Lundi 22 Avril 2019  
 

N°124 - Quatrième trimestre 2018

La lettre diplometque
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L’Innovation scientifique comme socle d’une relation privilégiée

Nations au savoir-faire technologique affirmé, le Japon et la France ont fait de leur coopération scientifique dans les secteurs de pointe une priorité. Robotique, intelligence artificielle, nano et biotechnologies, pharmaceutique, espace, énergie renouvelable, ou encore nucléaire… les domaines propices au partage d’expérience et de travail commun ne cessent d’augmenter mêlant secteurs public et privé.

Vitrine d’un partenariat tourné vers le partage des savoirs, l’Année franco-japonaise de l’innovation s’est achevée avec succès par la tenue d’un Grand forum les 6 et 7 décembre 2016 à Osaka. Plus d’un an après, la coopération scientifique et technologique entre les deux pays s’est encore approfondie.
Témoin des complémentarités que cherchent à valoriser la France et le Japon, l’investissement du groupe Fujitsu annoncé en mars 2017 pour créer un Centre d’intelligence artificielle (IA) à l’École Polytechnique, au sein du technopole de Paris-Saclay. 
De son côté, l’Université Paris-Saclay a signé un mémorandum d’entente avec l’Université d’Osaka qui abrite les installations de lasers haute puissance GekkoXII de l’Institute of laser engineering (ILE), avec lequel le Laboratoire d’utilisation des lasers intenses LULI (CNRS, École polytechnique, CEA, UPMC) entretient une coopération depuis une quinzaine d’années. L’objectif est d’encourager le développement de projets conjoints structurés, tels le Laboratoire international associé LIA FJ-NSP portant sur les problèmes de structure nucléaire. Elle vise en outre à soutenir une plus grande mobilité des étudiants.
Coïncidence, le Japon était mis à l’honneur tout au long de l’année 2017 par l’École Normale Supérieure (ENS). Deux accords ont également été signés le 22 novembre dernier par l’ENS avec deux centres majeurs de la recherche scientifique japonaise : les universités de Kyoto et de Chiba.
Trait d’union entre ces deux cultures scientifiques, le Vice-Président de l’ENS chargé de la Recherche, M. Keitaro Nakatani, s’est vu remettre à cette occasion le « Foreign Minister’s Commendation » du Ministère des Affaires étrangères du Japon par S.E.M. Masato Kitera, Ambassadeur du Japon en France et ancien élève diplômé de l’ENA. Une haute distinction qui récompense son implication dans l’établissement d’accords entre l’ENS Paris-Saclay et des universités japonaises, ainsi que sa contribution au montage d’un réseau de recherche, le GDRI PHENICS, sur les photochromes organiques (matériaux photo-actifs à propriétés réversibles), regroupant des chercheurs de cinq pays, dont la France et le Japon.
Ces nouvelles plateformes de coopération renforcent les travaux de recherche en cours, notamment au sein du LIA NanoSynergetics (matériaux photoactifs) coordonné par l’ENS Paris-Saclay et le réseau international de recherche GDRI Matter in extreme conditions-application to planetary physics. Un LIA auquel participe l’Université de Lille, partie prenante également avec l’Université de Shinshu du LIA MODO inauguré le 3 juillet 2017 à Matsumoto et dont les travaux visent à développer un solveur autonome unifié.

Contribuer à relever les défis globaux
Depuis 1991, le Japon et la France sont liés par un traité de coopération scientifique. Ils sont aujourd’hui devenus des partenaires privilégiés dans de nombreux domaines. Le CNRS représentait ainsi 68% des co-publications franco-japonaises en 2013-2014 (1760), et la part des co-publications avec le CNRS sur l’ensemble des publications japonaises croît régulièrement depuis 15 ans. Pour sa part, le Japon est le 12ème partenaire du CNRS en matière de co-publications et le deuxième en Asie, derrière la Chine. Il est, en outre, la 9ème destination à l’étranger des personnels des unités CNRS en 2015 et la 1ère destination du CNRS sur le continent asiatique avec 1 588 missions.
Partageant une forte tradition scientifique, les deux pays inscrivent leur coopération dans le cadre de leurs objectifs d’évolution économique à moyen terme, comme l’a réaffirmé le 9ème Comité franco-japonais de la coopération scientifique et technologique qui s’est tenu à Tokyo le 21 février 2017. D’une part, l’agenda France Europe 2020 et, d’autre part, le 5ème plan japonais sur la science et la technologie qui met l’accent sur l’objectif du Premier Ministre Shinzo Abe de faire émerger une Société 5.0 et de donner au Japon le leadership mondial en matière scientifique et technologique à l’horizon 2020.
Vieillissement de la population, réchauffement climatique, accès à une alimentation sûre et durable, lutte contre les pandémies, efficacité énergétique… Autant de domaines pour lesquels le Japon et la France aspirent à coopérer tant pour contribuer à leur croissance économique respective que pour trouver des solutions aux défis actuels de la planète. 
Au premier rang de l’engagement commun des deux pays, l’amélioration de la santé mondiale, et notamment la lutte contre les maladies infectieuses. C’est un des principaux et plus anciens secteurs de la coopération scientifique bilatérale en sciences de la vie, impliquant parfois une coopération avec des pays tiers. Instauré depuis 2013, le partenariat de recherche sur le paludisme entre l’Institut Pasteur du Laos et le National Center for Global Health and Medicine (NCGM) a, par exemple, été renforcé par la signature le 7 juillet 2017 d’un nouvel accord. Un accord qui intervient un an après la création de la Fondation (qui a alors succèdé à l’Association) Pasteur Japon. 
Dans un tout autre domaine, les matériaux font l’objet d’une collaboration dense entre les deux pays. En 2016, le comportement des matériaux en conditions extrêmes a été placé au cœur des travaux entre le CNRS, l’Université de Lyon et l’Université du Tohoku, au sein de l’Unité mixte internationale (UMI) Engineering Science Lyon-Tohoku for Materials and Systems under Extreme Conditions (ELytMax). 
Les technologies liées au développement d’une économie verte figurent également en tête des priorités. Depuis 2012, le LIA Next generation Photovoltaïc Cells (Next PV) associe ainsi le CNRS, l’Université de Bordeaux et l’Université de Tokyo pour l’élaboration de cellules photovoltaïques de nouvelle génération. De leurs côtés, l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (ADEME) et l’Organisation pour le développement des énergies nouvelles et des technologies industrielles (NEDO) s’efforcent depuis 25 ans, de promouvoir une coopération scientifique portant principalement sur les prospectives technologiques à long terme dans le domaine de l’énergie et du changement climatique. Lors du Grand forum de clôture de l’Année franco-japonaise de l’innovation, en décembre 2016, ce sont les technologies liées à l’hydrogène qui ont été mises à l’honneur avec la présentation des solutions technologiques d’industriels français et japonais tels Panasonic, Honda, Chiyoda, Air Liquide, Symbio FCell.

Des synergies scientifiques stratégiques
En matière d’énergie, le nucléaire représente un secteur de coopération hautement stratégique entre le Japon et la France qui s’est particulièrement traduit par une assistance française au lendemain de la catastrophe de Fukushima. En octobre 2011, Tokyo et Paris ont en outre créé le Comité nucléaire franco-japonais, dont la 7ème réunion s’est tenue en novembre 2017. Engagée de longue date, cette coopération a été formalisée et étendue à l’ensemble du cycle du nucléaire en 2013. La signature d’une déclaration d’intention sur le nucléaire civil le 20 mars 2017, à l’occasion de la visite en France du Premier Ministre japonais, a approfondi encore davantage la coopération franco-japonaise dans ce domaine.
Ces liens associent les acteurs industriels des deux pays. Le groupe français Areva, rebaptisé Orano, et le japonais Mitsubishi Heavy Industry (MHI) ont ainsi mis en place depuis 2007 la co-entreprise ATMEA qui travaille à développer un nouveau réacteur de 3ème génération. Ces synergies ont été initiées dans les années 1960 dans le cadre de la construction de l’usine de Tokai Mura, puis de celle de Rokkasho Mura, pour laquelle un accord de transfert de technologie avait été signé en 1987. En juin 2016, Mitsubishi Heavy Industries, Ltd. (MHI) et EDF ont signé un protocole d’accord prévoyant l’évolution du cadre de la coopération concernant la co-entreprise ATMEA. Alors que MHI est appelé à devenir actionnaire d’Orano, EDF devient partie prenante des opérations commerciales en soutien d’ATMEA, entrant ainsi dans le projet de réacteur ATMEA-1 retenu par la Turquie (centrale Sinop). Orano est, par ailleurs, un important fournisseur des électriciens japonais en matière d’uranium et de prestations de services (enrichissement de l’uranium, fourniture de combustible, y compris MOX ; traitement-recyclage des combustibles usés). 
Le Japon est en outre devenu en 2014 le partenaire privilégié de la France pour le développement du programme Astrid (Advanced Sodium Technological Reactor for Industrial Demonstration), projet de réacteur à neutrons rapides refroidis au sodium (RNR-Na), lancé par le gouvernement français en 2006 et piloté par le Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA). 
Candidat aux appels d’offres lancés par le groupe japonais TEPCO pour le démantèlement des réacteurs de Fukushima, le CEA participe également à la coopération franco-japonaise en matière de réduction des risques de catastrophes naturelles, domaine de recherche dans lequel les deux pays sont classés parmi les dix les plus en pointe. Des liens ont été noués entre plusieurs autres organismes publics dont le Cross-ministerial SIP Program du Bureau du Cabinet, l’Observatoire national des Risques naturels (ONRN), le Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM) et plusieurs régions françaises, ainsi que des universités (celles de Tokyo, Tohoku, Kyoto et Lyon). En octobre 2017, l’Ambassade de France au Japon, en collaboration avec la Maison Franco-Japonaise, a organisé la French-Japanese Week on Disaster Reduction. Un événement qui a réuni plus de 250 chercheurs et industriels français et japonais (IRIS Instruments, Thales Alenia Space, Tokyo Electric, Tohoku Electric, Japan Railway, etc.) en présence de Mme Frédérique Vidal, Ministre de l’Enseignement Supérieur, de la Recherche et de l’Innovation. Dans ce cadre, un accord a été conclu entre le BRGM et l’Université de Tokyo sur la muographie. 
De nombreux autres domaines de portée stratégique sont au cœur de la concertation scientifique franco-japonaise. Récemment, le CEA a engagé une coopération avec le Riken, le principal institut de recherche de l’Archipel, en matière de calcul haute performance (lié à la maîtrise du Big Data). Les ambitions des deux pays sont d’ailleurs très élevées puisqu’ils cherchent à mettre au point à l’horizon 2020-2025 la nouvelle génération de super-ordinateurs, 100 fois plus performante que la génération actuelle. 
Depuis plus de dix ans, l’espace s’est affirmé comme un autre champ de collaboration prometteur pour la France et le Japon. Instauré en 2005, leur dialogue spatial a été consolidé en 2015 par le renouvellement de l’accord-cadre entre le Centre national d’études spatiales (CNES) et l’Agence japonaise d’exploration aérospatiale (JAXA). Inscrite dans la feuille de route 2013-2018 du partenariat franco-japonais, cette coopération s’est traduite par la signature, le 10 avril 2017, d’un accord portant sur la phase d’étude du projet MMX (Martian Moons Exploration), à laquelle le CNES va contribuer par des études de faisabilité préalables à l’engagement de la mission pour un lancement prévu en 2024.   CH

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