de l’OTAN. Les forces armées américaines considèrent l’OTAN comme le
principal canal de l’engagement militaire de nos alliés européens. Nous nous interrogeons constamment sur les différentes façons dont l’OTAN peut servir à promouvoir la démocratie et la stabilité. Nous sommes heureux que la France soit parmi les premiers pays qui fournissent des capacités et des troupes aux différentes missions de l’OTAN ; qu’elle soutienne la transformation de l’OTAN et qu’elle apporte d’importants moyens à la force de réaction de l’OTAN. Enfin, pour prouver notre détermination à nous engager aux côtés de notre allié français, les Etats-Unis mettent des militaires à disposition de l’Etat-Major de la Force de réaction rapide française dans ses composantes terrestres, aériennes et maritimes, de concert avec la Force de réaction de l’OTAN. C’est ainsi la première fois depuis la fin des années 1960 que des membres des forces armées américaines stationnent de façon permanente en France sous l’égide de l’OTAN.
Indépendamment du climat politique en perpétuelle évolution, l’interopérabilité entre les militaires français et américains sera toujours la clé de voûte de nos politiques de défense et constituera une priorité pour nos états-majors. C’est ce qu’a résumé au mieux Mme Michèle Alliot-Marie, Ministre français de la Défense, le 19 octobre 2006, à l’occasion d’une visite aux Etats-Unis pour célébrer le 225ème anniversaire de la victoire alliée à Yorktown, en Virginie, en déclarant : « Notre pacte d’amitié scellé à Yorktown a toujours été respecté. Nos deux pays ont l’intention de toujours l’honorer. Oui, pour nous, notre amitié est quelque chose de précieux. »
Récemment, lors d’une cérémonie organisée à l’Ambassade américaine à Paris, les Etats-Unis ont rendu hommage au sacrifice suprême consenti par un membre des commandos français, dont la conduite héroïque en Afghanistan illustre les plus hauts idéaux du commandement, des services rendus à la nation et de l’engagement pour une cause commune. Le Maître principal Loïc Le Page, de la Marine nationale, a donné sa vie pour ces idéaux dans un violent combat, le samedi 4 mars 2006 au matin, alors qu’il servait avec les forces de la coalition dans le cadre de l’opération « Liberté immuable », dans la vallée de Maruf, en Afghanistan. Ce fut un honneur pour nous de récompenser les actes de bravoure du Maître principal Le Page, en lui décernant, à titre posthume, la « Bronze Star Medal for Valor ». Il n’existe pas de sacrifice plus grand.
Alors que nous continuons à faire face aux incertitudes du futur, nous avons la conviction que nos perspectives d’avenir sont prometteuses car nous pourrons faire face, aux côtés de nos alliés français, aux problèmes auxquels nous serons confrontés. Notre alliance née des circonstances et de valeurs communes, renforcée sur le champ de bataille et mûrie dans la paix, ne s’évanouira jamais dès lors que nos forces continuent de promouvoir les valeurs de la démocratie que nos deux pays ont juré de préserver. |