Au cœur de la prévention des crises sanitaires d’origine animale
Par le Docteur Bernard Vallat, Directeur général de l’Organisation mondiale de la santé animale (OIE)
En 1924, bien avant la création des Nations unies, quelques vétérinaires visionnaires décidèrent de créer une organisation internationale capable d’informer les pays membres en cas d’épizooties, de leur permettre de se protéger contre les maladies animales et d’échanger les informations scientifiques nécessaires à la lutte contre ces maladies.
La France ayant organisé la première conférence internationale qui a abouti à la création de l’« Office international des épizooties » (OIE), il a été décidé d’installer le siège de l’organisation à Paris. Depuis lors, la France se porte garante du respect permanent de l’Accord International ayant porté à la création de l’OIE.
L’organisation a grandi et, à partir des vingt-huit pays signataires de l’accord international du 25 janvier 1924, elle est passée aujourd’hui, soit quatre-vingts ans plus tard, à 167 pays. L’idée des vétérinaires fondateurs, selon laquelle une vraie politique vétérinaire ne peut se conduire uniquement à l’échelle nationale, est aujourd’hui plus que jamais d’actualité.
En quatre-vingts ans d’existence, l’OIE et ses pays membres ont vécu un grand nombre d’événements marquants. Après sa reconnaissance officielle par l’Organisation mondiale du Commerce en 1994 en tant qu’organisation internationale de référence pour la sécurité du commerce international des animaux et de leurs produits, en matière de risques liés aux maladies animales et aux zoonoses, l’OIE a fait un nouveau pas en avant en 2003. Lors de la 71ème Session générale du Comité international, les Délégués des pays membres ont décidé de changer le nom traditionnel de l’Office en « Organisation mondiale de la santé animale », tout en conservant le sigle « OIE » auquel est attachée une valeur historique.
Les pays membres de l’OIE ont ainsi donné à leur organisation un nouvel élan, consacrant sa modernisation et la clarification de son mandat. Ce dernier a également évolué au fil des années et va désormais au-delà de l’amélioration de la santé et du bien-être des animaux pour prendre aussi en compte les répercussions possibles sur la santé humaine.
Le risque accru de propagation internationale d’agents pathogènes dû à la mondialisation a abouti, ces dernières années, à de véritables catastrophes telles que la crise de l’encéphalopathie spongiforme bovine, celle de la fièvre aphteuse et, plus récemment, de l’influenza aviaire. En considération de ces événements, le rôle de l’OIE, ainsi que la rigueur et la qualité historiquement reconnues qui caractérisent ses travaux scientifiques et techniques, s’avèrent plus que jamais utiles pour la communauté internationale.
L’OIE et tous les vétérinaires et autres professionnels œuvrant dans le domaine de la santé animale à l’échelle internationale sont confrontés à la difficulté de répondre aux nouvelles exigences mondiales. C’est pourquoi notre organisation a évolué, passant d’un mandat traditionnellement axé sur la gestion et la prévention des maladies animales à une approche élargie répondant aux nouvelles demandes du public en ce qui concerne l’amélioration de la sécurité sanitaire des aliments, la protection des personnes contre les maladies d’origine animale et le bien être des animaux.
La communauté internationale est en effet confrontée à l’émergence de nouvelles maladies dont la plupart doivent être d’abord détectées parmi les populations animales. Soixante-quinze pour cent des nouvelles maladies émergentes dangereuses pour l’homme et quatre vingt pour cent des agents pathogènes qui constituent des outils potentiels pour le bioterrorisme sont d’origine animale. Il est donc de notre devoir d’inciter les gouvernements à investir davantage dans les dispositifs permettant une détection précoce des maladies émergentes et ré-émergentes transmissibles à l’homme ainsi qu’une réponse rapide, avant que ces incidents ne se propagent au-delà des frontières. Le moyen le plus efficace et le plus économique d’éliminer ces menaces pour la santé publique consiste à les détecter et à les maîtriser à la source, à savoir chez l’animal.
Garantir aux consommateurs la sécurité sanitaire des aliments est une autre demande à laquelle est confrontée notre profession. A l’OIE, nous restons convaincus que les aliments d’origine animale sont une source de richesse pour l’humanité et que la disponibilité de lait et de viande pour les populations de tous les pays du monde doit être une priorité internationale. L’OIE travaille en collaboration avec le Codex Alimentarius pour élaborer des normes et lignes directrices et préparer les services vétérinaires de tous les pays à participer efficacement à la sécurité sanitaire de nos aliments d’origine animale, de l’étable à la table.
Le bien-être animal est également un thème important qui s’inscrit dans le programme de travail de l’OIE suite à la demande croissante de la société et qui doit être traité de façon aussi scientifique que l’élaboration des lignes directrices pour la protection de la santé animale. De même, il faut souligner que l’amélioration de la santé animale représente une action forte en faveur du bien-être des animaux. Ainsi, les pays membres de l’OIE ont décidé de faire de l’OIE l’organisation phare en matière de bien-être animal, ce qui s’est traduit par l’élaboration de normes et de lignes directrices fondées sur des critères scientifiques, par une expertise et des activités de formation et de recherche entreprises partout dans le monde.
Bien évidemment, ces nouvelles obligations ne remplacent pas la mission traditionnelle de l’OIE, à savoir la notification transparente de la situation zoosanitaire dans le monde. La publication des normes reconnues par l’Organisation mondiale du Commerce sur les méthodes de lutte contre les maladies animales régulièrement mises à jour et sur la protection des échanges mondiaux d’animaux et de produits d’origine animale contre la propagation des agents pathogènes continue de représenter une part importante de nos activités.
J’invite d’ailleurs les pays développés et les organisations internationales donatrices partout dans le monde à s’associer à notre action pour aider les pays pauvres à lutter contre les maladies animales, dans la mesure où elles sont des facteurs de pauvreté, où elles représentent une préoccupation pour la santé publique, où elles bloquent l’accès aux marchés et où elles constituent également une menace permanente pour les pays indemnes de maladies.
Le quatrième Plan stratégique de l’OIE adopté par le Comité international de l’OIE lors de sa dernière Session générale de mai 2005 servira de base à la réalisation de ces objectifs. Ce nouveau programme réaffirme la pertinence des objectifs énoncés dans le plan précédent et clarifie les missions prioritaires de l’OIE. A travers ce nouveau mandat global, l’OIE interviendra encore davantage dans les politiques liées à l’amélioration de la santé publique par la lutte contre les zoonoses, y compris celles d’origine alimentaire, l’amélioration de la sécurité sanitaire du commerce mondial des animaux et de leurs produits, la promotion de l’accès des pays membres aux marchés régionaux et internationaux, la promotion du bien-être animal par la santé des animaux et par l’adoption de règles internationales pour le conforter, la promotion des services vétérinaires nationaux pour appliquer toutes ces actions ainsi que l’appui au renforcement de leurs capacités.
Le quatrième Plan stratégique consolide les missions essentielles définies dans le plan précédent :
– transparence de la situation zoosanitaire mondiale
– élaboration de normes sur des bases scientifiques
– établissement de lignes directrices pour la prévention, le contrôle et l’éradication des maladies animales
– détermination du statut sanitaire des pays membres.
Il introduit de nouvelles orientations stratégiques essentielles qui visent à renforcer :
– l’influence de l’OIE sur les politiques mondiales, régionales et nationales dans le domaine des mécanismes de gouvernance destinés à améliorer la santé animale et les définitions des priorités de recherche scientifique ;
– les actions axées sur le renforcement des capacités menées par l’OIE par l’intermédiaire de ses représentations et sous-représentations régionales (Bamako, Bangkok, Beyrouth, Buenos Aires, Gaborone, Sofia et Tokyo).
– le soutien apporté par l’OIE aux pays membres pour résoudre leurs litiges commerciaux bilatéraux ou multilatéraux liés à la santé animale.
Ces nouvelles lignes directrices nécessiteront un renforcement des capacités du bureau central de Paris, des représentations régionales et du réseau mondial des 170 centres collaborateurs et laboratoires de référence de l’OIE, ainsi que le développement des relations avec les donateurs et les organisations internationales partenaires. À cet égard, l’OIE a conclu des accords officiels avec l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) et l’Organisation mondiale de la Santé (OMS), accords qui ont été approuvés à l’unanimité par les pays membres de l’OIE et de ces organisations. Des accords similaires ont été signés avec une vingtaine d’autres organisations à l’échelle mondiale (comme la Banque mondiale), régionale et professionnelle. La mise en œuvre de ces nouvelles politiques contribuera à réaffirmer que l’OIE est un bien public au service de la communauté internationale.
L’OIE continuera à agir pour sensibiliser les gouvernements des pays membres afin d’encourager les pays et les organismes internationaux concernés à augmenter leurs investissements en matière de prévention et de surveillance des maladies animales par leurs services vétérinaires.
Je voudrais saisir cette occasion pour adresser à nouveau mes très vifs remerciements à tous les pays membres qui m’ont renouvelé, en mai 2005, leur confiance en me réélisant à la tête de l’Organisation pour une nouvelle période de cinq ans. C’est un grand honneur et, pendant ce nouveau mandat, je m’attacherai à poursuivre le développement de l’OIE et à accroître sa compétence scientifique, sa rigueur et son autorité, animé par la noble mission d’améliorer la santé animale et ses effets bénéfiques sur la santé publique, la réduction de la pauvreté et le bien-être des animaux, partout dans le monde.
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