Lundi 22 Avril 2019  
 

N°124 - Quatrième trimestre 2018

La lettre diplometque
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     Corée du Sud
 

La modernisation de l’outil de défense sud-coréen profite aux entreprises européennes

Avec un budget en augmentation de plus de 13% cette année (environ 17,5 milliards d’euros) et des dépenses de recherche et développement (R&D) vraisemblablement appelées à doubler d’ici 2008, la Corée du Sud est engagée dans un vaste programme de modernisation de son outil de défense.

Cette politique conduit les autorités sud-coréennes à se lancer dans d’importantes dépenses d’équipements militaires qui se traduisent, aujourd’hui encore, par des achats sur étagères significatifs. Elle s’accompagne surtout de l’accentuation d’une stratégie visant ouvertement à doter la Corée du Sud d’une industrie d’armement capable d’intégrer toutes les technologies nécessaires à une production domestique et de satisfaire à son ambition de compter, à très brève échéance, parmi les incontournables acteurs de l’industrie de défense régionale, dont l’Asie-Pacifique constitue un marché à fort potentiel de croissance.

Fort de ce constat, la Corée du Sud accroît son effort en terme de production d’armement high-tech tant dans les domaines terrestre, naval qu’aérien avec en ligne de mire le remplacement des équipements les plus anciens, mais aussi le développement et l’acquisition d’une nouvelle génération de systèmes d’armes, fer de lance de ses futurs succès à l’exportation.

Principalement composé de matériel américain dû au poids historique de la présence militaire US sur le territoire coréen avec 37 000 soldats qui y stationnent encore, cette tendance au sein des forces armées coréennes devrait toutefois progressivement évoluer en diminuant sans pour autant remettre en question la relation privilégiée qui lie la Corée à son fournisseur de référence.

On se souvient de l’âpre compétition qui avait opposé le F-15 de Boeing au Rafale de Dassault Aviation qui n’avait pourtant pas démérité lors des tests de qualification et dont la firme américaine avait remporté la partie. Les 40 premiers exemplaires de F-15K sud-coréens commandés à Boeing commencent donc à arriver en dotation et leur livraison devrait en principe s’étaler jusqu’à la fin 2008.

D’autres projets d’acquisition militaires aiguisent sérieusement les appétits des industriels de l’armement. La Corée du Sud devrait en effet décider prochainement du choix de son futur avion d’alerte radar et de détection avancée dont elle souhaite acquérir quatre exemplaires. Deux concurrents se disputent le contrat d’attribution de ce marché. Boeing propose son B-737-700 E-X équipé d’un radar (MESA – Multi-Role Electronically Scanned Array) conçu par Northrop Grumman, tandis qu’Israel Aircraft Industries (IAI) propose une version militarisée de la cellule d’avion d’affaires Gulfstream G550 équipée d’un radar Elta Phalcon. Bien qu’extrêmement sensible du fait des intérêts en jeu tant au plan politique et technique que commercial (les offres oscilleraient entre 1,1 et 1,5 milliards de dollars), une importante décision est attendue sous peu.

Dans le domaine de la surveillance, les autorités sud-coréennes ont également récemment finalisé un programme de modernisation concernant 8 avions de patrouille maritime P-3C Orion, dont la livraison serait envisagée en 2010. Un programme auquel participe le groupe Thales à travers sa co-entreprise Samsung Thales Co (STC).

Outre de réelle compétences dans le domaine des drônes avec le Night Intruder 300 développé par Korean Aerospace Industries (KAI) dans les années 90 et l’annonce du développement d’un avion de combat furtif et non piloté équipé d’un radar de nouvelle génération (UCAV) qui devrait voir le jour vers 2020, Séoul manifesterait, dans l’intervalle, un intérêt marqué pour l’acquisition d’un système de drône d’observation de type Global Hawk à capacité HALE – Haute Altitude et Longue Endurance développé par la firme américaine Northrop Grumman.

Le programme d’avion d’entraînement et d’attaque T/A-50 Golden Eagle développé conjointement par KAI et Lockheed Martin illustre assez bien la stratégie des autorités sud-coréennes décidées à produire sur leur territoire les armements dont elle a besoin tout en visant l’exportation. Après un premier vol en 2003 et toute une série d’essais préliminaires, le T/A-50 Golden Eagle, commence cette année son intégration au sein de l’armée de l’air sud-coréenne. Il est d’ores et déjà bien placé pour le marché export dont KAI estimerait à environ 800 exemplaires le potentiel des ventes.

Afin de mieux répondre aux exigences fixées par le gouvernement en terme d’optimisation, la Defense Acquisition Program Administration (DAPA) a remplacé depuis janvier 2006, les 8 anciennes agences d’acquisition militaires coréennes et gère un budget de près de 10 milliards de dollars. Elle fonctionne d’ailleurs sur un modèle équivalent à celui de la Délégation Générale pour l’Armement (DGA) française.

Le développement d’une stratégie favorisant les partenariats industriels et les transferts de technologies porte indéniablement ses fruits et ouvre la voie à d’importantes coopérations qui commencent à profiter aux entreprises européennes et françaises.

Le groupe Thales fait sans doute en la matière figure d’exemple. Le groupe multi-domestique entretient en effet de longue date des relations de coopération très étroites avec le pays du Matin calme. Il y a créé en 2000 une co-entreprise (50-50) avec Samsung Electronics qui emploie 1 250 salariés. Depuis lors, Samsung Thales Co développe ses activités sur pratiquement tous les segments du secteur de l’électronique de défense dans les communications, les systèmes radar, les conduites de tir, l’optronique, les systèmes de combat naval, l’avionique, les systèmes de sécurité intégrés et les systèmes de transmission de données sécurisés et par Radio Fréquence. Une stratégie payante : Samsung Thales Co a doublé son chiffre d’affaires en quatre ans jusqu’en 2004 (225 millions d’euros), connaissant un taux de croissance moyen de 18% par an. STC a remporté fin 2003 le contrat de fourniture d’un système de recherche et d’acquisition (STS- Search and Tracking System) destiné au second lot de missiles anti-aériens sud-coréens à courte portée (K-SAM). Ce contrat d’une valeur estimée à 470 millions d’euros prévoit la production de 66 systèmes. Il faisait suite au premier contrat de 333 millions d’euros signé pour le premier lot du projet K-SAM portant sur la production de série de 48 systèmes et un premier transfert de production vers la Corée. Elément clé du système K-SAM, le STS est un système d’armement qui protège les principales infrastructures industrielles et militaires de la Corée du Sud (aéroports, ports…) contre les attaques aériennes. Ce système recherche, identifie et poursuit les cibles ennemies en vue de fournir des informations de haute précision au système de conduite de tir. STC sera considérablement impliqué dans la maintenance du système tout au long de son cycle de vie. Le groupe franco-coréen espère pouvoir envisager un résultat aussi positif dans le cadre du nouveau projet de missile sol-air à moyenne portée M-SAM basé sur une technologie d’origine russe, actuellement en phase de développement exploratoire. STC et son partenaire russe Rosoborono-export collaborent au dévelop-pement d’un radar multifonctions qui doit permettre de détecter, poursuivre et attaquer des cibles mobiles aériennes.

Et le florilège continue, STC s’est aussi qualifiée pour la fourniture des équipements majeurs du programme NG IFV (Véhicule d’infanterie de combat de nouvelle génération) lancé en 1999 et pour lequel 72 millions d’euros ont déjà été consacrés par les autorités sud coréennes en vue de doter les forces armées d’un engin blindé armé des plus modernes. Son cahier des charges requiert des performances devant dépasser celles de ses principaux rivaux sur le marché tant en terme de coût (estimé à environ 2,5 millions de dollars l’unité) que de capacités opérationnelles. Pour le NG IFV, STC fournira le système de conduite de tir et son calculateur principal, la lunette périscopique du conducteur et le système de détection laser. Le contrat total de production devrait rapporter environ 600 millions d’euros à STC et positionner favorablement la co-entreprise franco-coréenne pour les programmes de char de combat de nouvelle génération (KFMBT) devant succéder au K1/A1 (version améliorée du K1 largement inspiré du M-1 Abrams américain).

L’embellie pourrait cependant venir du secteur naval qui capte aujourd’hui toutes les attentions à l’aune des enjeux qu’il représente pour le groupe Thales et son partenaire coréen Samsung. Après s’être distingué dans des programmes de fournitures de 21 systèmes de conduites de tir des corvettes et frégates (PCC&FF) dans les années 1980-1994, de 9 systèmes de combat complets SSC MK-7 produits sous licence et à livrer sur les années 1995- 2008, de systèmes de combat pour plate-formes de commande et de contrôle des bâtiments de débarquement des forces amphibies d’une capacité de 13 000 tonnes (LPX), par la participation à l’élaboration de systèmes de combat domestiques pour des patrouilleurs de la marine coréenne (PKX), ainsi que par la contribution au programme offset AEGIS des frégates KDX-III pour les années 2003-2007, c’est aujourd’hui le méga-contrat du développement du système de combat des futures frégates (FFX) et de celui des sous-marins (SSX) qui occupent bien légitimement les pensées des dirigeants de Samsung Thales Co.

C’est également sous les meilleurs auspices que se déroulera la célébration du 120ème anniversaire de l’établissement des relations diplomatiques entre la Corée et la France. Avec en toile de fond, le succès retentissant de l’hélicoptériste européen Eurocopter, filiale du groupe EADS, dans le cadre du contrat de co-développement du futur hélicoptère de transport coréen KHP (Korean Helicopter Program) pour lequel il a été récemment retenu face à ses divers concurrents.

Lancé officiellement en 2005 et piloté sous la double tutelle du Ministère de la défense sud coréen et de celui du commerce, de l’industrie et de l’énergie, sous le contrôle du Conseil national de sécurité, ce programme qui se décompose en trois phases (co-développement – R&D, production et maintenance) et dont le budget total est estimé entre 6 et 8 milliards de dollars prévoit la livraison à l’armée coréenne de 245 unités d’un appareil de transport de la classe des 8 tonnes à partir de 2011 jusqu’en 2020. Il doit en effet se substituer à un parc déjà très âgé d’hélicoptères MD500 et UH-1H d’origine US, alors qu’on estime à environ 300 le nombre d’appareils à remplacer dans un proche avenir sur les 700 hélicoptères américains que compte la Corée du Sud.

Eurocopter (et plus globalement EADS, sa maison mère) hérite ainsi d’un rôle central au sein du programme de développement de cet appareil puisque désigné par KAI comme le partenaire principal ayant en charge la conception et la réalisation de la cellule et du rotor, parties essentielles des voilures tournantes, faisant largement appel aux matériaux composites. Inspiré de la gamme des hélicoptères Cougar, appareil multi-rôles équipant la France et nombre d’armées européennes et étrangères, le KHP sera un appareil bi-turbine utilitaire armé (doté de 2 mitrailleuses de 7,62mm) principalement destiné au transport tactique, au soutien aérien et aux missions d’assauts, voire aux missions spéciales et de type SAR (Recherche et Sauvetage). Ses caractéristiques devront lui permettre d’emporter 4 membres d’équipage dont 2 pilotes et 9 personnels armés. Il devra voler à une vitesse de croisière de 260 km/h avec une autonomie de 2 heures. Il disposera d’une avionique et de systèmes de missions des plus sophistiqués intégrant radars d’alerte avancés, détection de missiles, contre-mesures et dispositif de surveillance des moteurs.

Dans le cadre du KHP, c’est le Korean Aerospace Research Institute (KARI) qui sera chargé de l’étude et du développement des moteurs ainsi que des équipements duals (à usage tant civil que militaire) de la plate-forme, soit 18 équipements en tout dont le rotor, le train d’atterrissage et le système de contrôle de vol. L’Agency for Defense Development (ADD) sera responsable pour sa part de l’avionique et de 16 des équipements de mission et d’armement (communication/identification, navigation, contrôle de tir, tourelle de canon). Le KARI comme l’ADD auront toute latitude pour lancer les appels d’offre correspondant aux secteurs dont ces organismes ont respectivement la charge.

Allant de 2006 à 2011, la période de développement disposera d’un budget de 1,3 milliards de dollars, soit environ 15% du budget total. La phase de production, à partir de 2011, représentera 45% avec 3 à 4 milliards de dollars tandis que 2 à 3,5 milliards de dollars, soit les 40% restants sont prévus pour la maintenance et le service. On estime aussi que ce programme créera près de 20 000 emplois dans une filière industrielle à haute valeur ajoutée.

En marge des exemplaires qui seront livrés aux forces armées sud coréennes, il convient de rappeler les retombées exceptionnellement bénéfiques qu’offrira le partenariat technologique, industriel et commercial qui vient d’être scellé pour une durée d’au moins 30 ans entre Eurocopter et KAI et qui profite d’ores et déjà également à STC et à Thales qui se voient d’emblée confier la réalisation du récepteur d’alarme laser (en collaboration avec l’Israélien Elisra), du radar infrarouge longue portée, du simulateur de contrôle et de la centrale anémométrique.

Il est en effet d’ores et déjà prévu la commercialisation dans une structure commune d’une version « Export » du KHP, avec un marché estimé dans un premier temps à un minimum de 250 appareils. Un nombre sans doute inférieur aux besoins réels d’un marché asiatique en pleine effervescence économique. François Béranger

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