Archipel d’à peine 710 km2, conscient des faiblesses mais aussi des atouts de son insularité, Bahreïn joue depuis près d’un siècle la carte de l’avant-gardisme pour diversifier ses sources de revenus et maintenir ainsi la position incontournable qu’il occupe dans les échanges au Moyen-Orient. Après le pétrole et la finance, c’est désormais avec le tourisme que le royaume poursuit la diversification de son économie.
Depuis quelques années, les monarchies du Golfe rivalisent d’inventivité à coup de projets colossaux pour ériger des complexes touristiques de haut de gamme. Bahreïn n’est pas en reste avec un projet pharaonique de 1 milliard de dollars : le Durrat Al Bahrain doit faire surgir un atoll artificiel composé de treize îles, au sud du pays. C’est dans cette région que le gouvernement entend bâtir un pôle touristique qui placera le royaume au premier rang des destinations touristiques du Golfe. Pour y parvenir, Manama ne lésine pas : en 2004, elle décrochait après seulement 16 mois de travaux et moyennant un investissement de 140 millions de dollars, l’organisation d’un Grand Prix de F1. Devenant, le premier pays du Moyen-Orient a organiser un tel événement, le royaume devance à nouveau ses voisins en s’offrant au passage une large visibilité internationale.
Cette volonté de se démarquer, Bahreïn la cultive depuis qu’il était un jeune émirat encore sous protectorat britannique. Après des campagnes d’exploration puis de forage, il devient en 1932, le premier pays du Golfe à mettre en valeur ses ressources en hydrocarbures. Quatre ans plus tard, en 1936, une raffinerie nationale est construite. Grâce à l’argent généré par cette vaste entreprise, l’Emir Hamad Bin Isa Khalifa lance un programme de réformes et de modernisation du pays qui permet la construction d’écoles, d’hôpitaux et d’un aéroport.
Grâce aux gains engrangés avec le pétrole, Bahreïn lance dans les années 1970, une politique de diversification industrielle, avec la création de la compagnie Alba, détenue à 77% par le gouvernement. En l’espace de trente ans, l’usine d’Alba est devenue le premier producteur d’aluminium du Moyen-Orient, quadruplant sa capacité de production, estimée à 850 000 tonnes par an, avec une pureté du métal de 99,9%. Récemment le gouvernement a lancé un appel d’offre pour la construction d’un sixième haut-fourneau qui lui permettra d’augmenter sa production à 1,2 millions de tonnes par an.
Parallèlement, les autorités bahreïnies créent un statut offshore pour l’île en 1975 qui deviendra le pierre de touche de sa place financière. Avec 350 banques et institutions financières, dont 24 banques commerciales possédant des avoirs dépassant 109,3 milliards de dollars, Bahreïn reste pour l’heure le learder régional dans ce secteur. Les banques offshore représentent 87,2% des actifs bancaires et le royaume accueille 21% des actifs des banques du Golfe ainsi que les sièges des grandes banques panarabes et des banques d’investissement. Au total, les services financiers représentent aujourd’hui près de 20% du PIB. Témoignant de l’efficacité et de la transparence de son centre financier, le GAFI (Groupe international d’intervention financière) y a installé son siège régional pour le monde arabe en 2004.
Répondant aux besoins d’une économie dont les modestes ressources pétrolières ne pouvaient assurer durablement le modèle d’un Etat rentier, cette politique de modernisation et d’innovation a donc permis de réduire le poids de l’or noir dans l’économie. Le royaume produit plus de 34 000 barils par jour, mais bénéficie également d’un appoint de 140 000 barils par jour extraits du champs offshore saoudien d’Abou Safaa, lui permettant d’exporter 95% de ses produits raffinés. Le pétrole contribue aujourd’hui à hauteur de 25% du PIB, tout en restant essentiel à son équilibre économique, puisqu’il représente encore jusqu’à 70% des recettes budgétaires et des exportations. Compte tenu du taux de chômage encore élevé qui s’est accru depuis les années 1990, le gouvernement bahreïni mise désormais sur la promotion de secteurs d’activité susceptibles de générer de l’emploi, ainsi que sur le renforcement de sa politique en matière d’éducation. L’accession au pouvoir de l’Emir Hamad Bin Isa Al-Khalifa en 1999, a d’ailleurs donné un nouvel élan aux réformes dans ces domaines et plus largement à la tradition d’orientation relativement libérale de Bahreïn. Devenu royaume, l’archipel s’est doté d’une Constitution en 2001, certes amendée dès 2002, mais créant un organe législatif aux côtés de l’exécutif et introduisant le suffrage universel élargi aux femmes. Le Roi Hamad Bin Isa Al-Khalifa répond ainsi aux attentes d’une certaine frange de la population qui se sentait marginalisée. Ce libéralisme politique est en outre couplé à des mesures d’ouverture économique avec le lancement d’un processus de privatisation. 60% du PIB reste en effet généré par des entreprises détenues en majorité ou en totalité par le gouvernement ou la famille royale. Le gouvernement a ainsi mis en place de nouvelles compagnies pour gérer ses capitaux dans les entreprises commerciales afin de les ouvrir à la participation d’investisseurs étrangers. Courant 2005, il a ainsi lancé la privatisation de la compagnie nationale de télécommunication Batelco (80%), ainsi que d’Alba. De ce point de vue, les autorités bahreïnies ont également été novatrices dans la région : elles sont les premières du Golfe à avoir libéralisé la législation applicable à l’investissement étranger, autorisant en particulier les sociétés étrangères à prendre une participation de 100% dans une société bahreïnie. Résultat, les flux d’investissements directs étrangers en 2005 ont dépassé le milliard de dollars, au quatrième rang de la région. Marché en pleine expansion dans une des régions du monde arabe qui évolue le plus rapidement, les entreprises françaises n’y accordent pourtant encore que peu d’intérêt. La vingtaine de filiales françaises est de plus concentrée dans les secteurs de l’aluminium, de l’énergie et de la banque où BNP Paribas, la Société Générale et Axa sont bien présents. De plus, Bahreïn et sa filière aluminium constitue un débouché significatif pour des PME françaises, tels que Installax, Rehel ou Solios.
Avec sa fiscalité attractive, la moins contraignante du Golfe, la proximité du plus grand marché de la région, l’Arabie saoudite ainsi que l’accord de libre-échange avec les Etats-Unis conclu en juillet 2004, Bahreïn demeure donc un marché incontournable du Moyen-Orient.
C.H. |