Par M. Dominique Simon, Chef de la Mission économique française à Dhaka
Trop longtemps victime d’une image contrastée, dans laquelle les éléments naturels jouaient un rôle central, le Bangladesh est désormais passé du statut de pays « immergé » à celui, plus envieux, de pays émergent…
Sans pouvoir prétendre à la même fascination qu’exerce la Chine, ou simplement à la même attractivité, certes récente mais réelle, de l’Inde, le Bangladesh dispose assurément d’un fort potentiel de développement comme acteur à dimension régionale en Asie du Sud. Le tigre du Bengale semble suivre la trace des dragons d’Asie…
Vers un partenariat alternatif avec l’Asie du Sud-Est
A la lisière de l’Asie brune et de l’Asie jaune, à cheval entre la SAARC et l’ASEAN, le Bangladesh peut jouer un rôle central et intermédiaire. C’est dans cette perspective qu’il participa à la fondation du BIMSTEC (Bangladesh, Inde, Myanmar, Sri Lanka, Thaïlande Economic Cooperation) en 1997. Ces pays souhaitent désormais renforcer leur coopération économique et développer de nouvelles voies de communication plus efficaces. Un accord a ainsi été signé en avril 2004 avec le Myanmar pour la construction de la route Dhaka-Rangoon. De telles perspectives devraient contribuer à un certain apaisement des relations avec son difficile voisin.
Plus que de dimension, le marché bangladais a changé de nature…
Avec près de 140 millions d’habitants, l’émergence d’une classe moyenne désormais solvable, estimée à 10% de la population, confère au Bangladesh les attributs d’un pays en développement rapide. Dotée d’une formidable capacité d’assimilation aux progrès technologiques, sur fond d’islam éclairé, cette nouvelle génération de consommateurs manifeste une volonté d’élévation sociale incontestable dans un cadre démocratique qui, avec l’Inde, fait figure d’exception dans cette région.
Grâce à une croissance économique dynamique assise sur des fondamentaux sains, confortés par un endettement contenu, une balance des paiements excédentaire et une inflation maîtrisée, le PNB par habitant a dépassé le seuil des 400 dollars et atteint même 1 500 dollars, en parité de pouvoir d’achat.
Ces performances rendent plus crédibles les objectifs du
« Millénium » et permettent d’envisager un avenir meilleur pour une grande majorité de Bangladais.
Un tableau de bord économique rassurant
L’amorce de la fin des quotas textile, décision à caractère multilatéral entrée en vigueur au 1er janvier 2005, a moins affecté le Bangladesh que d’autres pays en développement. Ainsi, les craintes relatives aux pertes de compétitivité à l’exportation apparaissent à ce jour avoir été surestimées. Pour autant, la croissance s’est maintenue à un rythme soutenu, en dépit des infortunes, notamment climatiques, rencontrées par le secteur agricole fin 2004 et de l’impact de la hausse des cours du pétrole. En revanche, le glissement continu du Taka face aux monnaies étrangères est source d’inquiétude pour les responsables monétaires du pays, car il pourrait entamer sa solvabilité à moyen terme. Cependant, le véritable défi que le gouvernement doit relever dans les prochains mois porte davantage sur la perception du Bangladesh auprès des décideurs dans une région où la croissance économique est principalement assise sur l’investissement étranger.
L’évolution des échanges bilatéraux en 2005 confirme le caractère structurellement déficitaire de notre balance commerciale
Par rapport à 2004, le volume de notre commerce bilatéral baisse légèrement en 2005 de 1% pour atteindre 670 millions EUR, confirmant la difficulté pour nos exportations à rester compétitives sur le marché bangladais.
Nos importations, issues à 98% des produits textiles, approchent les 615 millions euros, en baisse de 1,5%. En baisse également, nos exportations, avec 56 millions euros, poursuivent une tendance initiée en 2002. La principale caractéristique de nos échanges réside dans un déficit structurel de notre balance commerciale qui s’établit à 560 millions euros en 2005, représentant les deux tiers de notre déficit commercial sur l’Asie du Sud.
Compte tenu de ces éléments, notre taux de couverture continue d’évoluer de manière négative et se contracte à 9,1 contre 10,5 en 2004.
Toutefois, la tendance semble s’inverser pour les cinq premiers mois de 2006 : nos exportations ont augmenté de 38%, emmenées notamment par la dynamique du secteur des équipements mécaniques. Les importations progressent également à un rythme soutenu (+19%), confirmant la bonne tenue de l’attractivité du textile « made in Bangladesh ». Les contrats signés fin 2005 (Areva – 25 millions d’euros) et attendus début 2006 (Alcatel – 60 millions d’euros) devraient pérenniser cette hausse à l’horizon 2007-08.
Malgré des résultats macro-économiques encourageants (croissance de l’économie et des échanges commerciaux), le Bangladesh continue de souffrir d’un « effet retard » dans sa dynamique économique régionale, notamment par rapport à l’Inde. En effet, plusieurs champs de réformes subsistent, au premier rang desquels figurent la lutte contre la mauvaise gouvernance, la mise en place d’instances de régulation dans le secteur bancaire et de l’assurance, et la privatisation de certaines entreprises publiques, qui opèrent dans le secteur concurrentiel.
Pour autant, l’année 2006 pourrait s’avérer meilleure que prévue, portée par le regain de confiance des investisseurs pour le site Bangladesh, séduits par la capacité d’adaptation du secteur privé, sans sous-estimer le potentiel de son marché de consommateurs.
L’entrée en vigueur au 1er juillet de la zone de libre-échange (SAFTA) pourrait permettre d’ouvrir de nouvelles marges de manœuvre, notamment en faveur d’une plus grande intégration régionale.
La proximité géographique des géants indiens et chinois devrait contribuer à terme au véritable décollage économique du Bangladesh, lui permettant de rejoindre le club des pays en développement à l’horizon 2015-2020. |