L’Institut International du Froid, une institution au cœur des modes de vie du XXIème siècle
Par M. Didier COULOMB, Directeur général de l’Institut International du Froid (IIF)
L’Institut International du Froid (IIF) est un organisme intergouvernemental dont la mission est de diffuser les informations scientifiques et techniques pertinentes sur tous les usages et technologies du froid, avec quatre grands objectifs : la santé humaine, la sécurité alimentaire, la limitation de la consommation énergétique, l’environnement et plus spécifiquement aujourd’hui la lutte contre le réchauffement climatique. Fondé en 1908, l’IIF comprend actuellement 58 pays membres et dispose de près de 500 experts sur tous les continents, pays développés et pays en développement. 510 membres collectifs et individuels (entreprises, universités et centres de recherche, associations, consultants) disposent par ailleurs d’un accès à ses services d’information.
Le froid, une ressource essentielle dans des domaines vitaux La température est une variable clé de la physique, de la chimie et de la biologie et de ce fait, détermine largement l’état d’un matériau et a fortiori d’un être vivant. Depuis des millénaires, l’homme a donc essayé de « domestiquer » le froid en utilisant d’abord la glace et en la conservant aussi longtemps que possible dans des glacières munies d’une bonne isolation. On en trouve encore des restes en Corée, en France… La première vocation de ces glaces était de prolonger la durée de comestibilité de la nourriture. Cet usage s’est perpétué jusqu’au XIXème siècle, avant que des procédés industriels ne permettent de créer du froid artificiel grâce à une source d’énergie. La première utilisation du froid a donc été centrée sur l’alimentation, même si des systèmes primitifs de refroidissement de l’air ambiant pour un meilleur confort intérieur l’été existent depuis longtemps aussi (tours en Iran…) Le froid reste encore aujourd’hui majoritairement utilisé à des fins alimentaires et, en second lieu pour le conditionnement d’air. Toutefois, le froid est, maintenant, présent partout, aussi bien dans l’industrie traditionnelle (pétrochimie, sidérurgie grâce à l’utilisation de gaz séparés par liquéfaction …) que de pointe (spatial, fusion nucléaire, biotechnologies, informatique, nanotechnologies…). La médecine dépend fortement du froid : cryochirurgie, anesthésie, scanners, vaccins, médicaments fragiles à conserver au froid… La climatisation des bâtiments, des usines, des bureaux, des véhicules, des centres de données, se développe considérablement. L’alimentation dépend étroitement du froid, depuis la production alimentaire jusqu’au consommateur, en passant par l’entreposage, le transport et la commercialisation de produits réfrigérés ou congelés. Le secteur de l’énergie, avec les pompes à chaleur (froid inversé) ou le transport de gaz naturel liquéfié, voit aussi croître les utilisations du froid, sans compter la capture du gaz carbonique pour l’environnement, les travaux publics, les loisirs (neige artificielle, patinoires)… L’utilisation du froid artificiel pour refroidir ou pour simplement assurer une constance de la température, a beaucoup cru depuis la fin du XIXème siècle et continuera à croître encore plus vite au XXIème siècle, non seulement à cause de son rôle dans toutes les activités économiques, mais aussi pour des raisons fondamentales pour l’humanité: – le froid est indispensable pour la santé. Une chaîne du froid mal contrôlée provoque des intoxications alimentaires allant jusqu’au décès. Rien qu’aux États-Unis, près de 1 600 morts par an sont dus au moins partiellement à un mauvais contrôle des températures des denrées. Le conditionnement d’air résidentiel a réduit, toujours dans ce pays, de près de 80% au XXème siècle la mortalité pendant les jours chauds. N’oublions pas aussi en France les 15 000 morts de la canicule en 2003. Il a été démontré qu’une température limitée accroissait les performances tant des élèves que des travailleurs. Les médicaments les plus récents et les plus efficaces, issus de la biologie, et pas seulement les vaccins, nécessitent une conservation au froid. – la population croît surtout dans les pays d’Afrique et d’Asie du Sud où l’infrastructure de froid est déficiente. En moyenne, la capacité d’entreposage frigorifique y est dix fois moindre par habitant que dans les pays développés. Les pertes alimentaires y sont trois fois plus importantes. De plus, la population devient majoritairement urbaine (70% en 2050 contre 50% actuellement), ce qui accroît les besoins d’entreposage et de transport des denrées alimentaires et l’utilisation d’aliments plus « sophistiqués » faisant appel au froid. Le conditionnement d’air devrait consommer 30 fois plus d’énergie en 2100 par rapport à l’an 2000 selon le GIEC, selon le scénario de référence, accompagnant ainsi le développement économique général et l’élévation des températures mondiales. L’IIF doit bien entendu accompagner ce besoin de santé et de développement humain et économique dans le monde entier. Il doit aussi fournir à ses membres les éléments pour limiter les impacts sur la consommation énergétique et l’environnement.
La problématique de l’efficacité énergétique Le froid est fabriqué à partir d’une source d’énergie, généralement l’électricité et utilise le plus souvent les effets sur la température de la compression et de la détente d’un gaz. Seuls certains gaz possèdent les propriétés adéquates correspondant aux plages de température souhaitées, dans des conditions de sécurité satisfaisantes et avec une bonne efficacité énergétique. Bien entendu, l’IIF appuie les efforts faits pour utiliser d’autres technologies, par exemple celles utilisant l’énergie solaire, les matériaux magnétocaloriques…Mais ces technologies ne peuvent aujourd’hui être suffisamment efficaces pour la majorité des applications. Il est donc indispensable : – d’améliorer l’efficacité énergétique des équipements frigorifiques, de leurs composants comme des systèmes dans lesquels ils sont intégrés (bâtiment, district…) ou de diminuer le besoin de production de froid grâce à des meilleures isolations, de meilleures conceptions des systèmes et nous travaillons aussi sur ces alternatives. Aujourd’hui, le froid représente plus de 17% de la consommation électrique mondiale, avec des différences considérables entre par exemple l’Amérique du Nord (14% rien que pour le conditionnement d’air aux États-Unis) et l’Afrique sub-saharienne. Mais les chiffres augmentent vite dans les pays en développement. 40% de l’électricité est ainsi déjà utilisée à Mumbai (Inde) pour le conditionnement d’air. L’impact environnemental est important car la majeure partie de l’électricité est produite à partir d’énergie fossile. Mais cela pose aussi un problème d’infrastructures électriques qui sont à certains endroits largement insuffisantes. – de réduire l’impact environnemental des gaz utilisés dans les équipements frigorifiques. Ceux-ci fonctionnent normalement en circuit fermé. Mais, pour des raisons de taille d’installation (longueur des tuyaux), de vibrations, de défauts de maintenance, de récupération insuffisante en fin de vie de l’équipement, les fuites de ces gaz dans l’atmosphère sont souvent importantes.
Répondre au défi environnemental Or, beaucoup de ces gaz contiennent du chlore (chlorofluorocarbures-CFC, hydrochlorofluorocarbures-HCFC) et détruisent la couche d’ozone stratosphérique, qui nous protège des UV et des cancers de la peau. Ces gaz chlorés sont en voie de disparition grâce à l’application du protocole de Montréal qui date de 1987. Ces gaz sont majoritairement remplacés par des gaz fluorés (hydrofluorocarbures-HFC) qui ne détruisent pas la couche d’ozone mais qui sont, comme les CFC et HCFC, de puissants gaz à effet de serre en général. Des efforts sont donc faits pour limiter les fuites, diminuer les quantités utilisées à capacité frigorifique équivalente et enfin pour les remplacer par des gaz à faible effet de serre. Un accord international vient d’être adopté en octobre 2016 à Kigali (Rwanda) pour obliger tous les pays à diminuer la quantité de HFC utilisée, à l’image du protocole de Montréal sur la couche d’ozone stratosphérique et en liaison avec les engagements nationaux sur le changement climatique. Plusieurs pays, ceux de l’Union européenne (UE) et, dans une moindre mesure, d’autres pays développés, ont déjà mis en place la diminution des HFC en sus de la disparition des CFC et HCFC. Ainsi, dans l’UE, à l’échéance de 2030, la production et la consommation devront être diminuées de 79%. En une quinzaine d’années, c’est presque tout le parc de la réfrigération qui doit être modifié. Les autres pays développés vont, selon les négociations en cours, avoir des contraintes similaires. Les pays en développement bénéficieront de délais supplémentaires, en cours de négociation. Mais dans tous les cas de figure, tous les pays devraient, dès maintenant, commencer à : – mettre en place partout où c’est possible, des nouveaux équipements utilisant des gaz à faible effet de serre voire, dans quelques cas, des technologies différentes de la compression de vapeur, ou des systèmes complets très différents ; – lorsque les équipements sont encore de bonne qualité (la durée de vie d’un équipement frigorifique est généralement de 15-20 ans), limiter les fuites grâce à une formation et une certification des techniciens, à une amélioration de la maintenance et remplacer les fluides actuels à fort effet de serre par des fluides de transition à effet de serre plus modéré ; – dans tous les cas de figure, s’assurer que le changement permet de diminuer la consommation d’énergie et non de l’augmenter ; – étaler les coûts d’investissement dans le temps ; – réviser l’ensemble des réglementations, normes, codes de la construction… qui limitent ou devraient limiter l’utilisation de gaz présentant des risques, en particulier d’inflammabilité. En effet, tous les gaz à faible effet de serre présentent des risques pour la sécurité des personnes. Ces risques sont parfois faibles, ils peuvent être parfaitement maîtrisés, à condition de mettre en place des technologies et des règles adéquates et de les contrôler. L’ensemble de ces défis est à la fois considérable et urgent. Ils impliquent une action sur la durée (au moins trente ans). Il s’agit de : – mettre en place une politique d’investissement importante et tenant compte des contraintes environnementales actuelles et à venir ; – réviser l’ensemble des réglementations et normes applicables ; – former du personnel, au niveau des techniciens et des ingénieurs ; – mettre en place une recherche-développement adaptée aux conditions locales ; – organiser une veille scientifique, technique, économique et réglementaire ; du fait des contraintes énergétiques et environnementales croissantes, le secteur du froid évolue rapidement et continuera à évoluer fortement dans les décennies à venir et il faut que tous les pays bénéficient de la meilleure information disponible.
L’action de l’IIF en faveur du développement durable L’IIF peut vous y aider, afin de mettre en place dans votre pays un développement durable et maitrisé au XXIème siècle. L’IIF mène plusieurs actions : – la collecte, la sélection et la mise à disposition de documents techniques, scientifiques, économiques publiés par les chercheurs et ingénieurs du monde entier sur la base de données Fridoc qui contient plus de 100 000 références ; – la publication d’une revue scientifique spécialisée à fort facteur d’impact, la Revue Internationale du Froid, qui est la revue de référence pour les chercheurs du secteur du froid ; d’une newsletter pour tenir informés nos membres de l’actualité du froid tant en matière technique qu’économique ; de guides techniques, du Dictionnaire International du Froid en onze langues (allemand, anglais, arabe, chinois, espagnol, français, italien, japonais, néerlandais, norvégien, russe) ; de notes d’information, de synthèses pour les décideurs sur les principaux sujets d’actualité liés au froid ; de communiqués dans les conférences internationales sur le climat ou l’alimentation ; – l’organisation de conférences internationales sur les différentes technologies du froid, dans nos différents pays membres, réunissant chercheurs et industriels du monde entier ; – la réunion de groupes de travail sur des sujets d’actualité afin de mettre au point des documents de référence et/ou de définir des stratégies au niveau mondial, par exemple dernièrement sur l’analyse du cycle de vie des équipements (LCCP) ou sur la chaîne du froid dans les pays chauds ; – la participation, en tant que fournisseur de bibliographie et diffuseur de résultats, à des projets de recherche, en partenariat avec nos universités, centres de recherche et entreprises membres ; mise en réseau de nos membres, grâce à nos annuaires d’expertise et de laboratoires ; – l’appui à l’élaboration de standards en lien avec les organismes intergouvernementaux, régionaux voire nationaux en charge de la normalisation. L’IIF s’appuie sur son réseau de membres et agit en partenariat, en particulier avec les agences et programmes des Nations unies concernés. L’action doit se situer au niveau international mais aussi dans chaque pays séparément car les conditions de climat, de développement, de culture, sont différentes. L’IIF appuie donc, au cas par cas, tel ou tel pays sur des projets ou des actions particuliers, en plus de sa mission internationale générale. Son système d’organisation et de gouvernance garantit une expertise de qualité et une neutralité nécessaire face aux enjeux économiques et aux intérêts industriels, même si son fonctionnement implique une interaction constante entre acteurs publics et privés d’horizons divers.
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