Lundi 22 Avril 2019  
 

N°124 - Quatrième trimestre 2018

La lettre diplometque
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Les liens entre territoires japonais et français, terreau d’une coopération diversifiée

Dix ans après leur création à l’occasion des 150 ans des relations diplomatiques entre le Japon et la France, les Rencontres franco-japonaises de la coopération décentralisée se réuniront pour une sixième édition du 8 au 11 octobre 2018 à Kumamoto. Ce rendez-vous marquera un autre temps fort des célébrations de 2018 tant la coopération décentralisée est devenue une caractéristique des liens d’amitié franco-japonais, terreau riche d’échanges humains et de partage d’expériences.

Soixante ans après la signature du pacte d’amitié entre Kyoto et Paris, en 1958, la coopération entre collectivités locales s’est affirmée comme un vecteur à part entière des relations entre la France et le Japon. Son approfondissement a même été défini comme un objectif de la feuille de route adoptée en 2013 (le numéro 17) pour l’approfondissement du partenariat d’exception entre les deux pays.
Avant Kumamoto en 2018, c’est Tours qui avait accueilli les Rencontres franco-japonaises de la coopération décentralisée. Quelque 170 participants de 41 collectivités locales (22 collectivités françaises et 19 collectivités japonaises) avaient alors répondu présent. La déclaration finale de cette 5ème édition avait précisé que ces Rencontres « dépassent le cadre habituel des échanges bilatéraux entre collectivités franco-japonaises jumelées ou partenaires. En effet, il s’agit d’assises au cours desquelles les représentants de collectivités locales de nos deux pays se concertent, se rassemblent et présentent des stratégies de développement et des projets mis en œuvre afin de concilier tradition et modernité, de faire la synthèse entre une histoire, un patrimoine exceptionnel, des atouts et des savoir-faire et dans lesquels puiser une vitalité fondée sur l’innovation, la créativité, la recherche, l’intelligence de nos territoires. »
Initiées en 2008 à Nancy sous l’égide du Ministère français des Affaires étrangères et le Ministère japonais de l’Intérieur et des Communications, les Rencontres franco-japonaises de la coopération décentralisée sont co-organisées par Cités Unies France et le bureau parisien du Centre japonais des Collectivités locales (CLAIR Paris). Elles ont à cœur de valoriser les collectivités locales face aux grandes évolutions internationales comme en témoigne les thèmes choisis : la mondialisation à Compiègne en 2012 ou à Takamatsu en 2014 ; l’innovation à Tours en 2016 et l’attractivité territoriale à Kumamoto en 2018. 

L’histoire et les rencontres au cœur des jumelages
À l’origine, le jumelage est défini selon l’Association nationale du Conseil des communes et régions d’Europe (AFCCRE), comme «  la rencontre de deux communes qui entendent s’associer pour agir dans une perspective européenne, pour confronter leurs problèmes et pour développer entre elles des liens d’amitié de plus en plus étroits. » Si cette acception n’est pas restreinte au seul espace européen, elle consacre bien une dimension « grand public » inclusive visant à favoriser le brassage des populations, le dialogue et la connaissance mutuelle. 
Les symboles qui favorisent le rapprochement jouent à cet égard un rôle important, comme l’association du Mont Saint-Michel et du célèbre Grand Torii du Sanctuaire d’Itsukushima de Miyajima – tous deux inscrits sur la Liste du Patrimoine mondiale de l’UNESCO – pour la promotion du 150ème anniversaire des relations diplomatiques franco-japonaises en 2008.
Souvent ce sont des personnalités ou des rencontres qui favorisent les liens entre les localités. L’histoire du père Marc Marie de Rotz est ainsi au cœur du jumelage entre la commune de Vaux-sur-Aure (Calvados) d’où il est originaire et Sotomé (préf. Nagasaki) où il partit en 1868 et consacra sa vie à l’aide aux plus démunis. 
Plus connu, Tsuguharu Léonard Foujita est l’un des emblèmes du jumelage qui sera officialisé en mai 2018 entre Reims et Nagoya. Sans doute le plus célèbre artiste franco-japonais, il est connu pour être l’une des grandes figures de l’École de Paris avec, entre autres, Picasso, Matisse, Modigliani, Soutine ou Léger, et pour avoir conçu et décoré, après s’être converti au catholicisme, la chapelle Notre-Dame-de-la-Paix à Reims entre 1965 et 1966. En 2013, ses héritiers ont d’ailleurs fait donation à la ville de Reims de 663 œuvres, le plus grand fonds européen de l’artiste. Ce jumelage sera en forme de triple hommage, car deux Français se distinguent également dans la construction de cette histoire entre Reims et Nagoya : Hugues Kraft (1853-1935), l’un des tous premiers étrangers à « importer » la photographie dite instantanée au Japon ; et Alfred Gérard (1837-1915) qui fit importer de France des tuiles résistantes au vent qui soufflait dans le port de Yokohama et qu’il fit ensuite fabriquer sur place.
Ces liens illustrent d’ailleurs à quel point l’innovation, l’industrie et donc les échanges économiques développés à l’échelon local, constituaient déjà l’un des vecteurs puissants des relations entre la France et le Japon. Lorsque les Français commencent à arriver au Japon au début des années 1860, c’est d’ailleurs la puissante industrie française de la soie, concentrée à Lyon, qui s’affirme comme l’un des promoteurs du rapprochement entre les deux pays. Les vers à soie cultivés en France sont alors décimés par la pébrine. Les soyeux lyonnais trouvent dans l’Archipel des graines résistantes à cette maladie, sauvant ainsi la sériculture française. Rapidement, ils importent plus de 50% de la production japonaise de balles de soie grège, considérées de qualité supérieure. Une nouvelle route de la soie est alors établie entre Yokohama et Lyon. De son côté, Paul Brunat supervise la construction de la filature de Tomioka qui deviendra la meilleure du Japon et fait importer les célèbres métiers à tisser Jacquart. En outre, c’est le diplomate Léon Roches, originaire de la région lyonnaise, qui est nommé par Napoléon III pour raffermir les relations avec l’Archipel. Il sera l’artisan du prolongement de Shanghai à Yokohama de la ligne de la Compagnie des Messageries impériales en 1865. Il fera également ouvrir le chantier naval de Yokosuka et le Collège français de Yokohama (aujourd’hui ville hôte d’un Festival du film français).

Des liens vecteurs d’échanges économiques et de partage de savoir-faire
La coopération économique est bien au cœur du développement des synergies entre collectivités japonaises et françaises. 53 villes, départements ou régions des deux pays sont liées par des jumelages ou des conventions et près de 75 projets de coopération décentralisée associent aujourd’hui les collectivités territoriales françaises et japonaises. Ils permettent de traiter de sujets concrets d’intérêt commun, tels les transports, l’environnement et l’aménagement urbain. 
Plusieurs villes ou régions françaises, comme Marseille qui est plus particulièrement lié depuis 1961 à Kobé, deuxième grand port du Japon, se sont ainsi impliquées dans l’Année franco-japonaise de l’innovation. Dans le cadre du Grand forum organisé le 6 décembre 2016 à Osaka, de nombreuses start up marseillaises ont ainsi participé à une mission d’affaires au Japon visant à promouvoir le « made in Provence », tandis que M. Didier Parakian, Adjoint au Maire de Marseille en charge de l’économie, a pu mettre en lumière l’attractivité de Marseille, que des entreprises comme Toyoko Inn, Uniclo ou Tajima ont choisi « comme point d’ancrage pour l’Europe du Sud ». 
De son côté, Mme Carole Delga, Présidente de la région Occitanie/Pyrénées-Méditerranée a également conduit une délégation à Osaka. Une occasion pour l’entreprise montpelliéraine Vogo de signer un contrat d’intégration de son application mobile dans le catalogue du groupe Panasonic sponsor officiel des Jeux Olympiques d’été de Tokyo en 2020. Ce déplacement a surtout permis de renouveler avec le gouverneur de Kyoto, M. Keiji Yamada, l’accord de partenariat conclu entre les deux collectivités en juin 2015 et qui a favorisé le renforcement des liens universitaires dans les domaines de la médecine et de l’agronomie. Des liens qu’a contribué à amorcer le groupe Horiba, géant des instruments d’analyse et de mesure dont l’implantation en Occitanie a généré la création de 650 emplois. 
Plus récemment, l’innovation et le soutien aux start ups étaient également au cœur du 35ème anniversaire du jumelage des villes de Bordeaux et Fukuoka, célébré le 22 mai 2017 à l’occasion de la quatrième édition du Gala Fukuoka, organisée par la Chambre de commerce et d’industrie France-Japon. Avec à la clé la signature d’un nouveau protocole d’accord qui, selon le Maire de Fukuoka, Soichiro Takashima, « n’est que le début d’une coopération qui ne fera que s’approfondir. »  CH


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