Lundi 22 Avril 2019  
 

N°124 - Quatrième trimestre 2018

La lettre diplometque
  Éditorial
Entretien exclusif
Coopération
Diplomatie & Défense
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Culture
 
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     Australie
 
  S.E.Mme / H.E. Penelope Wensley AO

La puissance des antipodes

 

Réélu en octobre 2004, le Premier ministre John Howard a fait du maintien de la croissance économique de l’Australie la priorité de son quatrième mandat consécutif. S.E.Mme Penelope Wensley AO, Ambassadeur d’Australie en France, nous livre son analyse du dynamisme australien, mais aussi des nouveaux enjeux qui se posent en Asie du Sud-Est où l’Australie joue désormais un rôle de premier plan.

 

La Lettre Diplomatique : Madame l’Ambassadeur, lors de sa visite en France, en janvier 2005, le Ministre australien des Affaires étrangères, Alexander Downer, a réaffirmé la qualité des relations qui existent entre la France et l’Australie. Cette relation étroite s’appuie notamment sur leur relation de voisinage dans le Pacifique. Quelle est la nature de la coopération franco-australienne et dans quels domaines nos deux pays collaborent-ils de manière concrète ?

 

S.E.Mme Penelope Wensley : Nos relations avec la France dans le Pacifique sont un élément important dans l’ensemble de nos relations bilatérales. Nous apprécions la présence constructive de la France et notre coopération étroite dans de nombreux domaines.

Nos deux pays travaillent en étroite collaboration dans le but de soutenir le développement des pays du Pacifique. Par exemple en 2003, les gouvernements de nos deux nations ont annoncé qu’ils contribueraient, chacun à hauteur de 1,8 million de dollars australiens, sur une période de cinq ans, pour développer et mettre en place une stratégie pour la région Pacifique afin de combattre le VIH/SIDA et les maladies sexuellement transmissibles. Bien que peu important à l’échelle mondiale, le taux d’infection par le VIH/SIDA a récemment fait un bon vertigineux dans certains pays du Pacifique. S’il n’est pas surveillé, il pourrait devenir un problème majeur pour la région.

Les efforts conjoints, dans le Pacifique, de la France, de l’Australie et de la Nouvelle-Zélande, se concentrent aussi sur le soutien apporté aux opérations régionales humanitaires dans le cadre de l’aide aux sinistrés, de la surveillance maritime et des forces de défense et de police. Nous œuvrons aussi avec la France et la Nouvelle-Zélande pour mettre en place des mesures pratiques afin de combattre la pêche illégale dans le Pacifique. En novembre 2003, l’Australie et la France ont signé un traité de coopération maritime prévoyant une surveillance en matière de coopération et le contrôle de toutes activités illégales, non déclarées et non réglementées dans les eaux des mers australes. Dans le domaine de l’environnement, nous coopérons étroitement pour la mise en œuvre de diverses initiatives, comme le projet de protection des baleines lancé sous les auspices du Consortium de recherche sur les Mammifères marins du Pacifique Sud. Les institutions, australiennes et françaises, responsables de l’application des lois, travaillent étroitement pour combattre la criminalité transnationale et le terrorisme dans la région Pacifique.

Nous sommes particulièrement heureux que nos relations avec la Nouvelle-Calédonie se soient élargies et renforcées ces dernières années. Nous travaillons avec les autorités locales et françaises dans des domaines variés, tels que la promotion des échanges commerciaux et l’investissement, la coopération apportée à l’aide pour les catastrophes naturelles, la coopération en matière de défense, notamment la participation à des exercices militaires communs et à des visites, le combat contre les menaces posées à la sécurité et contre le crime organisé, ainsi que l’intensification des liens au travers du sport, du tourisme et de la culture.

Nos relations avec la Polynésie française se sont nettement améliorées depuis que la France a mis fin à son programme d’essais nucléaires dans le Pacifique Sud en 1996. Le Président Temaru et moi-même avons eu, lors de son passage à Paris l’année dernière, un entretien constructif concernant la possibilité d’intensifier nos contacts et nos échanges. L’Australie offre plusieurs bourses annuelles d’études, destinées à de jeunes Polynésiens français défavorisés. Je suis heureuse de constater que nos liens commerciaux et touristiques vont maintenant en s’accroissant.

 

L.L.D. : La coopération entre l’Australie et la France en matière de désarmement reste peu connue. Comment les deux pays collaborent-ils dans ce domaine et quelles sont, concrètement, les implications de cette coopération ?

 

S.E.Mme P.W. : La prolifération des armes de destruction massive (ADM) est une menace réelle et immédiate. La possibilité que des Etats terroristes et irresponsables se munissent d’ADM et les utilisent, représente une menace sérieuse pour tous les pays. Prévenir la prolifération des ADM pour, à terme, permettre leur élimination définitive, constitue depuis longtemps l’une des priorités tant de l’Australie que de la France.

La question de la prolifération des ADM doit être abordée de manière globale, au travers d’une initiative internationale coordonnée. L’Australie et la France collaborent ensemble au niveau bilatéral, ainsi que dans le cadre des Nations unies et des organisations engagées en faveur de la non-prolifération, pour renforcer les normes et les contrôles internationaux, et prévenir une plus grande prolifération ainsi que le trafic des ADM.

Trois Etats, la Corée du Nord, l’Irak (sous le régime de Saddam Hussein), et la Libye (avant sa décision, accueillie favorablement, de renoncer aux ADM), ont transgressé le traité de non-prolifération des armes nucléaires en cherchant à développer ce type d’armement. Un quatrième Etat, l’Iran, a commis plusieurs infractions graves à l’encontre de ses obligations internationales, ce qui représente un défi de poids pour la communauté internationale. L’Australie soutient de manière active l’initiative de la France, de l’Allemagne et du Royaume-Uni (EU3) visant à résoudre ce problème par la négociation.

L’Australie et la France collaborent sur des initiatives concrètes et innovantes visant à contrarier la prolifération des ADM. Contrecarrer la prolifération demande une gamme d’outils et de mesures aussi large que possible. Ces dernières incluent non seulement des efforts continus visant à renforcer le respect des traités multilatéraux en faveur de la non-prolifération, mais elles requièrent également une coopération internationale afin d’interrompre l’approvisionnement des programmes d’armement et de missiles aux Etats qui ne se plieraient pas à la règle. Le soutien ferme apporté très tôt par la France et l’Australie à la PSI (Proliferation Security Initiative), l’Initiative de sécurité contre la prolifération, qui reçoit à ce jour le soutien de 70 pays, est un exemple important des efforts menés pour interrompre le flux de matériaux et technologies sensibles en direction de programmes d’ADM clandestins. A titre d’exemple, la décision de la Libye de renoncer à ses programmes chimiques et d’armement nucléaires est survenue à la suite de l’interdiction par la PSI d’un navire, le BBC China, à destination de la Libye, transportant un chargement illégal d’éléments de centrifugeuse, nécessaires à l’enrichissement de l’uranium.

Le contrôle des exportations représentent un autre outil important pour couper les moyens d’approvisionnement des « proliférateurs ». L’Australie et la France occupent le devant de la scène en ce qui concerne le développement d’un système international visant à prévenir l’exportation de produits et de technologies dangereux, première ligne de défense contre l’utilisation abusive de matériaux et de technologies sensibles. L’Australie, assurant la Présidence du Groupe Australie, a joué un rôle particulièrement actif dans la coopération internationale sur les contrôles des matériaux et des technologies chimiques et biologiques, pouvant être utilisés dans la fabrication d’armes. La France et l’Australie collaborent étroitement avec les autres membres afin d’harmoniser, au sein de ce mécanisme, le contrôle des exportations au niveau national et de restreindre les opportunités, pour les pays aspirant à la prolifération, de se procurer les éléments nécessaires à la fabrication d’armes chimiques et biologiques au travers des canaux commerciaux traditionnels. La France et l’Australie collaborent également de manière étroite sur les questions nucléaires et au sein d’autres forums tels que le Régime de contrôle de la technologie des missiles (MTCR).

En 2006, l’Australie va intensifier substantiellement ses efforts dans plusieurs forums internationaux, afin de protéger les stocks de MANPADS, missiles sol-air portatifs (conçus pour être portés sur l’épaule et pouvant être tirés par une seule personne), et de mettre un terme à la prolifération illicite de ces armes vers les acteurs non étatiques, y compris les terroristes.

 

L.L.D. : L’Union européenne (UE) est le premier partenaire commercial de l’Australie. Quelles sont les autres dimensions de la relation entre votre pays et l’UE ? Quels sont les domaines qui, dans le développement et l’expansion de l’Union, intéressent plus particulièrement l’Australie ?

 

S.E.Mme P.W. : En raison de la distance qui nous sépare, beaucoup de personnes sont surprises quand elles apprennent que l’Union européenne est le principal partenaire commercial de l’Australie. Au cours des cinq dernières années, les exportations de biens et services australiens vers l’UE ont en moyenne augmenté de 5% par an, et les importations en provenance de l’Union ont connu une hausse de 7%.

L’Agenda de coopération, élaboré par les ministres en 2003, représente l’une des dimensions importantes des relations entre l’Australie et l’UE. Cet Agenda a formalisé notre coopération bilatérale dans toute une gamme de domaines. Il couvre les questions de sécurité et de stratégie, le commerce, l’éducation, les sciences et la technologie, les transports, l’environnement, et le développement de la coopération en matière d’immigration et du droit d’asile.

Les liens historiques, politiques, économiques et culturels entre l’Australie et l’UE sont très forts, et nos avis convergent sur un grand nombre de questions internationales. Notre coopération internationale s’amplifie pour faire face aux enjeux de la mondialisation. Nous avons accueilli favorablement le renforcement de notre coopération avec l’UE dans la région Asie-Pacifique, notamment à travers la mission d’observation et de surveillance à Aceh, mais aussi pour reconstruire les zones sinistrées d’Asie du Sud-Est après le tsunami de janvier 2005, ainsi que pour renforcer la capacité des pays de la région à faire face à la menace terroriste. L’UE est un partenaire important de l’Australie dans le cadre de la lutte contre la prolifération des armes de destruction massive et les activités terroristes. Nous apprécions également la coopération étroite de l’UE et de ses Etats membres, avec qui nous cherchons à relever les défis auxquels sont confrontés les Etats fragiles et défaillants.

Néanmoins, dans certains domaines, nous voudrions que nos intérêts convergent davantage avec ceux de l’UE, et que celle-ci soit plus à l’écoute des préoccupations australiennes. Ainsi, nous souhaiterions voir s’élargir les opportunités commerciales, et, à cet égard, nous incitons l’UE à amender sa proposition de législation relative aux substances chimiques (REACH) afin que les pays tiers, tels l’Australie, ne soient pas désavantagés, et que les consommateurs européens ne subissent pas une hausse du prix des métaux et minéraux importés. Bien que certains différends persistent sur les questions agricoles et sur quelques aspects de la politique réglementaire européenne, nous travaillons en étroite collaboration avec l’UE afin d’ouvrir l’accès aux marchés des services et des produits non agricoles (Non-Agriculture Market Access, NAMA).

L’aviation civile est également un secteur dans lequel il est primordial que nos rapports évoluent : les accords entre l’Australie et l’Europe dans ce secteur sont dépassés et doivent être remis au goût du jour, afin de refléter les réalités actuelles et l’évolution des lignes aériennes. Si le trafic aérien entre l’Australie et l’Europe s’est développé ces dernières années, la part de marché des compagnies aériennes européennes et australiennes s’est effondrée car l’accès pour les transporteurs australiens et européens est resté limité. Pour rapprocher les peuples, et promouvoir les échanges touristiques, commerciaux, scientifiques et culturels, l’Australie veut négocier avec l’UE un accord dit de « ciel ouvert » actualisé.

L’Australie a jusqu’ici accueilli favorablement l’élargissement de l’UE, ainsi que la formidable réalisation que cela représente sur le plan de la transformation économique et politique. L’Australie travaille avec ardeur au développement de relations approfondies avec une Europe élargie et de plus en plus unie, et cela afin de maintenir l’efficacité de son engagement. L’adhésion à l’UE étant la promesse d’une stabilité politique et d’une prospérité économique, les futurs membres bénéficieront de tous ces avantages en entrant dans l’Union. Ce sera d’ailleurs très prochainement le cas pour la Bulgarie et la Roumanie, et l’on peut espérer que la Croatie et la Turquie rejoindront elles aussi, mais un peu plus tard, la grande famille européenne.

 

L.L.D. : Avec une croissance annuelle moyenne de 3,6 % au cours des dix dernières années, des conditions macro-économiques saines et un taux de chômage faible, l’économie australienne est l’une des plus performantes parmi les pays occidentaux. Quelles sont les priorités du gouvernement australien pour assurer une croissance durable ? Quelles orientations politiques suit-il pour faire face aux conséquences du vieillis-sement de la population, problème commun à tous les pays développés ?

 

S.E.Mme P.W. : L’Australie est en effet devenue l’une des économies les plus performantes du monde occidental. Ce résultat est largement attribué à une gestion économique ferme, et aux efforts constants de réforme structurelle. Si nous disposons aujourd’hui d’une économie si robuste, ce n’est pas grâce à une politique unique, mais bien grâce à la mise en œuvre d’un grand nombre de programmes qui se sont mutuellement renforcés.

La réforme fiscale, avec l’introduction, en juillet 2000, d’un système d’imposition entièrement revu, constituait l’une de nos priorités. Parallèlement, le gouvernement a diminué ses dépenses et a réussi à réduire sa dette de façon significative (0,7 % du PIB). Autre facteur économique important, l’inflation : la baisse du taux, qui est actuellement de 2,8 %, a créé un environnement stable pour les entreprises et les investisseurs. De l’allègement des procédures administratives réglementaires superflues, à la mise en œuvre de politiques concurrentielles qui favorisent la concurrence des marchés et l’équité, en passant par les réformes du marché du travail accroissant sa flexibilité, toutes ces mesures ont eu leur importance. Dans une enquête effectuée par l’OCDE mi-2005, l’Australie était désignée comme le pays ayant les meilleures pratiques mondiales œuvrant dans le sens de la suppression du contrôle de l’Etat sur les entreprises publiques, de la limitation des réglementations concernant les entreprises, et du faible niveau de protection de ses industries agricoles.

La création d’emplois était une autre priorité pour notre pays. Depuis 1996, quelque 1,7 million de nouveaux emplois ont été créés, et notre taux de chômage d’à peine plus de 5 % n’a jamais été aussi faible depuis bientôt 28 ans. Pour soutenir cette dynamique et la croissance économique, les liens entre l’Australie et le reste du monde joueront un rôle primordial, ce qui explique notre stratégie militante en matière de politique commerciale. Outre le travail que nous avons entrepris afin de garantir un résultat ambitieux au Cycle de Doha, nous avons négocié des accords de libre-échange avec un certain nombre de pays importants sur le plan économique, notamment les Etats-Unis, la Thaïlande, Singapour et la Nouvelle-Zélande. Nous négocions aussi des accords du même type avec la Malaisie, la Chine, les Emirats arabes unis, le Japon, et avec l’ASEAN (en partenariat avec la Nouvelle-Zélande).

Tout comme les autres pays développés, l’Australie est très attentive à la question du vieillissement de la population, et prend actuellement des mesures décisives pour préparer l’avenir. Notre objectif clé sera de maintenir la qualité et la rentabilité des services que le gouvernement fournit aujourd’hui aux personnes âgées. La création du « Fonds pour l’avenir » (Future Fund) est l’une des plus importantes initiatives prises pour atteindre cet objectif. Etant donné que la dette du gouvernement est aujourd’hui quasi-nulle, les revenus engendrés par les privatisations à venir seront accumulés et le gouvernement les utilisera pour honorer ses engagements en matière de retraites (estimées à 91 milliards de dollars australiens). Ces fonds serviront à diminuer les pressions auxquelles sera soumis le budget gouvernemental à mesure que la population vieillira.

 

L.L.D. : Pays d’immigration, l’Australie pratique une politique d’immigration adaptée aux besoins économiques et sociaux du pays. Quels sont les traits caractéristiques du modèle d’intégration australien ? Quelle place, dans le paysage économique, politique et culturel, les peuples natifs d’Australie occupent-ils dans la société australienne actuelle ?

 

S.E.Mme P.W.A.O. : L’immigration est au cœur de l’histoire du développement de l’Australie en tant que nation. Après l’arrivée des premiers colons européens, à la fin du XVIIIème siècle, de nombreux immigrants sont arrivés en Australie par vagues successives. Parmi les plus anciens colons, on retrouve bien sûr les Européens, mais également les Chinois : ces derniers arrivèrent par centaines dans notre pays au milieu du XIXème siècle, pour prendre part à la ruée vers l’or, premier « boom » des ressources australiennes. Après la Seconde guerre mondiale, des immigrants originaires d’Europe centrale, orientale et méridionale ont été accueillis en Australie, et ont joué un rôle primordial dans la construction de certaines des infrastructures les plus importantes de notre pays. Le projet hydroélectrique Snowy River témoigne de l’importance du rôle de l’immigration en Australie. Cet ouvrage, constitué de 16 barrages dont les capacités totales de stockage s’élèvent à 7 milliards de litres, est reconnu comme l’une des sept merveilles du génie civil du monde moderne.

Aujourd’hui, la politique d’immigration de l’Australie est internationale et non-discriminatoire. Elle comprend deux programmes spécifiques : l’un pour l’immigration, et l’autre à vocation humanitaire. Dans le cadre du programme d’immigration, nous sélectionnons, sur la base de leurs compétences et qualifications, les immigrants qui pourront palier aux manques de main d’œuvre prévus dans certains secteurs. La nationalité, l’ethnie, le sexe, la race et la religion ne sont pas pris en compte lors de la sélection. L’année dernière, dans le cadre de ce programme, quelque 100 000 personnes ont immigré dans notre pays. Dans son programme humanitaire, l’Australie accueille des réfugiés, ainsi que des personnes ayant besoin d’une aide humanitaire, lorsque ceux-ci ont subi des violations graves de leurs droits en tant qu’êtres humains, qu’ils ont un lien avec l’Australie, et une fois que le Haut commissariat des Nations unies pour les réfugiés leur a reconnu le statut de réfugié. Le programme humanitaire australien, grâce auquel environ 635 000 réfugiés se sont installés dans notre pays, est le troisième programme le plus important dans le monde.

En Australie, nous qualifions notre politique d’intégration de « multiculturelle ». Le multiculturalisme est un terme qui, dans les faits, recouvre trois principes. Le premier est le respect culturel : tous les Australiens ont le droit d’exprimer leurs propres cultures et croyances, mais doivent accepter que les autres bénéficient du même droit.

L’égalité sociale est le deuxième précepte important : tous les Australiens ont le droit d’être traités sur un pied d’égalité, sans discrimination. En application du troisième principe, l’Australie tente d’exploiter au mieux les nombreux avantages que présente une société multiculturelle, pour le bien social, économique et culturel de la nation. Cela signifie, par exemple, promouvoir le fait que quelque 200 langues sont parlées en Australie ; ceci afin d’encourager les entreprises étrangères, françaises comprises, à choisir l’Australie pour établir leur siège dans la région Asie-Pacifique.

Les peuples natifs d’Australie occupent une place cruciale dans l’identité et le patrimoine australiens. Cette population, composée de deux groupes ethniquement et culturellement différents, les Aborigènes australiens et les habitants des îles du détroit de Torres, devrait dépasser les 500 000 individus en 2006. La société indigène contemporaine reflète la diversité des pratiques culturelles et des styles de vie qui cohabitent aujourd’hui en Australie. Croire que seuls les Aborigènes vivant dans des communautés isolées sont de « vrais Aborigènes » est un mythe. Si 27 % des peuples autochtones vivent en effet dans des régions isolées, 30 % vivent dans des grandes villes, et 43 % dans des zones proches des villes. Le gouvernement australien s’efforce de lever les barrières que rencontrent les Aborigènes et les habitants des îles du détroit de Torres, et met en œuvre des programmes pour aider ces communautés à surmonter les inégalités qui persistent dans certains domaines. Dans le cadre de ces initiatives, l’effort est notamment concentré sur la santé, le logement, l’éducation et les offres d’emploi.

La contribution des populations autochtones est significative dans de nombreux secteurs, y compris en politique, dans les sphères artistique, médiatique, académique, et dans les affaires. Les athlètes indigènes ont remporté des médailles d’or aux Jeux Olympiques, et ont représenté l’Australie dans le monde entier dans presque toutes les disciplines sportives. Les artistes aborigènes et originaires des îles du détroit de Torres prennent de plus en plus d’envergure et d’importance sur la scène internationale, avec des œuvres contemporaines qui reflètent leurs traditions ancestrales. Nous sommes d’ailleurs ravis de voir l’art aborigène australien mis en avant à Paris, avec l’ouverture en juin prochain du Musée du Quai Branly.

 

L.L.D. : L’Australie, en partenariat avec d’autres acteurs internationaux, a récemment apporté son soutien à une mission de stabilisation dans les Iles Salomon, et a également renforcé son aide au développement en Papouasie-Nouvelle-Guinée. Comment analysez-vous les conséquences de la dégradation de la situation politico-économique dans ces pays ? Ces interventions marquent-elles un tournant dans la politique de l’Australie vis-à-vis de ses voisins ?

 

S.E.Mme P.W. : La stabilité et la viabilité économique du Pacifique Sud sont des éléments essentiels pour l’Australie. Nous sommes le principal pourvoyeur d’aide au développement dans cette région. Nous avons largement augmenté notre aide auprès des Iles Salomon et de la Papouasie-Nouvelle-Guinée (PNG) au cours des dernières années. Ceci ne représente pas un changement majeur d’orientation ou de stratégie ; nous avons plutôt intensifié notre engagement, sur la base d’un ensemble d’actions et d’une coopération étroite avec nos voisins.

Les Iles Salomon et la PNG continuent toutes deux à faire face à des problèmes pressants. Les Australiens sont réalistes, et ne pensent pas que la solution à ces problèmes soit simple et unique. Selon nous, la bonne gouvernance est la clé du développement dans le Pacifique. En définitive, la pauvreté est liée à une mauvaise gouvernance, dérivant notamment de l’incompétence des dirigeants et de la corruption. Il est urgent de s’attaquer à ces problèmes majeurs, et il faut plus particulièrement rétablir l’ordre public, la paix et la stabilité, lutter contre la corruption, et améliorer la gestion fiscale.

En Papouasie-Nouvelle-Guinée, l’objectif de la coopération australienne pour le développement est d’aider à construire une nation sûre et à réduire la pauvreté. Le programme d’aide australien promeut une croissance économique durable dans le pays, et nous travaillons avec les institutions et systèmes gouvernementaux pour garantir une meilleure utilisation des ressources propres de la PNG afin de renforcer la gestion économique, de fournir les services de première nécessité, et de rétablir l’ordre public.

En 2003, l’Australie et la PNG ont mis en place un Programme de coopération renforcée (ECP) pour aider le pays à faire face aux défis qu’il rencontre en matière de maintien de l’ordre public, de justice, de gestion économique, de réformes du secteur public, de contrôle des frontières, ainsi que de sécurité et de sûreté des transports. Dans le cadre de ce programme, des civils australiens sont détachés auprès d’un grand nombre d’institutions gouvernementales de la PNG. Il faut savoir que l’aide dans le domaine policier nécessite l’affectation de membres du personnel aux fonctions de conseillers et la formation des futures forces de police.

Depuis le coup d’Etat de 2000 dans les Iles Salomon, l’Australie tente de régler les principaux problèmes du pays, à savoir : restaurer l’ordre public et améliorer la gestion économique, répondre aux besoins fondamentaux de la société, et continuer à promouvoir la paix et à encourager l’autonomie, la responsabilité et le développement de la société.

En juillet 2003, à la suite d’une requête de M. Kemakeza, Premier ministre des Iles Salomon, et après consultation de son gouvernement et de ceux d’autres pays du Pacifique, des policiers, des militaires, et des civils ont été envoyés dans les Iles Salomon par l’Australie, la Nouvelle-Zélande et les Iles du Pacifique, dans le cadre de la Mission d’assistance régionale aux Iles Salomon (RAMSI) dirigée par l’Australie. La RAMSI est un programme d’aide complet, dont la priorité est de restaurer l’ordre public, mais aussi de créer les conditions nécessaires au retour de la stabilité et de la paix, et de favoriser la croissance économique. Depuis son déploiement, la RAMSI a obtenu des résultats significatifs. L’ordre public a été restauré dans les Iles Salomon, et les finances du gouvernement ont été stabilisées. Nous travaillons désormais à une seconde phase d’activités, qui regroupe des réformes économiques de grande ampleur, la reconstruction de l’appareil gouvernemental, le rétablissement de la Police royale des Iles Salomon, et l’amélioration des mécanismes de responsabilité et des institutions gouvernementales. La RAMSI bénéficie d’un fort soutien de l’opinion publique dans les Iles Salomon. L’appui de l’UE, et notamment de la France, a été accueilli très favorablement.

 

L.L.D.: La visite officielle en Australie du Président indonésien Susilo Bambang Yudhoyono en avril 2005 s’est achevée sur la signature d’un accord de partenariat. Quels sont les principaux éléments de cet accord ? La catastrophe du tsunami début 2005 a-t-elle permis d’élargir la coopération entre votre pays et l’Indonésie, et ce au-delà des conséquences immédiates provoqueées par cette tragédie?

 

S.E.Mme P.W. : La visite du Président Yudhoyono en Australie a marqué une étape importante dans le renforcement des riches relations que nous entretenons avec l’Indonésie. C’est au cours de cette visite que notre Premier ministre John Howard et le Président Yudhoyono ont signé la Déclaration pour un partenariat complet (Declaration on Comprehensive Partnership, DCP), à laquelle vous avez fait référence. La DCP met en place un cadre permettant de renforcer les relations bilatérales dans de nombreux domaines. Tout d’abord, nos deux pays se sont mis d’accord pour intensifier la coopération afin de promouvoir nos relations commerciales et économiques, pour accroître le renforcement de nos relations commerciales, pour examiner les secteurs de croissance tels que l’éducation et la santé, et pour poursuivre notre engagement concernant l’ouverture des marchés et créer un environnement plus sûr pour les investisseurs et les entreprises.

L’accord de partenariat couvre aussi la coopération en matière de sécurité. La lutte contre la criminalité transnationale est une priorité pour les deux pays, mais il s’agit avant tout de combattre le terrorisme. Touchés par des attaques terroristes, nos deux pays ont souffert. Le Centre de Jakarta pour la coopération entre les institutions responsables de l’application des lois (JCLEC, Jakarta Centre for Law Enforcement Cooperation), établi en 2004, est un exemple de notre engagement commun dans la lutte contre le terrorisme. Nous souhaitons également coopérer davantage pour combattre d’autres formes de criminalité transnationale et de menaces non-traditionnelles, notamment la traite d’êtres humains, le trafic de drogue, le blanchiment d’argent et les épidémies. Nous renforçons les partenariats entre nos forces de police, nos agents travaillant pour les services d’immigration et des douanes, et nos missions en charge de la sécurité.

Le troisième domaine principal de la DPC est celui des rapports entre nos peuples, qui constituent le véritable fondement de notre relation bilatérale. Nous voulons encourager et renforcer nos liens éducatifs, accroître les échanges entre nos ministres et représentants officiels, et inciter nos Parlements à coopérer plus étroitement.

Enfin, l’Australie et l’Indonésie sont déterminées à mener, ensemble, la bataille contre les principaux problèmes de notre région. Les travaux déjà entrepris par nos deux pays, à la fois de façon bilatérale et au sein de forums régionaux multilatéraux (tels que ceux de l’APEC et de l’ASEAN), prouvent cette volonté. On peut ainsi citer les actions prises dans le domaine de la traite des êtres humains, pour inciter à la mise en œuvre d’une réponse régionale face au terrorisme, ou encore le premier dialogue régional interreligieux, co-organisé par l’Australie et l’Indonésie en 2004, réunissant les principales croyances de la région.

En janvier 2005, au vu des conséquences dévastatrices du tsunami de décembre 2004, le Premier ministre John Howard et le Président Yudhoyono se sont mis d’accord pour élaborer un Partenariat pour la reconstruction et le développement entre l’Australie et l’Indonésie (Australia-Indonesia Partnership for Reconstruction and Development). Il s’agit d’un programme à long terme, focalisé sur le redressement économique. L’Australie contribuera au partenariat à hauteur d’un milliard de dollars australiens sur cinq ans. Avec ce montant, qui s’ajoute aux fonds déjà octroyés dans le cadre de notre programme de coopération pour le développement, les engagements financiers de l’Australie en Indonésie atteindront les 1,8 milliard de dollars australiens sur cinq ans. Cette aide, destinée aux secteurs dont les besoins sont prioritaires, inclura des reconstructions à petite échelle permettant de rétablir l’infrastructure socio-économique des régions sinistrées, ainsi que le développement et la réhabilitation des ressources humaines. Un programme de bourses d’études pour favoriser le soutien et la formation dans les secteurs clés est également inclus.

 

L.L.D. : La récente visite en Australie des Présidents chinois et indonésien, ainsi que celle du Premier ministre malaisien Abdullah Badawi, ont été qualifiées d’historiques par de nombreux observateurs. Selon vous, ces visites inaugurent-elles une nouvelle ère dans les relations entre l’Australie et ces pays ? Qu’espère gagner l’Australie en participant au Sommet de l’Asie de l’Est ?

 

S.E.Mme P.W. : Tout d’abord, laissez-moi souligner que l’Australie a toujours reconnu l’importance des pays d’Asie. A travers sa politique extérieure, l’Australie a constamment cherché à entretenir des rapports étroits avec ces derniers. La relation avec nos voisins asiatiques est basée sur le respect mutuel, et se concentre sur nos intérêts communs tout en reconnaissant nos différences.

La visite en Australie de ces trois dirigeants reflète l’importance de la coopération, de plus en plus étroite, que nous avons établie avec certains de nos partenaires clés de la région. Ainsi, chacun sait que les relations entre l’Australie et la Malaisie ont été quelque peu tendues par le passé. La visite en Australie de M. Badawi l’année dernière était la première effectuée par un Premier ministre malaisien depuis 21 ans. Malgré cela, nos relations sont aujourd’hui fortes et florissantes. Nous avons entamé des négociations autour d’un accord de libre-échange avec la Malaisie, et nous coopérons dans de nombreux secteurs, tels que le commerce et l’investissement, l’éducation, la défense, la lutte contre le terrorisme, l’application des lois, la traite des êtres humains, le tourisme et l’aéronautique.

Nous avons élaboré une relation très solide et multiple avec la Chine, malgré les différences considérables entre nos systèmes politiques. Nous n’hésitons pas à évoquer les questions qui fâchent. Ainsi, tous les ans, nous organisons une Discussion sur les droits de l’Homme avec la Chine. Sur le plan économique, nos relations sont excellentes, et nos exportations ont d’ailleurs connu une hausse de 31 % sur la seule période 2004-2005. En octobre 2003, la visite du Président Hu a débouché sur la signature de plusieurs accords clés, notamment un Cadre commercial et économique (Trade and Economic Framework), ainsi qu’un accord sur l’exportation du gaz naturel liquéfié, potentiellement estimé entre 20 et 30 milliards de dollars australiens sur 25 ans. La première cargaison est censée arriver à Guangdong en avril.

Comme je l’ai indiqué en répondant à votre précédente question relative à l’Indonésie, nos relations politiques avec ce pays sont au beau fixe. L’élection du Président Yudhoyono a mis en avant la démocratisation réussie de l’Indonésie, fait le plus important de cette dernière décennie en Asie. Sa visite en Australie l’année dernière est une autre étape importante. Et si l’Indonésie a dû faire face à des événements catastrophiques en 2005, notamment les conséquences du tsunami et le deuxième attentat de Bali, ces tragédies ont rapproché nos pays et nos peuples.

En décembre 2005, le Premier ministre australien John Howard a représenté notre pays au Sommet de l’Asie de l’Est organisé en Malaisie. La participation de l’Australie dans ce Sommet est relativement récente. Néanmoins, elle marque la croissance de notre engagement dans l’architecture régionale (nous sommes déjà présents dans des groupes régionaux existants comme l’APEC et le forum régional de l’ASEAN), et il nous permet d’avoir plus d’influence sur les événements concernant directement notre région. Le Sommet constitue un développement clé pour l’architecture de notre région, alors que celle-ci est actuellement très dynamique, et nous sommes enthousiastes à l’idée de pouvoir contribuer de manière constructive à son développement.

 

L.L.D. : Fondée durant la Seconde Guerre mondiale, l’alliance stratégique entre l’Australie et les Etats-Unis reste un aspect important de la position politique australienne dans les domaines des Affaires étrangères, de la Défense et du Commerce. L’Australie fait-elle face à un choix entre les Etats-Unis et ses relations avec l’Asie, en particulier la Chine ?

 

S.E.Mme P.W. : Un des grands succès de la politique australienne de la dernière décennie a résidé dans notre capacité à approfondir nos relations avec les Etats-Unis, tout en élargissant simultanément nos relations avec plusieurs nations asiatiques. Avoir des liens étroits avec les Etats-Unis est un atout, et non un désavantage, qui joue en faveur d’un plus grand engagement de l’Australie dans la région.

Le partenariat que l’Australie entretient de longue date avec les Etats-Unis est d’une importance fondamentale. Depuis la bataille du Hamel en France le 4 juillet 1918, les forces militaires des Etats-Unis et de l’Australie ont combattu côte à côte dans chaque conflit important.

L’alliance ANZUS, unissant l’Australie et les Etats-Unis, est tout aussi fondamentale à notre sécurité nationale et représente une manifestation concrète des valeurs que nous partageons et qui reposent sur des traditions démocratiques et un héritage communs. L’engagement des Etats-Unis en Asie est l’un des principaux piliers de la stabilité dans notre région. L’ANZUS est le point central d’une relation bien plus large. L’Accord de libre-échange entre les deux pays, en vigueur depuis un an, va poursuivre l’intégration de notre économie dans l’économie la plus large et la plus dynamique au monde, et va permettre à l’Australie d’en récolter les fruits pendant plusieurs générations.

Nous croyons qu’un leadership global solide des Etats-Unis est crucial pour la stabilité et prospérité future de l’Asie. Les Etats-Unis ont une importance considérable du fait des ressources diplomatiques, militaires, policières et de renseignements qu’ils sont en mesure de déployer pour faire face aux menaces envers la stabilité et la prospérité.

Le potentiel économique et le poids stratégique croissants de la Chine constituent le facteur le plus déterminant pour le façonnement futur de l’Asie. Construire un partenariat plus solide avec une Chine qui grandit et développe son influence, est un objectif important de la politique australienne. La Chine est le deuxième plus grand partenaire de l’Australie en termes d’échanges de marchandises, et les exportations de services vers la Chine s’accroissent à un rythme rapide. Le Cadre commercial et économique ou TEF (Trade and Economic Framework), signé en octobre 2003, offre une base sur laquelle la relation commerciale et économique pourra poursuivre son développement au cours des dix prochaines années. Aux niveaux bilatéral, régional et multilatéral, nous nous consultons étroitement sur un certain nombre de dossiers relevant de la sécurité, et travaillons en partenariat à la libéralisation des échanges agricoles, au sein du Groupe de Cairns, présidé par l’Australie, qui regroupe les nations engagées en faveur d’échanges commerciaux agricoles équitables. Notre relation étroite avec la Chine est renforcée par des échanges réguliers au niveau ministériel et entre les chefs de gouvernement, et par des dialogues bilatéraux réguliers que nous avons établis sur les questions de l’aide au développement, de la coopération commerciale et économique, des ressources, de la défense, de la sécurité régionale et du désarmement, des droits de l’homme et des affaires consulaires.

 

L.L.D. : En prenant le commandement des forces de paix des Nations unies au Timor oriental en 1999, l’Australie s’est affirmée comme un acteur incontournable en Asie du Sud-Est. A la lumière des mots du Premier ministre John Howard sur les interventions préventives dans les Etats « défaillants » du Pacifique occidental et de l’Asie du Sud-Est, et étant vous-mêmes confrontés à la prolifération du terrorisme dans la région, quelle est votre vision pour l’établissement d’une architecture sécuritaire globale dans la région ?

 

S.E.Mme P.W. : La proximité de l’Australie et de l’Asie du Sud-Est signifie que la stabilité de la région représente un enjeu important pour nous. En 1999, l’Australie a dirigé la force multinationale au Timor oriental (INTERFET) et joué un rôle clé dans la progression du Timor oriental vers l’indépendance en 2002. L’indépendance, durement gagnée, du Timor oriental était une étape primordiale pour son peuple et la région. L’Australie va continuer à contribuer à la sécurité et à la stabilité régionales grâce à sa capacité de défense, solide et reconnue, son vaste réseau de relations, en matière de défense, avec la plupart des pays asiatiques, grâce également à sa coopération dans le domaine de l’anti-terrorisme et à ses initiatives en faveur du développement du potentiel de la région. Nos relations en matière de défense stratégique en Asie du Sud-Est existent de longue date puisqu’elles se sont forgées lors des négociations de l’Accord de défense appelé le Five-Power Defence Arrangement, conclu avec la Malaisie, Singapour, le Royaume-Uni et la Nouvelle-Zélande en 1968.

L’Australie est fermement engagée dans les échanges diplomatiques formels qui existent dans la région. L’Australie est un membre fondateur et continue de jouer un rôle prépondérant dans les organisations régionales clés de l’Asie-Pacifique, notamment au sein du forum pour la Coopération économique en Asie-Pacifique (APEC) et de l’ARF, le Forum régional de l’ASEAN et principal forum de discussion et de coopération en matière de sécurité. Comme cela a été mentionné auparavant, c’est avec plaisir que l’Australie prend part au sommet de l’Asie de l’Est, processus qui fait partie d’une architecture régionale en évolution de cette zone au sens large.

Bien que l’architecture formelle de la coopération régionale reste une priorité pour le Gouvernement, le développement d’autres forums concrets dans la région reste dynamique. L’Australie participe à l’architecture régionale émergente dans de nombreux domaines, et notamment au travers des réunions au niveau ministériel de Bali sur la traite des êtres humains, des réunions au niveau ministériel trilatérales entre l’Australie, l’Indonésie et le Timor oriental, et du Dialogue dans le Pacifique du Sud-Ouest incluant l’Australie, l’Indonésie et la Papouasie-Nouvelle-Guinée. Le meilleur exemple de cette coopération est peut-être le temps fort qu’a représenté la réunion régionale au niveau ministériel de Bali sur l’anti-terrorisme, à laquelle 25 pays ont participé, et qui a ouvert la route à une coopération anti-terroriste concrète dans les domaines des questions juridiques et policières, et a mis en lumière l’engagement fort de l’Australie en faveur d’une coopération avec ses partenaires d’Asie-Pacifique afin de faire face au terrorisme. Nous continuons, de manière bilatérale et de même qu’au sein du Forum des îles du Pacifique (PIF), à aider les pays insulaires du Pacifique à renforcer leurs régimes administratifs et légaux pour soutenir la lutte anti-terroriste.

L’Australie est entrée dans une nouvelle phase d’activisme en ce qui concerne les pays proches du pourtour du Pacifique. Nous sommes préparés à y consacrer des ressources significatives et à travailler en coopération sur les problèmes concrets où il est possible d’aboutir à un impact positif. Pour beaucoup de petits Etats fragiles, en particulier les îles du Pacifique, mauvaise gouvernance, criminalité et corruption constituent une menace réelle pour le développement économique comme pour la sécurité régionale. La criminalité transnationale (terrorisme, trafic de drogue, traite d’êtres humains, immigration clandestine et blanchiment d’argent), dans et à travers la région, représente une menace croissante pour l’Australie et les pays du Pacifique Sud.

De nombreux pays du Pacifique Sud font face à un avenir difficile. L’inégalité des progrès économiques réalisés ces dernières années signifie que certaines îles doivent relever de gros défis pour répondre aux tensions ethniques et sociales, ainsi qu’à la croissance démographique rapide. La plupart des pays insulaires ont des ressources limitées, et cela freine leur capacité à faire face à ces pressions. Comme je l’ai mentionné, l’expansion de notre programme d’aide en faveur de la Papouasie-Nouvelle-Guinée, et la Mission d’assistance régionale dirigée par l’Australie dans les Iles Salomon, montrent que l’Australie se tient prête à venir en aide aux pays du Pacifique Sud désirant s’en sortir, en abordant les problèmes de mauvaise gouvernance et de sous performance économique. Le programme d’aide de l’Australie dans cette région fait partie intégrante d’une initiative plus large menée par le gouvernement afin d’y installer développement et stabilité.

 

L.L.D. : Les attaques terroristes perpétrées en octobre 2002 à Bali et celle de 2004 contre l’Ambassade d’Australie à Jakarta, auxquelles s’ajoutent les menaces récemment contecarrées sur le territoire australien, font de votre pays une cible des réseaux terroristes dans la région. De quelle manière cette menace affecte-t-elle les politiques de l’Australie dans les domaines de la sécurité et de la politique étrangères ? A la lumière des nombreuses arrestations d’activistes fondamentalistes, comment évaluez-vous la dimension de cette menace dans la région ? De quelle manière s’articule la coopération avec les autres pays du Sud-Est asiatique sur cette question, et plus particulièrement avec l’Indonésie ?

 

S.E.Mme P.W. : L’Asie du Sud-Est est devenue un des fronts de la lutte mondiale contre le terrorisme, principalement à cause des attaques perpétrées par le groupe terroriste Jemaah Islamiyah (JI). JI est responsable de l’attentat à la bombe d’une discothèque de Bali en octobre 2002 qui causa la mort de 202 personnes, dont de nombreux Australiens, ainsi que des attaques contre l’Ambassade d’Australie et l’Hôtel Marriott à Jakarta. Ce mouvement est également soupçonné d’être impliqué dans les attentats d’octobre 2005 à Bali. Ces attaques sont odieuses et lâches ; les ressortissants indonésiens, dont la plupart étaient musulmans, en ont été les principales victimes.

L’Australie et les Australiens sont une cible pour les terroristes dans la région. Nous sommes une cible à cause de nos idées tolérantes, démocratiques et pluralistes, piliers de notre identité nationale. Mais nous ne sommes pas seuls. Le terrorisme est un défi sur le long terme, qui nécessite une réponse internationale hautement coordonnée. Comme partout ailleurs, l’environnement sécuritaire régional en Asie a sensiblement changé ces dernières années, avec l’émergence de nouvelles formes de terrorisme transnational. L’Australie y a répondu en poursuivant une stratégie multidimensionnelle visant à protéger l’Australie et les intérêts australiens.

Tout d’abord, nous savons que les efforts nécessaires pour faire face au terrorisme requièrent une coopération et une coordination solides avec nos voisins. Une menace transnationale exige une véritable collaboration transfrontalière. Au cours des quatre prochaines années, l’Australie va engager plus de 25 millions d’euros dans le développement d’une initiative complète, visant à renforcer la coopération régionale dans la lutte anti-terroriste. Cette initiative, qui vient s’ajouter à d’autres mesures d’aide à la lutte régionale contre le terrorisme (184 millions d’euros au total), se concentrera sur les domaines de l’application des lois, de la sécurité aux frontières et dans les transports, des renseignements et de la coopération légale.

Sur le terrain, la Police fédérale australienne (AFP), notre principal organe responsable de l’application des lois, active sur la scène internationale, a établi une relation de travail solide avec les services de police régionaux, en particulier avec ses homologues indonésiens. Dans la pratique, la stratégie concrète de l’AFP, fondée sur une collaboration étroite avec les autorités locales, a porté ses fruits au moment de l’investigation, couronnée de succès et menée conjointement avec la police indonésienne, sur l’attentat à la bombe de Bali. L’accent est mis sur le développement de moyens au niveau local, de manière à ce que la police locale soit mieux équipée pour anticiper et répondre aux menaces et situations terroristes. Nos services de renseignements, de gestion des frontières, de sécurité dans les transports et les agences de financement de l’anti-terrorisme, ont adopté une stratégie similaire avec leurs homologues, et obtiennent des résultats prometteurs.

Plus de 300 terroristes appartenant à la JI, ou d’autres individus suspectés de terrorisme, ont été arrêtés dans la région, et plus de 40 terroristes ont été poursuivis avec succès pour leur participation dans l’attentat à la bombe de 2002. De plus, les gouvernements de l’Asie du Sud-Est ont pris un nombre de mesures importantes pour combattre le terrorisme et pour réduire la vulnérabilité de la région face à ce fléau. En Indonésie, par exemple, le Gouvernement a promulgué de nouvelles lois anti-terroristes et a mis en place une unité de renseignements financiers visant à restreindre le flux de fonds approvisionnant les terroristes.

Un autre élément important a consisté en la création d’un réseau d’accords bilatéraux relatifs à l’ant

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